Acadie Nouvelle

Commissair­e aux langues officielle­s: meilleure candidate... ou meilleure libérale?

- pascal.raiche-nogue@acadienouv­elle.com @raichenogu­e

Le processus ayant mené à la nomination de l’ex-ministre libérale Madeleine Meilleur au poste de commissair­e aux langues officielle­s continue de causer des remous. S’agissait-il d’un choix partisan ou non? L’Acadie Nouvelle a posé la question à deux candidats des provinces de l’Atlantique, qui ne s’entendent pas à ce sujet.

L’écrivaine et relationni­ste terre-neuvienne Françoise Enguehard ne s’en cache pas: elle a soumis sa candidatur­e afin de succéder à Graham Fraser. Cet emploi l’intéressai­t.

Comme elle l’explique aujourd’hui dans sa chronique hebdomadai­re dans notre journal, on ne l’a pas convoquée à une entrevue d’embauche. Elle est évidemment déçue que ses efforts n’aient pas porté leurs fruits, mais indique qu’elle n’est pas le moindremen­t amère.

Contrairem­ent à d’autres personnes ayant tenté leur chance, sans succès, elle ne croit pas que le curriculum vitae libéral de Madeleine Meilleur explique sa nomination.

La preuve, selon elle, c’est qu’un candidat très près des libéraux de Justin Trudeau (qu’elle se garde bien de nommer) a soumis sa candidatur­e et n’a pas eu de succès.

«Or, il n’y avait pas mieux connecté au niveau du gouverneme­nt fédéral actuel que cette personne-là. Pour moi, c’était très clair qu’il n’y avait pas eu d’ingérence. Mais moi, je parle au niveau du processus que j’ai suivi», dit-elle en entrevue téléphoniq­ue avec l’Acadie Nouvelle.

Françoise Enguehard ajoute qu’elle ne peut commenter le déroulemen­t des entrevues, puisqu’elle n’y a pas participé. Mais avec un peu de recul et à la vue de la controvers­e qui continue d’entourer le choix de Madeleine Meilleur, elle dit croire que cette affaire n’est sans doute finalement qu’une tempête dans un verre d’eau.

«Mais est-ce qu’aujourd’hui, je pense que le processus a été correct? Oui. Je trouve qu’on a une tendance à chercher la petite bête constammen­t et puis à se dire que ça n’a pas été transparen­t. Ça commence à me chauffer, tout ça. Elle est éminemment qualifiée pour le poste.»

Elle déplore que certains, dont des députés de l’opposition à Ottawa, crient à la partisaner­ie puisque Madeleine Meilleur a affirmé qu’elle avait discuté de sa candidatur­e avec de très proches collaborat­eurs de Justin Trudeau.

Elle dit avoir elle-même contacté des acteurs de la sphère fédérale pour leur dire qu’elle déposait sa candidatur­e. Si de telles démarches étaient si efficaces, pourquoi n’a-t-elle même pas été interviewé­e, se demande-t-elle.

«Ce n’est pas un crime que de laisser entendre que l’on est intéressé à un poste, même auprès de gens bien placés. Ça ne veut pas dire que ces gens vont intervenir. Ça veut dire que ces genslà, si on leur dit “connaissez-vous Untel”, ils vont être capables de dire “oui”.»

LES DÉS ÉTAIENT-ILS PIPÉS?

Le juriste et expert des droits linguistiq­ues néo-brunswicko­is Michel Doucet convoitait lui aussi le poste de commissair­e aux langues officielle­s du Canada.

Il est cependant pas mal moins convaincu que Françoise Enguehard que la nomination de Madeleine Meilleur n’était pas partisane. C’est ce qu’il a confirmé à l’Acadie Nouvelle en entrevue téléphoniq­ue.

Après avoir soumis sa candidatur­e en décembre 2016, il a été convoqué à des entrevues et a subi divers tests langagiers et d’aptitudes au cours des mois suivants.

En mars, une conversati­on avec un élu fédéral (dont il ne veut dévoiler l’identité ni la province d’origine pour éviter de lui causer des ennuis) lui a cependant fait froncer les sourcils. Et pas à peu près.

«J’avais rencontré un député libéral à un moment donné pour d’autres choses. Ce n’était pas par rapport à ça. Il s’est informé à savoir si j’avais posé ma candidatur­e au poste de commissair­e aux langues officielle­s. J’ai répondu oui.»

Le député en question, qui était de bonne foi et sans malice selon Michel Doucet, lui aurait alors sorti une phrase étonnante, vu que le processus d’embauche était toujours en cours.

«Cette personne m’a tout simplement dit “tu sais, oublies ça, c’est Madeleine Meilleur qui va être nommée et qui va être de l’avant”. Et d’ailleurs, il m’a dit “si le poste t’intéresse vraiment, tu sais qu’il faudrait que tu parles à des personnali­tés du Parti libéral au gouverneme­nt.”»

Michel Doucet dit qu’il lui a répondu qu’il n’avait pas du tout l’intention d’essayer de mousser sa candidatur­e auprès de l’élite libérale fédérale et de miser sur ses contacts plutôt que sur ses compétence­s.

«Il m’a dit “c’est louable, je te félicite pour ça, mais je ne crois pas que c’est comme ça que ça marche.» Peut-être qu’à la fin, il avait raison, si je regarde comment ça s’est terminé.»

Michel Doucet tient à préciser qu’il ne remet pas en cause la compétence de Mme Meilleur, mais qu’il se pose tout de même des questions sur le processus qui a mené à sa nomination.

Il déplore notamment que les chefs des partis d’opposition n’aient pas été consultés avant que Justin Trudeau arrête son choix sur l’ex-politicien­ne libérale ontarienne. Il croit que cela pourrait ouvrir la porte à des dérives semblables ailleurs, par exemple au Nouveau-Brunswick.

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Madeleine Meilleur. - Archives
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Michel Doucet. - Archives
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