UN ANGE GARDIEN ACADIEN À SAINTE-LUCIE
Quand un petit Canadien doit subir une opération lourde à un oeil, la chirurgie se déroule généralement rapidement et gratuitement. Il n’en est pas de même partout sur la planète. Encore moins dans un pays en émergence comme l’île de Sainte-Lucie, dans les Caraïbes. C’est à ce moment qu’un ange gardien comme Denise Godin, de Rivière-duPortage, entre en jeu.
Mme Godin, qui a fêté ses 62 ans au début du mois, vit à Castries, la capitale de SaintLucie, depuis 1989.
Après des études en soins infirmiers à SaintJean, l’Acadienne a accepté un poste à la pouponnière d’un hôpital de Halifax. Elle a ensuite travaillé à Vancouver et à Riyad, en Arabie Saoudite.
C’est dans ce pays qu’elle a rencontré son mari (Len), un Britannique. À la fin des années 1980, le couple planifiait de s’installer au Canada quand Len s’est fait offrir un poste dans le domaine des télécommunications sur la petite île de Sainte-Lucie.
«Nos plans ont alors changé, raconte-t-elle. C’était il y a 28 ans et je suis toujours aussi heureuse de vivre à Sainte-Lucie… mais tout en gardant une partie de mon coeur à Rivièredu-Portage.»
Sans emploi dans sa nouvelle terre d’accueil, l’Acadienne en a profité pour compléter son baccalauréat en sciences infirmières à l’Université du Nouveau-Brunswick. Elle a aussi fait du bénévolat auprès de nombreux organismes, dont la Saint Lucia Blind Welfare Association.
Son dévouement n’est pas passé inaperçu parce qu’au milieu des années 1990, l’association l’a embauchée comme infirmière et agente de prévention de la cécité.
Dans le cadre de son travail, le sexagénaire donne des ateliers de formation sur la santé de la vue après d’infirmières et de professeurs, ce qui l’amène jusqu’en Martinique et à Haïti.
En 2003, l’Acadienne a commencé à coordonner ce qu’elle considère comme le projet le plus valorisant de sa carrière, Kids in Sight.
Grâce à ce projet, des enfants de SainteLucie aux prises avec des troubles graves de la vue peuvent bénéficier des services de spécialistes de la West Virginia Institute, aux ÉtatsUnis. Deux cent petits en ont profité en 2016.
«Chaque année, une équipe de spécialistes en pédiatrie de la vue se déplace à Sainte-Lucie afin de faire des évaluations, des chirurgies, fournir des verres correcteurs en plus d’offrir de la thérapie et des séances d’orientation et de mobilité aux enfants aveugles ou ayant une mauvaise vision.»
Ces spécialistes sont tous bénévoles et leur passage dans l’île demande à Mme Godin une année complète de coordination et de planification. «Mais les résultats sont extraordinaires», souligne-t-elle.
Pour illustrer son point, Mme Godin donne l’exemple de Romario, un petit garçon qui, à l’âge de 1 an et demi, a été diagnostiqué d’un cancer de l’oeil appelé rétinoblastome.
Lors de leur passage à Sainte-Lucie, un chirurgien plastique et un spécialiste de la rétine de la West Virginia Institute ont retiré l’oeil du petit Romario. Six semaines plus tard, une autre équipe de spécialiste a conçu une prothèse parfaitement adaptée à la condition de l’enfant.
«Non seulement avons nous sauvé la vie de Romario, mais il a pu recevoir une prothèse qui est la copie de son oeil, fait-elle valoir. On ne pourrait jamais dire qu’il ne voit pas d’un oeil! Comme ne peut-on pas être épaté et touché par de telles expériences?»
Derrière de telles réussites se cachent toutefois une réalité plus sombre: Sainte-Lucie souffre d’un grave manque de spécialistes de la santé les yeux, surtout en pédiatrie.
«En raison de leur coût, il est extrêmement difficile de se procurer des choses aussi simples que des lunettes», déplore-t-elle.
Les efforts de Mme Godin ne passent toutefois pas inaperçus. En 2012, son pays d’adoption lui a décerné la médaille du Jubilé de diamant de la Reine en raison du travail qu’elle accomplit auprès des enfants.
À l’aube de la retraite, l’Acadienne caresse le rêve que «tous les enfants de Sainte-Lucie qui ont des problèmes de vision puissent bénéficier d’une réelle chance dans la vie».
«Je voudrais qu’ils puissent être égaux et indépendants en étant des citoyens sur le marché du travail et qu’ils puissent contribuer à la société et à leurs pays.»