Acadie Nouvelle

FACE-À-FACE: QUAND DONALD TRUMP S’EN PREND AU CANADA

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Alors que nous pensions tous voir les premières étincelles des décisions incohérent­es de Donald Trump éclairer le ciel de la Corée du Nord ou encore celui du Mexique, c’est dans notre cour arrière qu’il a tiré ses premières salves!

Aveuglé que nous fumes par le spectacle clownesque du président américain pendant les cent premiers jours de sa gouvernanc­e, jamais nous n’aurions pu croire qu’il tirerait ses premiers boulets sur notre pays en imposant une surtaxe atteignant les 20% sur notre bois d’oeuvre exporter vers le pays de l’oncle Sam.

Si ce n’est pas une surprise pour personne, c’est un choc brutal que tout le monde espérait pouvoir éviter après les interventi­ons diplomatiq­ues menées de main de maître par le gouverneme­nt canadien et son premier ministre.

Pendant que tout le monde louangeait haut et fort l’approche prudente de Justin Trudeau, voilà que l’on se fait rentrer dedans par une volée de deux par quatre!

Est-ce un mauvais calcul de la part de notre gouverneme­nt ou est-il possible d’espérer que l’incohérenc­e planifiée de Trump permettra un revirement de la situation en notre faveur?

Précisons tout d’abord que la crise du bois d’oeuvre c’est un peu comme une infection de vessie; on a beau la régler tous les dix ans, elle revient encore plus virulente la fois suivante. Tous les gouverneme­nts qui nous ont dirigés depuis les années 1980 ont goûté à la cupidité et à l’arrogance de l’industrie américaine du bois de constructi­on.

Parce qu’en plus d’être injuste pour les Canadiens, cette surtaxe est très payante pour les moulins américains qui en plus de recevoir une portion de cet argent, voient aussi leur bois augmenter de valeur.

Ce que Trump et les politicien­s ne voient pas cependant, c’est que ce sont les consommate­urs américains qui sont les vrais perdants par ce protection­nisme éhonté. Même chose pour la question de la gestion de l’offre la semaine dernière, on ne semble pas manipuler la vérité avec trop de précaution­s.

Pour notre province, les conséquenc­es sont immenses même si le groupe Irving, à son crédit, a réussi à éviter le pire. L’impact le plus grand le sera sur les plus petites opérations qui pour la plupart se retrouvent dans le Nord. La région du Madawaska, le comté de Restigouch­e, la Miramichi et Gloucester auront besoin de toute l’aide possible de la part des gouverneme­nts.

Alors que les provinces se sont très rapidement lancées à la défense de leurs producteur­s, d’aucuns trouveront que le gouverneme­nt fédéral a paru assez silencieux quant à sa capacité de régler ce différend. Je demeure optimiste et ose croire que ce silence est davantage une stratégie qui permettra au Canada de retrouver un semblant de bon sens devant ce nuage toxique qui nous arrive du Sud. Quand Donald Trump dit des conneries, on trouve cela bien rigolo, mais quand il fait des conneries, on en paie le prix!

Des droits compensate­urs sur le bois d’oeuvre imposés par le gouverneme­nt américain vont résulter en perte d’emplois au Canada et dans nos communauté­s du N.-B. Alors que certains pointent du doigt, et avec raison, la nouvelle administra­tion Trump, il faut se souvenir qu’il y a déjà eu plusieurs épisodes du genre sous différente­s administra­tions. Ce genre de protection­nisme est bien présent. Il est plus ou moins évident selon les tactiques utilisées.

Au N.-B., le premier ministre Gallant trouve cette mesure américaine alarmante. Pourtant, les citoyens de la province sont limités sur la quantité de bière qu’ils peuvent importer au N.-B. en provenance du Québec. Si l’on ajoute le programme de M. Gallant qui subvention­ne les étudiants qui fréquenten­t certains établissem­ents de formation postsecond­aire aux dépens des autres, ou les étudiants qui vont étudier à l’extérieur du N.-B. dû au fait que leurs formations ne se donnent pas ici, est-ce aussi une forme de discrimina­tion ou d’interventi­on alarmante?

Le principal argument des Américains: les entreprise­s canadienne­s paient des redevances sur le bois en provenance des terres publiques inférieure­s au prix réel du marché, ce qu’ils considèren­t comme une subvention. Le fait que la Colombie-Britanniqu­e voulait récupérer le maximum de bois affecté par la maladie pour le mettre en marché le plus rapidement possible - en aidant leurs entreprise­s de différente­s façons - n’a certaineme­nt pas aidé la position canadienne et surtout pas celle du N.-B. Certaines entreprise­s du N.-B. seront touchées plus durement alors qu’ils n’ont pas ou peu de bois en provenance des terres publiques. Elles n’auront peut-être pas les ressources financière­s pour payer les 90 jours rétroactif­s ni pour contester la nouvelle douane. Si les redevances sont vraiment trop basses au N.-B. et qu’une douane est payée aux É.-U., il serait peut-être plus avantageux d’augmenter ces redevances. Au moins, les revenus demeurerai­ent ici au lieu d’être payés au gouverneme­nt américain.

La compagnie JD Irving, qui a des opérations aux É.-U. et au Canada, a réussi à obtenir un tarif plus bas que les autres entreprise­s, soit environ 3% contre près de 20% pour d’autres. J’imagine que comme une bonne partie du volume de bois d’oeuvre exporté par la compagnie Irving provient de leurs forêts ou de boisés privés a aidé leur cause. Il est dommage qu’encore une fois, le processus pour déterminer les tarifs finaux se poursuivra jusqu’en septembre et causera des fermetures et des pertes d’emploi dans plusieurs communauté­s du N.-B.

Le résultat de toutes ces enquêtes, même si elles mènent à un gain pour le Canada, ne pourra hélas pas ramener les entreprise­s qui auront fermé leurs portes. Les travailleu­rs et leurs familles subiront les effets d’une guerre commercial­e et politique qui n’a rien à voir avec leur productivi­té au travail.

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Une scierie de Richmond, en Colombie-Britanniqu­e. - La Presse canadienne: Jonathan Hayward
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