Cannabis: douche froide pour les grands fumeurs
Certains grands amateurs de cannabis pourraient bientôt être pincés pour conduite avec facultés affaiblies des jours après avoir fumé leur dernier joint. Alors que la légalisation du pot approche, préparez-vous à revoir ce que vous pensez savoir à ce suje
Le gouvernement Trudeau a déposé le mois dernier son projet de loi sur la légalisation du cannabis à des fins récréatives. Si tout se passe comme prévu, la vente et la possession de cette drogue seront permises dès juillet 2018.
Cette légalisation sera accompagnée d’un renforcement de la lutte contre la conduite avec les facultés affaiblies. Les policiers pourront entre autres tester la salive des conducteurs qu’ils soupçonnent d’être stone afin de mesurer le taux de tetrahydrocannabinol (THC) dans leur sang.
Les conducteurs ne pourront avoir un taux de THC de plus de 2 nanogrammes par millilitre de sang dans les deux heures après la conduite. Ceux qui franchiront ce premier seuil risqueront d’être mis à l’amende.
Des peines plus sévères seront prévues pour les fautifs qui prendront le volant avec un taux de plus de 5 ng/ml ou qui auront un taux de THC dans le sang d’au moins 2,5 ng/ml et un taux d’alcoolémie élevé (voir encadré en page 2).
Qu’est-ce que ces changements voudront dire pour les amateurs de cannabis? Tout dépendra de leurs habitudes de consommation.
Des personnes qui fument très souvent du pot pourraient avoir droit à de bien mauvaises surprises lors d’éventuels contrôles policiers, et ce, même s’ils n’ont rien consommé depuis plusieurs heures, voire plusieurs jours.
En gros, certains consommateurs qui fument du cannabis plusieurs fois par jour, à des fins récréatives ou médicinales, pourraient carrément ne jamais être en mesure de conduire sans enfreindre la loi lorsque les changements seront adoptés par le gouvernement Trudeau.
CE QU’EN DIT LA SCIENCE
Les recherches scientifiques menées récemment ont mené à des découvertes qui ont de quoi faire réfléchir sérieusement les grands consommateurs de cannabis.
Ces études, que l’on doit prendre avec des précautions puisqu’elles sont à petite échelle, indiquent que le taux de THC dans le sang des fumeurs réguliers a tendance à diminuer plus lentement après la dernière consommation que dans le sang des fumeurs occasionnels.
Cela signifie que les gens qui consomment du cannabis tous les jours ou presque risquent de «péter la balloune» pendant une plus longue période que ceux qui ne fument que de temps à autre. La différence peut être majeure.
Une étude réalisée par des chercheurs du National Institute on Drug Abuse et de l’Université du Maryland à Baltimore, publiée en 2014 dans la revue Clinical Chemistry, est particulièrement intéressante.
Dans le cadre de leurs travaux, ces scientifiques ont recruté des fumeurs réguliers et des fumeurs occasionnels. Au début de l’étude, ils ont accueilli les participants dans leurs locaux et se sont assuré qu’ils ne fumaient pas de pot pendant 19 heures.
Ils ont par la suite donné un joint standardisé à chaque participant et leur ont donné dix minutes pour le fumer. Au cours des 30 heures suivantes, les chercheurs ont prélevé jusqu’à 15 échantillons de sang pour mesurer la progression du taux de THC.
Ils ont découvert que le taux de tous les fumeurs occasionnels était descendu sous la barre des 5 ng/ml en deux heures ou moins. La moitié d’entre eux étaient en deçà de ce seuil en une heure ou moins.
Quant aux fumeurs réguliers, la moitié d’entre eux étaient sous la barre des 5 ng/ml en 3,5 heures ou moins (la gamme était de 1,1 à plus de 30 heures).
Près d’un fumeur régulier sur cinq (16,7%) avait encore un taux de THC de plus de 5 ng/ ml lors de la fin de l’étude, soit 30 heures après avoir fumé son dernier joint.
Lorsque la nouvelle réglementation canadienne sera adoptée, conduire avec un tel taux de THC dans le sang exposera les consommateurs de cannabis à des peines allant de l’imposition d’une amende de 1000$ à dix ans d’emprisonnement.