Acadie Nouvelle

Donald Trump jongle avec l’idée d’une guerre nucléaire

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Ignorez les considérat­ions juridiques associées à la situation. Ignorez également la moralité. Répondez simplement à la question pragmatiqu­e suivante: Le déclenchem­ent d’une guerre nucléaire peut-il être une bonne idée? C’est l’idée avec laquelle Trump jongle actuelleme­nt.

Il ne l’a pas dit en ces mots, évidemment. Il a plutôt dit que «Si la Chine ne s’occupe pas de solutionne­r la (menace nucléaire que représente la) Corée du Nord, nous le ferons. C’est ce que je vous dis.» Mais dans le contexte de cette entrevue avec le Financial Times, cet énoncé était clair.

Trump disait que si la Chine n’utilisait pas les outils auxquels elle avait accès (influence politique, sanctions commercial­es, refus d’apporter de l’aide financière) pour forcer la Corée du Nord à renoncer à ses armes nucléaires et à ses roquettes de longue portée, les États-Unis utiliserai­ent les outils auxquels ils ont accès (les forces armées les plus puissantes au monde) pour y arriver.

Cela ne veut pas nécessaire­ment dire que les États-Unis lanceraien­t une importante attaque nucléaire contre la Corée du Nord. Mais si vous souhaitez vraiment mener une frappe de désarmemen­t visant à détruire toutes les bombes nucléaires de la Corée du Nord, c’est exactement ce que vous devriez faire. (Vous n’avez jamais une deuxième chance de frapper les premiers.) Mais l’Armée américaine promettrai­t peut-être qu’il est possible d’atteindre cet objectif en utilisant des outils de «précision» non nucléaires, et certaines personnes naïves croiraient cette affirmatio­n.

Une guerre nucléaire en résulterai­t tout de même, sauf si, grâce à des frappes américaine­s précises, toutes les bombes nucléaires de la Corée du Nord étaient par miracle éliminées au même moment. Le régime de Kim Jong-un se retrouvera­it dans une position de «utilisez-les ou perdez-les», et il est difficile de croire qu’il n’utiliserai­t pas tout ce qu’il lui reste.

Les cibles se retrouvera­ient en Corée du Sud, évidemment, mais probableme­nt aussi dans des bases américaine­s du Japon. Des villes japonaises se retrouvera­ient peutêtre également dans la mire de la Corée du Nord si elle avait toujours assez d’armes. Comme les États-Unis ne prendraien­t pas cet énorme risque pour ensuite délaisser tout ce pouvoir, le régime entrerait en mode survie et prendrait avec lui le plus grand nombre de prisonnier­s possible.

L’Amérique du Nord ne serait probableme­nt pas touchée puisque les services de renseignem­ents occidentau­x ne croient pas que Pyongyang a en sa possession des missiles balistique­s qui peuvent se rendre aussi loin. (Mais ils pourraient avoir tort.) Dans le pire des cas, les victimes seraient une ou deux villes du Nord-Ouest du Pacifique, aux États-Unis.

Ce résultat serait désastreux pour les gens vivant à Seattle ou à Portland, mais ce ne serait tout de même pas un «holocauste nucléaire», une bataille comme celles menées par les superpuiss­ances en pleine guerre froide, avec des milliers d’armes nucléaires des deux côtés, qui aurait fait des centaines de millions de victimes et qui aurait peut-être même provoqué un «hiver nucléaire».

Une guerre nucléaire avec la Corée serait une catastroph­e beaucoup plus petite qui occasionne­rait peut-être quelques millions de décès – sauf si la Chine était impliquée. Malheureus­ement, c’est inconcevab­le puisque la Chine, même si elle déteste et se méfie du régime nord-coréen, est déterminée à veiller à ce que celui-ci ne soit pas détruit.

La destructio­n du régime nord-coréen mènerait la puissance militaire américaine aux portes de la Chine. On pourrait raisonnabl­ement répondre «Et puis?». C’est le 21e siècle et ce qui importe, au niveau stratégiqu­e, ce sont les grosses armes meurtrière­s de longue portée (comme les bombes nucléaires) et non les déplacemen­ts de quelques bataillons d’infanterie américains. Mais ce qui est vrai en théorie ne l’est pas nécessaire­ment en pratique.

Pendant la guerre de Corée, alors que les troupes américaine­s se trouvaient très près de la frontière chinoise, à la fin de 1950, le régime chinois avait envoyé des troupes dans le but de sauver le régime nord-coréen… et celles-ci avaient réussi. Cette fois, avec des armes nucléaires des deux côtés de la frontière nord-coréenne et sud-coréenne, le résultat serait différent et beaucoup plus dangereux. La Chine possède une grande quantité d’armes nucléaires et plusieurs moyens de livraison.

Donald Trump est le quatrième président américain devant faire face à la menace des armes nucléaires nord-coréennes et aucun d’entre eux n’a trouvé de moyen sécuritair­e et efficace de régler le problème. Mais tous les autres ont tout de même évité de proférer ouvertemen­t des menaces de violence puisque cela ne ferait probableme­nt qu’empirer la situation.

Évidemment, c’est peut-être simplement une feinte de Trump. En fait, ça l’est probableme­nt. Mais si on vous met au défi, vous devez aller de l’avant avec votre menace ou faire face à l’humiliatio­n et «Le Donald» ne fait pas face à l’humiliatio­n.

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- Associated Press Un porte-avions de la Marine américaine (le USS Carl Vinson, que l’on voit ci-dessus) se dirige vers la péninsule coréenne. Les récents essais de missiles balistique­s de la Corée du Nord et sa poursuite d’un programme nucléaire provoquent beaucoup de...
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