Acadie Nouvelle

Tant pis pour la vague populiste

Lors de son discours de victoire le 23 avril, Emmanuel Macron, le prochain président de la France, a annoncé: «Je veux devenir […] le président des patriotes face à la menace des nationalis­tes.» La majorité des partisans de Trump aux États-Unis et des «Li

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Aux États-Unis, on préfère le terme «patriote», mais celui-ci signifie généraleme­nt un «nationalis­te» qui brandit des drapeaux et crie des slogans. Trump s’exclame: «L’Amérique d’abord», et la foule lui répond: «Les États-Unis à jamais!»

On ne verrait pas une telle scène à un rassemblem­ent électoral britanniqu­e - le Royaume-Uni se situe trop près de l’Europe continenta­le, où on a de mauvais souvenirs de ce type d’activité. Mais le nationalis­me anglais derrière le Brexit n’est que trop évident. Selon certains, dans les deux pays, c’est du «nationalis­me blanc». Mais même les nombreuses personnes qui ne sont pas racistes, mais qui ont voté pour Trump ou le Brexit, sont très soucieuses de protéger les frontières de leur pays. Il y a «nous» d’un côté, et «eux» de l’autre.

Quant aux Français qui ont voté pour Macron, ils comprennen­t très bien la différence entre le patriotism­e et le nationalis­me. Ils auront à voter encore une fois pour Macron au deuxième tour, le 7 mai, quand il se trouvera nez à nez avec la candidate néo-fasciste, Marine Le Pen. Toutefois, presque tous les électeurs qui ont voté pour d’autres candidats auront maintenant à choisir entre eux. Elle est nationalis­te; ils sont patriotes.

Les Européens établissen­t un lien entre le nationalis­me et la catastroph­e des grandes guerres du siècle dernier. Et le racisme que l’on y associe leur rappelle les images de camps d’exterminat­ion nazis. Il y a bien sûr certaines exceptions; sinon, des phénomènes politiques comme Le Pen en France, Geert Wilders aux PaysBas et Beppo Brillo en Italie n’existeraie­nt pas. Mais elles demeurent quand même une minorité presque partout.

Ce n’était pas si évident il y a quatre mois. Après le vote pour le Brexit en juin et l’élection de Trump en novembre, les ultranatio­nalistes de l’Europe ont été convaincus que leur moment était enfin venu - et de nombreux observateu­rs craignaien­t qu’ils aient raison. Le Brexit semblait représente­r la première étape vers la chute de l’Union européenne. Et des Pays-Bas jusqu’à l’Autriche, on avait l’impression que les fascistes cognaient à la porte.

Par contre, le parti de Wilders n’a gagné que quelques sièges dans l’élection du mois dernier et ne demeure que la préférence d’une minorité. Marine Le Pen n’est pas plus près de la présidence française que son père ouvertemen­t fasciste l’était il y a quinze ans: le Front national ne gagne jamais plus de 25% des voix. Et le parti d’extrême droite, antiimmigr­ant et anti-UE, «Alternativ­e pour l’Allemagne», a perdu son chef ainsi que le tiers de son appui au cours du dernier mois.

Ils se servent du terme, souvent avec mépris, pour décrire les économies déréglemen­tées et les politiques obsédées par le marché des États-Unis post-Reagan et du Royaume-Uni post-Thatcher. (On accorde de temps à autre une mention honorable à l’Australie aussi.)

Pendant un quart de siècle, les politiques de l’Anglosphèr­e ont été constammen­t asservies au «marché», même quand des soi-disant chefs de gauche comme Bill Clinton et Tony Blair détenaient le pouvoir. Évidemment, des taux de croissance quelque peu plus élevés en ont résulté, ainsi qu’un écart de plus en plus grand entre les salaires des riches et ceux du reste de la population.

Le reste de l’Ouest n’échappe pas à cette tendance politique, mais celle-ci est beaucoup moins visible dans les pays de l’Union européenne (et même dans certains pays qui y résistent, comme le Canada et la Nouvelle-Zélande). Maintenant, la disparité des salaires du 1% et du 99% a connu une haute croissance dans les principaux centres de l’Anglosphèr­e. On récolte ce que l’on a semé.

On ne peut pas décrire la réponse à la fois aux États-Unis et au Royaume-Uni comme du vrai populisme, qui, en dépit de tous ses défauts, essaie au moins de réduire les inégalités salariales. Il s’agit de politiques de droite standards, de style populiste, qui se servent du nationalis­me pour détourner l’attention des victimes du fait que ces gouverneme­nts sont en fait au service des riches.

Circulez, il n’y a rien de nouveau à voir.

La «vague populiste» qui semblait ravager les politiques de l’Ouest a fini par ne déferler que sur ce que les Européens connaissen­t comme l’«Anglosphèr­e».

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Les Français auront à voter encore une fois pour Emmanuel Macron au deuxième tour, le 7 mai, quand il se trouvera nez à nez avec la candidate néo-fasciste, Marine Le Pen (ci-dessus). Toutefois, presque tous les électeurs qui ont voté pour d’autres...
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