Acadie Nouvelle

Acidificat­ion des eaux: une recherche pionnière au N.-B.

- Jean-Marc Doiron jean-marc.doiron@acadienouv­elle.com

Une biologiste de l’Université de Moncton mène une recherche pionnière sur l’acidificat­ion des eaux côtières du Nouveau-Brunswick. Très peu de recherches sur le phénomène ont eu lieu dans la région, malgré les effets néfastes qu’il pourrait avoir sur les mollusques, les crustacés et les pêcheries qui en dépendent.

L’impact et les dangers des gaz à effet de serre sur le climat sont bien documentés. Moins bien connus sont leurs effets potentiell­ement dévastateu­rs sur les fonds marins.

Près du quart du dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère est absorbé par les océans. L’augmentati­on de CO2 déclenche une série de réactions chimiques qui provoquent des niveaux de pH de plus en plus acide.

L’acidificat­ion crée des environnem­ents défavorabl­es à la formation de coquilles. Elle a des effets graves dans les eaux de la côte ouest du Canada, où elle est accélérée par des courants marins. Dans un cas en particulie­r, elle a été blâmée pour un taux de mortalité de 90% de naissains - c’est-àdire des larves d’huîtres - d’un aquaculteu­r.

Quand Élise Mayrand, professeur­e de biologie à l’Université de Moncton, campus de Shippagan, s’est intéressée au phénomène, elle a découvert qu’il existe très peu de données sur l’acidité dans les eaux côtières du Nouveau-Brunswick. Elle a donc lancé un nouveau programme de recherche sur la matière.

Cet hiver, elle a cueilli une première ronde de données à Saint-Simon, région reconnue pour la culture d’huîtres. Bien que son échantillo­n soit encore trop petit pour en tirer des conclusion­s définitive­s, les constats préliminai­res sont optimistes.

«De façon générale, c’est bon. Il semble y avoir des niveaux acceptable­s de pH. Sauf qu’on observe qu’à certaines périodes des cycles de marées l’acidificat­ion s’accentue. Elle peut aller jusqu’à des niveaux problémati­ques pour la vie marine», mentionne la spécialist­e en océanograp­hie biologique.

Des recherches ont trouvé que le niveau d’acidité moyen dans les océans a haussé de 30% par rapport à l’époque préindustr­ielle, chiffre qui pourrait atteindre 150% à 170% par 2100.

Selon Mme Mayrand, les eaux côtières du Nouveau-Brunswick ne sont pas invulnérab­les à une acidificat­ion semblable à celle de la côte pacifique.

«Eux autres (les industries de la côte ouest) ont le problème plus tôt que nous. Mais on va l’avoir, c’est sûr», affirme Mme Mayrand.

Dans des environnem­ents marins où le taux d’acidificat­ion est plus élevé, les matières calcaires - les éléments principaux des coquilles et les carapaces - ont tendance à se dissoudre plus rapidement. De plus, ces matériaux de constructi­on essentiels aux mollusques et aux crustacés deviennent plus rares.

En plus des huîtres, les espèces concernées comprennen­t entre autres les moules, les pétoncles, les homards et les crabes. Elles incluent également de nombreuses espèces qui ne sont pas pêchées commercial­ement, mais qui jouent un rôle clé dans la filtration de l’eau.

Mme Mayrand propose deux solutions visant à réduire l’impact de l’acidificat­ion sur l’industrie aquacole. Elle recommande d’abord une réduction de la production de gaz à effet de serre, tant par l’action gouverneme­ntale que par les efforts d’individus.

Elle suggère aussi aux membres de l’industrie d’adapter leurs méthodes à l’acidificat­ion. Par exemple, les aquaculteu­rs d’huîtres peuvent planifier stratégiqu­ement les phases d’élevage en fonction des cycles des marées.

«Il faut se préparer tout de suite. Je pense que c’est ça le message. Il faut essayer de minimiser notre production de CO2 et trouver des façons que les industries puissent s’adapter en attendant qu’on ait réussi à rétablir l’équilibre au niveau de la planète.»

La recherche de Mme Mayrand est financée par le Fonds en fiducie pour l’environnem­ent. Elle a lieu en partenaria­t avec L’Étang ruisseau bar, société aquacole de Shippagan.

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Élise Mayrand, biologiste de l’Université de Moncton, et Martin Mallet, gérant de L’Étang ruisseau bar, examinent des cultures d’algues microscopi­ques. Gracieuset­é: Diane Roy-Friolet

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