Virer le couteau dans la plaie
Les présentes séries éliminatoires de la Coupe Stanley ont le don de virer un peu plus chaque soir le couteau dans la plaie de l’organisation du Canadien de Montréal et de leurs partisans. Et deux fois plutôt qu’une!
Pendant que le Tricolore se demande encore ce qui a bien pu se passer contre les Rangers de New York pour échouer dès la première ronde dans sa tentative d’aller jusqu’au bout cette année, P.K. Subban et les Predators de Nashville, ainsi que les Sénateurs d’Ottawa, ont poursuivi leur chemin jusqu’en finales d’association et pourraient bien assurer un face-à-face fort prometteur en finale pour l’obtention du fameux bol argenté.
Je sais, il reste encore beaucoup de hockey à jouer pour que ça arrive. Mais admettez que c’est une possibilité plus que réelle. Parlons-en de ce P.K. Subban… De très nombreux amateurs du Canadien ont encore de travers cette transaction qui a pris tout le monde par surprise et qui a envoyé leur favori dans la ville du country contre le flegmatique et aguerri défenseur Shea Weber.
Il suffit de lire les commentaires dans les blogues de journalistes montréalais et sur les médias sociaux pour se rendre compte à quel point le directeur général Marc Bergevin paraît mal dans cet échange. Un peu plus et on serait prêt à manifester et à pendre son effigie en face du Centre Bell.
Pour l’instant, il paraît évident que les Predators sont les grands gagnants de ce troc. Ils ont obtenu un défenseur étoile dans la fleur de l’âge qui est devenu un pilier d’une brigade déjà très solide avec Roman Josi et Ryan Ellis. Ça donne un Big Three pas piqué des vers, assurément le meilleur de la LNH et peut-être l’un des plus dominants depuis le célèbre trio de Serge Savard, de Guy Lapointe et de Larry Robinson à la fin des années 1970.
Chez le Canadien, on a voulu se départir - ou se débarrasser, diront les plus virulents commentaires - d’un joueur exubérant qui aimait parler, qui prenait beaucoup de place dans et hors du vestiaire, qui faisait de l’ombre aux autres «vedettes» du club, qui embarrassait l’entraîneurchef (congédié depuis…).
Un joueur - un des rares de la LNH - qui pouvait apporter de la passion dans le jeu souvent terne d’une équipe surévaluée.
Un joueur - un des rares de la LNH - qui pouvait animer d’un seul coup de patin ou d’une seule feinte une foule hypnotisée par les exploits de son gardien vedette.
Un joueur qui ne cadrait pas dans la philosophie centenaire et ultraconservatrice d’un club incapable de s’ajuster à l’individualité qui façonne aujourd’hui notre monde sportif.
En retour, le Canadien a reçu un joueur «dans le moule», un (supposé) leader, un arrière encore capable de quelques flashs qui ont fait de lui un des plus redoutés du circuit Bettman, mais qui a clairement démontré que ses meilleurs jours sont derrière lui.
Un gars qui devait aider le capitaine à mieux jouer. On l’a vu contre les Rangers…
Imaginez un seul instant si P.K. parvient à soulever la coupe Stanley dans trois semaines. Bergevin devra se cacher pendant tout l’été.
Et que dire des Sénateurs d’Ottawa. Leur performance va peut-être les sortir enfin de l’ombre des fameux Glorieux!
On ne donnait pas cher de leur peau quand cette équipe a perdu trois matchs en huit jours contre le Canadien, en pleine course pour le sommet de la section Atlantique en mars.
Désorganisés en défensive, peu inspirés en attaque, sans oublier un gardien qui semblait incapable d’arrêter un ballon de plage, les hommes de l’entraîneur-chef Guy Boucher n’en menaient pas large à quelques semaines du début des séries. En tous cas, peu de gens les estimaient capables de franchir une ou deux rondes éliminatoires.
Et pourtant - ces lignes ont été écrites avant la rencontre de vendredi -, il est fort probable que les Sénateurs soient sur la veille de priver les Penguins et Sidney Crosby d’un deuxième défilé des champions consécutifs dans les rues de Pittsburgh. Mais comme je l’ai dit plus tôt, il reste encore beaucoup de hockey à jouer.
Ce changement est assurément attribuable au jeu inspiré du défenseur Erik Karlsson, le meneur incontesté de cette équipe. On l’a vu contre les Bruins de Boston et les Rangers; il est carrément sur une autre planète quand il passe à la vitesse supérieure. Et dire qu’il a réalisé tout ça malgré un pied fracturé et certainement d’autres bobos qu’on prend bien soin de cacher du côté d’Ottawa.
Il ne faut pas mésestimer la contribution de Guy Boucher dans cette équation. Il avait fait la même chose avec le Lightning de Tampa Bay en 2011, menant Vincent Lecavalier, Martin St-Louis et un tout jeune Steven Stamkos en finale d’Association de l’Est contre les éventuels champions de la coupe Stanley, les Bruins de Boston. Son système hermétique avait fonctionné à cette époque et il fonctionne encore aujourd’hui, quand les joueurs se sacrifient pour la cause.
Aujourd’hui, les Sénateurs risquent donc de devenir la première équipe canadienne depuis les Canucks de Vancouver, en 2011, à prendre part à la finale de la Coupe Stanley. Et même si leurs chances sont plutôt minces face à la formidable machine des Predators, c’est en tous cas beaucoup mieux qu’une autre équipe chouchou des partisans et des médias à qui on prédisait pourtant un printemps très chaud.
Imaginez un seul instant si un défilé des champions est organisé quelque part en juin en face du Parlement. Marc Bergevin devra prendre le premier vol pour Mars!
De quoi virer le couteau dans la plaie une troisième fois!