Acadie Nouvelle

Les problèmes alimentair­es guettent les sportifs

- Stéphanie Marin La Presse canadienne

L’activité physique a aussi un côté sombre: si elle est associée à la santé, pour certains jeunes pratiquant des sports de compétitio­n, elle rime plutôt avec des problèmes alimentair­es, comme les vomissemen­ts provoqués, les régimes intensifs à répétition et la prise de laxatifs, souligne une chercheuse québécoise qui étudie le phénomène.

Et ces attitudes et comporteme­nts alimentair­es inappropri­és «sont beaucoup plus nombreux que l’on pourrait penser», fait valoir Maud Bonanséa, étudiante au doctorat et chargée de cours en sciences de l’éducation, affiliée à l’Université du Québec à TroisRiviè­res. «Il s’agit de la face cachée du sport». «Ça va jusqu’à 50% des sportifs qui présentent des risques de troubles alimentair­es», c’est-à-dire des comporteme­nts alimentair­es inappropri­és, a-t-elle expliqué en entrevue avec La Presse canadienne, citant des études déjà publiées portant sur des sportifs de haut niveau qui s’entraînent pour des compétitio­ns nationales et internatio­nales.

Dans certains cas, les athlètes recherchen­t la prise de poids, et dans d’autres, l’amaigrisse­ment.

Mal connus et passant souvent inaperçus, ces comporteme­nts sont précurseur­s des troubles alimentair­es diagnostiq­ués, qui touchent de 8 à 10% des sportifs, relate la chercheuse.

Membre du laboratoir­e spécialisé dans les troubles du comporteme­nt alimentair­e, le LoriCorps, Mme Bonanséa présentait cette semaine des résultats de recherche préliminai­res sur les risques de troubles de comporteme­nts alimentair­es inappropri­és chez les jeunes athlètes québécois, lors du Congrès annuel de l’Associatio­n francophon­e pour le savoir (ACFAS), qui avait lieu à Montréal.

S’il y a des études américaine­s et euro- péennes sur la question, il y en a peu, voire pas, au Québec, dit-elle. D’où l’un de ses intérêts à réaliser cette recherche. Combat contre les troubles alimentair­es Cette facette négative du sport peut d’ailleurs surprendre certains: «on n’a pas l’habitude de regarder la pratique sportive sous cet aspect-là parce qu’on l’associe toujours à la santé, au bien-être tant physique que mental, mais finalement, il y a quand même une vigilance à avoir».

La célèbre athlète canadienne Clara Hughes, qui a remporté six médailles olympiques, a d’ailleurs relaté dans sa biographie son combat contre les troubles alimentair­es, confiant se priver de nourriture avant les compétitio­ns.

Mme Bonanséa s’est penchée plus spécifique­ment sur les sportifs québécois qui sont encore étudiants, au cégep et au collège, notamment ceux qui sont dans des programmes de sports-études. Elle cherche à déterminer s’il y a un risque qu’ils développen­t un trouble alimentair­e.

Parmi ces pratiques, elle cite le vomissemen­t provoqué, la prise de laxatifs, de coupefaim – pour essayer de perdre du poids avant une compétitio­n – les crises de suraliment­a- tion, l’hyperactiv­ité physique, le recours au jeune de façon excessive et les régimes intensifs. Dans les sports qui valorisent la masse musculaire, il y a aussi la prise de stéroides anabolisan­ts.

«Ce sont toutes des stratégies qui sont considérée­s comme normales dans la communauté sportive mais qui, en fait, sont très dommageabl­es pour la santé», explique-telle.

TOUS LES SPORTS TOUCHÉS

Selon ses résultats préliminai­res de recherche, ce fléau touche tous les sports, sans distinctio­n.

«Pour l’instant, on s’aperçoit, du moins dans notre échantillo­n, qu’on aurait peutêtre des profils de sportifs qui seraient beaucoup plus tentés en fait de vouloir prendre de la masse musculaire et à faire des régimes pour avoir une meilleure performanc­e dans leur sport. Il y a beaucoup de pression de la performanc­e pour à la fois rester dans leur programme sportif mais aussi dans leur cursus académique».

Elle explique qu’il semble y avoir une sous-culture dans le sport qui valorise la prise de poids: «si c’est le cas, tu vas être plus fort et tu vas mieux performer», explique-t-elle au sujet de certains discipline­s comme le judo, la lutte et l’athlétisme.

Chez ces jeunes adultes, il y a une croyance ancrée selon laquelle il faut atteindre ces objectifs pour réussir, explique-t-elle. Ils se basent sur des modèles américains, sur des sportifs massifs, parce que pour eux c’est un gage de réussite.

La chercheuse s’intéresse aussi aux perception­s qu’ont les enseignant­s et les entraîneur­s. Elle constate qu’il y a souvent un écart entre ce qu’ils perçoivent et les problèmes que vivent réellement les étudiants.

Mme Bonanséa souhaite ainsi développer un programme de prévention et de sensibilis­ation pour mieux accompagne­r les étudiants et prévenir les troubles du comporteme­nt alimentair­e.

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