Acadie Nouvelle

Justin Trudeau a été sage de retenir sa langue

On peut généraleme­nt dire que la semaine se déroule assez bien si Donald Trump dirige ses attaques verbales vers le Canada au lieu de la Corée du Nord ou de la Russie. Plutôt qu’un affronteme­nt nucléaire, l’enjeu d’une guerre sur le lait entre le Canada e

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Bien que la communauté internatio­nale profite d’un bref répit des diatribes de Trump, il n’y a rien de réjouissan­t du côté canadien qui devient sa plus récente cible.

Justin Trudeau a donc bien fait de résister à la tentation de faire des blagues sur sa relation en dents-de-scie avec le président quand il a accueilli le souper du Forum des politiques publiques à Toronto la semaine dernière.

Bien que les mordus de politique et les lobbyistes de toutes allégeance­s, qui ont fait salle comble, ont espéré pénétrer les pensées du premier ministre, ils sont partis déçus.

N’empêche que même absent, Donald Trump a créé un malaise dans la pièce que personne n’a osé mentionner.

Quelques heures plus tôt, le président avait lancé la deuxième de deux attaques en règle sur les accords commerciau­x entre le Canada et les États-Unis.

La première avait été lancée plus tôt dans la semaine quand Trump s’est mis d’accord avec les producteur­s laitiers du Wisconsin sur le fait que les politiques canadienne­s se trouvent au coeur de leurs ennuis financiers – et a promis de s’en occuper.

Les optimistes parmi les Canadiens qui suivent Trump étaient d’avis que le président n’a que repris le personnage de sa campagne le temps d’une journée. Ils ont prédit que ce n’était que temporaire.

Mais après que le président a traité le Canada de «disgrâce» à partir du Bureau ovale en raison de ses pratiques commercial­es (sur des fronts allant de l’industrie laitière à l’industrie du bois d’oeuvre, en passant par l’industrie de l’énergie), ces optimistes ont ensuite adopté une attitude prudente d’attentisme.

Même si l’annonce menaçante de la semaine dernière n’aboutira peut-être pas à grand-chose, on ne peut pas la prendre à la légère.

D’abord, la fausse assurance voulant que les États-Unis ne ciblaient qu’indirectem­ent le Canada en raison de son associatio­n avec le Mexique sous les auspices de l’ALENA n’y est plus. De toute façon, on prenait nos désirs pour des réalités.

Face au contraste entre les paroles hostiles de Trump et les commentair­es positifs qu’il a offert plus tôt sur la relation commercial­e entre les deux pays, la mince confiance gagnée progressiv­ement depuis l’investitur­e s’effrite.

S’il y a un avantage pour le Canada, c’est que les nombreuses circonscri­ptions américaine­s qui profitent des accords commerciau­x entre les deux pays pourraient interpréte­r ces paroles hostiles comme un cri de ralliement.

Si l’ALÉNA n’était pas mutuelleme­nt avantageux, il aurait été rompu au lieu d’avoir survécu à une succession d’administra­tions américaine­s, y compris certaines qui sont beaucoup plus protectric­es que le Parti républicai­n en place.

Le dossier des relations canado-américaine­s monopolise déjà l’énergie politique dans les capitales fédérales et provincial­es plus qu’en aucun autre moment depuis les négociatio­ns de l’accord de libre-échange de 1988. Et ils s’apprêtent à accorder encore moins d’attention à d’autres questions.

Contrairem­ent aux négociatio­ns antérieure­s avec non seulement les États-Unis, mais aussi avec l’Europe et les pays de l’Asie-Pacifique, le Canada est maintenant sur la défensive, et ce, sans un ensemble de règles convenues.

Personne, par exemple, ne sait pourquoi le président met particuliè­rement l’accent sur les politiques énergétiqu­es du Canada. La situation difficile des producteur­s laitiers au Wisconsin, quant à elle, s’explique par une surproduct­ion dans un marché mondial saturé.

On peut facilement comprendre pourquoi Trump doit détourner l’attention de ses 100 premiers jours peu impression­nants. Une attaque verbale contre le Canada a probableme­nt aidé à calmer des factions belligéran­tes à la Maison-Blanche.

Mais un premier ministre canadien n’est pas plus exempt de l’opinion publique qu’un président américain. Avec chaque acte de «Trumpisme» anti-canadien, Trudeau subit une forte pression pour durcir son ton.

En choisissan­t ses mots avec prudence vendredi dernier, le premier ministre a fermement rejeté les accusation­s du président. On a généraleme­nt eu l’impression que Trudeau essayait de ne pas relancer une attaque, puisque Trump tire peut-être à blanc.

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− La Presse canadienne: Sean Kilpatrick
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