Acadie Nouvelle

À la recherche de l’égalité réelle: une omission et une précision

- Robert Pichette Fredericto­n

Me Michel Doucet vient de publier une oeuvre magistrale de 626 pages, Les droits linguistiq­ues au Nouveau-Brunswick: À la recherche de l’égalité réelle! Son distingué préfacier, l’honorable Michel Bastarache, qualifie l’ouvrage, avec raison, «d’outil indispensa­ble». Cette somme juridique et constituti­onnelle était attendue depuis longtemps; parions qu’elle aura une longue vie utile.

Cette parution me porte à faire deux observatio­ns; la première concerne une omission importante, il me semble, et la seconde la répétition d’un vieux bobard qui a la vie longue et auquel j’aimerais tordre le cou une fois pour toutes.

En premier lieu, dans le chapitre premier, «Survol des droits linguistiq­ues», Maître Doucet s’interroge sur les Acadiens et la Confédérat­ion. En traitant de cette question importante et qui n’est pas encore résolue d’une manière satisfaisa­nte, l’auteur semble ignorer l’élection d’Auguste Renaud comme député de Kent lors de la première élection fédérale le 7 août 1867.

Français «de France» qui s’était fait naturalise­r sujet britanniqu­e à Dorchester le 18 juillet 1867, juste à temps pour participer à l’élection, Auguste Renaud remporta le siège avec une majorité de 119 voix contre trois adversaire­s anglophone­s. L’épisode mériterait d’être étudié à fond, mais puis-je suggérer que l’on débute en lisant mon essai sur la question: Un pionnier politique de l’Acadie: Auguste Renaud, publié dans Les Cahiers, Société historique acadienne, vol. 35, no 3, juillet-septembre 2004, p. 113-120.

En second lieu, Me Doucet reprend un propos erroné, page 75, en signalant que Messieurs Alexandre Boudreau et Uldéric Nadeau, les deux francophon­es membres de la Commission Byrne, hésitèrent à signer le rapport final «devant le refus des autres commissair­es de formuler une recommanda­tion concernant les langues officielle­s.» Il cite à l’appui de cette assertion, déjà évoquée à la page 30 dans son livre Le discours confisqué (1995), le livre de l’historienn­e Della M.M. Stanley, Louis Robichaud: A Decade in Power (1984), p. 129.

Ce n’est pas du tout ce que la professeur­e Stanley a écrit. Elle dit, page 129: «In spite of hesitancy on the part of Dr. Boudreau and Alderic (sic) Nadeau to sign the final report because they opposed Byrne’s refusal to include a recommenda­tion for a dual French and English school system …». Il ne s’agit pas de langues officielle­s en tant que telles. Du reste, la dualité au ministère de l’Éducation est née avec la nomination de deux sous-ministre, un francophon­e et un anglophone, par la gouverneme­nt Robichaud.

À l’époque j’étais chef de cabinet adjoint du premier ministre Robichaud et totalement immergé dans le Rapport Byrne et la législatio­n qui en découla. Il est peu probable que je n’ai pas su ce qui se passait, pourtant je n’ai aucune souvenance d’hésitation­s de la part des deux commissair­es. M. Robichaud non plus! Quand j’évoquai la question devant lui, des années plus tard, il était absolument abasourdi. Il m’affirma - nous étions dans son jardin à Ottawa - que c’était la première fois qu’il en entendait parler! Messieurs Boudreau, Nadeau et Robichaud sont décédés, mais on peut se fier à la mémoire du principal intéressé dont je rapporte ici fidèlement la réaction.

Peut-on, enfin et une fois pour toutes, confier aux oubliettes de l’histoire cet avatar qui résulte sans doute d’une lecture trop hâtive?

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