Fentanyl: à quand un meilleur accès à l’antidote au N.-B.?
Plusieurs intervenants réclament un plus grand accès à la naloxone, un composé chimique qui inverse les effets des opioïdes comme le fentanyl, responsable de centaines de décès à travers le pays.
Face à la crise, l’Ontario a permis aux pharmaciens d’offrir des trousses de naloxone injectable gratuites. La substance permet de bloquer les récepteurs sollicités par les opioïdes et de mettre un terme à l’arrêt respiratoire causé par une surdose.
Plusieurs milliers de kits ont été distribués en Ontario dans les bureaux de santé publique, les pénitenciers provinciaux et les organismes communautaires qui exploitent des programmes d’échange de seringues.
Le gouvernement de Terre-Neuve-etLabrador a déjà déployé 1 200 trousses dans 89 lieux stratégiques.
Jusqu’à présent, le Nouveau-Brunswick n’a pas pris de mesures aussi radicales et la province ne rembourse pas l’achat de naloxone. Un groupe de travail de travail a été mis sur pied pour «se préparer et répondre à la venue du fentanyl», indique Dre Jennifer Russell, médecin-hygiéniste en chef par intérim.
«Nous continuons à surveiller la situation au Nouveau-Brunswick et à consulter les autres juridictions pour mieux comprendre les défis auxquels elles font face et les leçons qu’elles ont apprises, incluant leurs façons de rendre la naloxone disponible au public.»
Depuis mars 2016, l’antidote aux opiacés est disponible sans ordonnance au Canada. Le public peut se procurer l’injection en pharmacie pour environ 40$. Cependant, le produit peut être difficile à trouver.
«Ce ne sont pas toutes les pharmacies qui vont en avoir en inventaire», souligne Paul Blanchard, directeur général de l’Association des pharmaciens du Nouveau-Brunswick.
Il demande que la naloxone soit couverte par la province et distribuée à plus grande échelle. «On pense qu’on a un rôle à jouer», insiste Paul Blanchard.
«On regarde d’un oeil inquiet ce qui se passe dans l’Ouest du Canada et on anticipe qu’on va avoir des problèmes de fentanyl ici au Nouveau-Brunswick. Le fentanyl est présent et il faut en discuter.»
M. Blanchard craint les effets du nouveau programme de surveillance pharmaceutique. Les pharmaciens recevront bientôt des alertes électroniques en temps réel lorsqu’un client a obtenu une grande quantité ou plusieurs ordonnances pour certaines substances présentant un risque de dépendance.
Le gouvernement espère ainsi lutter contre l’abus d’opioïdes sur ordonnance et d’autres médicaments réglementés. Cela inclut par exemple le Dilaudid, le Percocet, le Ritalin ou l’Ativan.
Selon M. Blanchard, ce nouveau système risque d’encourager certains clients à se se procurer illégalement des opioïdes comme le fentanyl. «Il va y avoir moins d’abus, mais ça va aussi créer un marché», dit-il.
Julie Dingwell, directrice de Sida SaintJean, réclame elle aussi un accès plus étendu au naloxone. L’organisme qui vient en aide aux toxicomanes a organisé une collecte de fonds pour acheter 25 kits d’antidote et former ses clients à leur utilisation.
«On devrait identifier les groupes comme le nôtre capables de distribuer du naloxone à travers la province, lance-t-elle. Il faut le rendre le plus accessible possible, la naloxone peut sauver des vies»
Pour le moment, seules les équipes de la GRC et d’Ambulance Nouveau-Brunswick ont accès à la naloxone.
Les ambulanciers ont de plus en plus recours au naloxone
Les véhicules d’Ambulance NB sont équipés de naloxone depuis 2007. Le produit est utilisé en cas de surdoses aux opioïdes.
«Si le patient a pris de la morphine, du fentanyl ou de la méthadone, les travailleurs paramédicaux sont préparés à donner ce médicament, explique Brian Attfield, coordonnateur de la qualité clinique chez Ambulance NB. En cas de surdose, le niveau de conscience du patient et ses capacités nerveuses vont diminuer rapidement et il va finir par arrêter de respirer.»
En 2013, Ambulance NB a dû administrer du naloxone à 53 patients. En 2016, 127 personnes en ont reçu lors des interventions du service paramédical.
Le recours à l’antidote s’est encore accéléré au cours des derniers mois. Du 1er janvier au 20 avril 2017, 87 patients ont été traités au naloxone.
Est-ce que cela signifie que les cas de surdoses sont plus fréquents?
Pas forcément répond Brian Attfield. «En raison de la couverture médiatique, les paramédicaux sont plus à l’aise avec l’utilisation du naloxone. Ils ont aussi reçu de la formation qui les encourage à s’en servir plus souvent parce que c’est simple et sécuritaire», ditil
Au cours des derniers mois, Ambulance NB a changé le protocole entourant l’administration de naloxone, les ambulanciers peuvent désormais administrer 0,8 milligramme au lieu de 0,4 milligramme.