Acadie Nouvelle

Jour de la famille, jour de la politique

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Après des années à brandir la carotte sous notre nez, le gouverneme­nt libéral s’est décidé à nous offrir un nouveau jour férié, qu’il a baptisé Jour de la famille. Ne soyons toutefois pas dupes. Ce cadeau du gouverneme­nt cache autre chose qu’une volonté de célébrer la vie familiale.

Dorénavant, le troisième lundi de février sera férié.

Évidemment, personne ne crachera sur la perspectiv­e d’obtenir une journée de congé payé à la maison, même si les conditions météorolog­iques sont plutôt inhospital­ières à cette période de l’année. Fredericto­n dispose sûrement de données qui indiquent qu’une telle mesure sera bien reçue par la population.

Néanmoins, l’annonce a de quoi surprendre. À une exception près, il n’existe pas de groupe crédible de citoyens ou de syndicats dans la province qui faisaient activement campagne afin d’obtenir ce nouveau congé.

L’exception est le Parti libéral du NouveauBru­nswick.

Le premier ministre Shawn Graham avait sorti ce lapin de son chapeau en pleine campagne électorale, en 2010. Personne n’avait pris au sérieux cette promesse qui visait avant tout à empêcher sa chute. La propositio­n n’a eu aucun effet sur le vote. Les progressis­tesconserv­ateurs ont pris le pouvoir et ont rapidement renvoyé aux oubliettes la propositio­n jugée trop onéreuse pour nos entreprise­s.

De retour au pouvoir, cette fois sous la gouverne de Brian Gallant, les libéraux ont ressuscité l’idée l’année dernière. Cela ressemblai­t à l’époque à un ballon d’essai. Cela n’a pas fait long feu bien qu’il semble, avec le recul, que le premier ministre a conservé ce projet dans sa manche en attendant le moment propice pour effectuer une annonce avec le maximum d’impact.

Il n’y a pas de hasard en politique. Le gouverneme­nt vit une crise politique importante à la suite du scandale des évaluation­s foncières truquées. Après une pause législativ­e de trois semaines qui a permis de laisser retomber un tantinet la poussière, les libéraux doivent de nouveau faire face quotidienn­ement aux attaques de l’opposition, qui les tiennent responsabl­es.

Alors que le chef de l’opposition Blaine Higgs s’offrait en spectacle, lundi, en traitant d’ordure et en jetant au sol une copie du contrat du juge à la retraite Joseph Robertson (censé faire la lumière sur le scandale), Brian Gallant et son équipe vantaient leur Jour de la famille.

Devinez laquelle des deux nouvelles a le plus retenu l’attention des citoyens? Le congé, bien sûr. Pour la première fois depuis le début de la crise des impôts fonciers, le gouverneme­nt a marqué un point dans l’opinion publique. Il lui en faudra beaucoup d’autres pour se sortir du bourbier, mais il faut bien commencer quelque part.

Cela étant dit, soyons un peu moins sceptiques aux fins de l’exercice, et acceptons un moment comme prémisses que ce nouveau jour férié n’a absolument rien à voir avec le scandale qui secoue la capitale. Après tout, sept autres provinces ont adopté sous un nom ou un autre un congé à la fin février. Qu’est-ce qui a bien poussé nos libéraux provinciau­x à les imiter?

En 2010, Shawn Graham soutenait que «dans ce monde où tout va trop vite», les Néo-Brunswicko­is méritent une journée pour «décrocher et passer du bon temps en famille». Il croyait aussi que ce serait bénéfique pour l’économie, puisque les familles en profiterai­ent pour s’évader, sortir au restaurant, etc.

L’an dernier, la ministre Cathy Rogers soutenait qu’une journée en famille permettrai­t à la main-d’oeuvre d’être ensuite «plus engagée et plus productive». Ce thème a ensuite été repris par Brian Gallant cette semaine, qui a soutenu qu’un meilleur équilibre entre le travail et la famille permettra de «faire croître la productivi­té de l’économie et de nos entreprise­s».

Notons qu’aucune étude ne permettant d’étayer ces affirmatio­ns n’a encore été rendue publique par Fredericto­n.

Cependant, force est d’admettre qu’il pourrait y avoir un impact touristiqu­e. L’ajout d’un long week-end favorisera les centres de ski, les carnavals et autres attraction­s du genre qui auront la sagesse d’offrir des promotions ou des activités spéciales à cette période de l’année.

Il y a aussi un autre groupe qui a toutes les régions de se réjouir: les travailleu­rs non syndiqués. Ce n’est pas tout le monde qui a le privilège de jouir d’un mois de vacances chaque été, de compter plusieurs journées de maladie, des congés profession­nels, etc. Pour ces gens qui travaillen­t à temps partiel ou à forfait, dans des commerces au détail ou dans des entreprise­s avec de mauvaises conditions d’emploi, ce congé sera plus que bienvenue.

Reste à découvrir si ce cadeau sera suffisant pour faire oublier les problèmes de Brian Gallant.

Le doute est permis.

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