Acidification des eaux: une recherche pionnière au N.-B.
Une biologiste de l’Université de Moncton mène une recherche pionnière sur l’acidification des eaux côtières du Nouveau-Brunswick. Très peu de recherches sur le phénomène ont eu lieu dans la région, malgré les effets néfastes qu’il pourrait avoir sur les mollusques, les crustacés et les pêcheries qui en dépendent.
L’impact et les dangers des gaz à effet de serre sur le climat sont bien documentés. Moins bien connus sont leurs effets potentiellement dévastateurs sur les fonds marins.
Près du quart du dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère est absorbé par les océans. L’augmentation de CO2 déclenche une série de réactions chimiques qui provoquent des niveaux de pH de plus en plus acide.
L’acidification crée des environnements défavorables à la formation de coquilles. Elle a des effets graves dans les eaux de la côte ouest du Canada, où elle est accélérée par des courants marins. Dans un cas en particulier, elle a été blâmée pour un taux de mortalité de 90% de naissains - c’est-àdire des larves d’huîtres - d’un aquaculteur.
Quand Élise Mayrand, professeure de biologie à l’Université de Moncton, campus de Shippagan, s’est intéressée au phénomène, elle a découvert qu’il existe très peu de données sur l’acidité dans les eaux côtières du Nouveau-Brunswick. Elle a donc lancé un nouveau programme de recherche sur la matière.
Cet hiver, elle a cueilli une première ronde de données à Saint-Simon, région reconnue pour la culture d’huîtres. Bien que son échantillon soit encore trop petit pour en tirer des conclusions définitives, les constats préliminaires sont optimistes.
«De façon générale, c’est bon. Il semble y avoir des niveaux acceptables de pH. Sauf qu’on observe qu’à certaines périodes des cycles de marées l’acidification s’accentue. Elle peut aller jusqu’à des niveaux problématiques pour la vie marine», mentionne la spécialiste en océanographie biologique.
Des recherches ont trouvé que le niveau d’acidité moyen dans les océans a haussé de 30% par rapport à l’époque préindustrielle, chiffre qui pourrait atteindre 150% à 170% par 2100.
Selon Mme Mayrand, les eaux côtières du Nouveau-Brunswick ne sont pas invulnérables à une acidification semblable à celle de la côte pacifique.
«Eux autres (les industries de la côte ouest) ont le problème plus tôt que nous. Mais on va l’avoir, c’est sûr», affirme Mme Mayrand.
Dans des environnements marins où le taux d’acidification est plus élevé, les matières calcaires - les éléments principaux des coquilles et les carapaces - ont tendance à se dissoudre plus rapidement. De plus, ces matériaux de construction essentiels aux mollusques et aux crustacés deviennent plus rares.
En plus des huîtres, les espèces concernées comprennent entre autres les moules, les pétoncles, les homards et les crabes. Elles incluent également de nombreuses espèces qui ne sont pas pêchées commercialement, mais qui jouent un rôle clé dans la filtration de l’eau.
Mme Mayrand propose deux solutions visant à réduire l’impact de l’acidification sur l’industrie aquacole. Elle recommande d’abord une réduction de la production de gaz à effet de serre, tant par l’action gouvernementale que par les efforts d’individus.
Elle suggère aussi aux membres de l’industrie d’adapter leurs méthodes à l’acidification. Par exemple, les aquaculteurs d’huîtres peuvent planifier stratégiquement les phases d’élevage en fonction des cycles des marées.
«Il faut se préparer tout de suite. Je pense que c’est ça le message. Il faut essayer de minimiser notre production de CO2 et trouver des façons que les industries puissent s’adapter en attendant qu’on ait réussi à rétablir l’équilibre au niveau de la planète.»
La recherche de Mme Mayrand est financée par le Fonds en fiducie pour l’environnement. Elle a lieu en partenariat avec L’Étang ruisseau bar, société aquacole de Shippagan.