Ne sous-estimez pas Jagmeet Singh
À moins que Jagmeet Singh commette une gaffe dès le départ de sa campagne, il pourrait bientôt être le candidat favori dans la course à la succession de Thomas Mulcair.
Avec ses racines solidement ancrées dans le NPD de l'Ontario – dont il était chef adjoint jusqu'à la semaine dernière – et dans un Canada multiculturel, Singh a le potentiel d'être une force imbattable.
La communauté sikhe est très impliquée en politique canadienne et le nombre de partisans néo-démocrates potentiels le plus élevé se trouve en Ontario.
Après que la France ait élu un président âgé de 29 ans, il est difficile de prétendre que Singh, âgé de 28 ans, soit trop jeune pour mener un parti.
Singh n'a aucune expérience au fédéral. Pas plus que deux autres chefs du NPD n'en possédaient quand ils ont pris les rênes du parti. Alexa McDonough a passé toute sa carrière politique en NouvelleÉcosse avant de s'installer sur la Colline du Parlement. Jack Layton a fait ses premières armes à l'hôtel de ville de Toronto.
Bien que Singh ne soit pas aussi bien connu à l'extérieur de l'Ontario ou du milieu néo-démocrate, aucun des quatre candidats déjà dans la course ne l'est non plus. En fait, Singh a probablement déjà fait couler plus d'encre que l'ensemble des quatre candidats depuis son entrée en scène dans la course.
Contrairement aux libéraux et aux conservateurs, les néo-démocrates utilisent toujours la formule d'«un membre, un vote», où le gagnant du vote populaire remporte la mise. Il sera donc plus facile pour lui de gagner même s'il a peu ou pas d'appuis dans certaines régions. Particulièrement s'il bénéficie d'un appui important en Ontario et en ColombieBritannique. Ces provinces ont tendance à compter beaucoup plus de membres néodémocrates que les autres provinces.
Donc Jagmeet Singh n'aura pas nécessairement besoin de rallier le Québec pour remporter une victoire décisive à l'automne. Lors de la dernière élection, les libéraux ont vaincu le NPD en Ontario et l'ont rayé de la carte au Canada atlantique. De nombreux néo-démocrates pourraient alors mettre l'importance sur la récupération du territoire perdu plutôt que sur autre chose.
Comme deux des chefs fédéraux sont québécois – Justin Trudeau et Martine Ouellet du Bloc Québécois – et qu'un troisième pourrait s'ajouter si Maxime Bernier remporte son pari, l'élection de 2019 pourrait s'avérer féroce entre les chefs issus du Québec. L'influence du successeur de Mulcair au Québec ne sera pas aussi importante que celle de ses adversaires. Le parti aura beaucoup de travail à faire dans cette province, peu importe le résultat du vote.
Ç'a pourtant pris un demi-siècle pour que le NPD établisse une présence au Québec. Personne ne veut que le cadeau d'adieu de Jack Layton à son parti soit en vain.
Ce qui nous mène à la question que se posent de nombreux néo-démocrates, surtout les seize députés québécois du parti: étant donné le penchant du Québec pour la laïcité, comment réagiront les Québécois à un chef néo-démocrate sikh portant un turban? Il n'y a pas très longtemps, le Parti Québécois a promis dans sa campagne d'imposer un code vestimentaire laïque à tous les fonctionnaires.
Étant donné l'épisode du niqab de la dernière élection, certains diraient sans hésiter qu'un chef qui a comme trait caractéristique son identité religieuse assurerait la catastrophe pour son parti au Québec en 2019. Mais est-ce juste? C'est vrai que le NPD a subi un coup dur au Québec sur la question du niqab. La multitude d'anciens partisans libéraux qui sont revenus au bercail pour appuyer Trudeau ont vraiment coupé l'herbe sous les pieds à Mulcair. Trudeau a presque triplé le nombre de votes pour son parti – majoritairement au détriment des néo-démocrates.
Jusqu'à maintenant, le débat sur la laïcité au Québec implique principalement des politiciens n'appartenant pas à une minorité religieuse visible.
Les habiletés en français de Singh feraient rougir de honte certains anciens ministres conservateurs qui essayent depuis un an de convaincre leur parti de ne pas prendre en considération leur incompétence flagrante quant à la deuxième langue officielle.
Personne ne devrait supposer qu’un chef néo-démocrate qui peut bien communiquer en français avec les Québécois perdrait automatiquement toute chance de victoire dans cette province en raison de sa religion.