L’INDUSTRIE CRAINT UNE CRISE MAJEURE
Un redoutable insecte ravageur, la tordeuse des bourgeons de l’épinette, est de retour au Nouveau-Brunswick. Les scientifiques essayent de lui mettre des bâtons dans les roues, tandis que l’industrie craint une crise majeure.
La tordeuse, dont la larve s’en prend aux épinettes et aux sapins en mangeant leurs bourgeons et leurs aiguilles, a fait une entrée en scène remarquée l’année dernière au Nouveau-Brunswick. C’était la première fois depuis 1995 que cet insecte faisait des dommages dans la province.
Rob Johns, insectologue forestier au Service canadien des forêts, explique en entrevue téléphonique que certaines petites zones près de Bathurst et de Campbellton ont été touchées en 2016.
«On parle de petites zones et de faibles densités. On pense que c’est encore gérable. (...) Ce n’est certainement pas catastrophique. Le pire scénario au NouveauBrunswick était 20% de défoliation dans des sites les plus durement touchés, dans la région de Campbellton.»
Ce scientifique basé à Fredericton met les choses en contexte. Vingt pour cent des arbres dans un secteur, cela peut sembler inquiétant. La situation est cependant bien pire dans certaines régions du Québec.
«Si on avait une éruption comme celle que l’on a vue dans le Bas-Saint-Laurent, on verrait 100% de défoliation année après année. On n’est même pas proches de ça.»
De l’épandage d’insecticides a eu lieu dans des zones ciblées l’année dernière pour ralentir la progression de la tordeuse dans le Nord.
«On espère qu’en faisant cela, en contrôlant les endroits les plus “chauds”, ça réduira le risque que la tordeuse se déplace ailleurs dans la province.»
DES MILLIARDS DE DOLLARS EN JEU
Pendant ce temps, l’industrie forestière retient son souffle. Elle n’a pas oublié la crise des années 1970, lors de laquelle plus de 50 millions d’hectares avaient été endommagés au Canada.
Le PDG de Forêt NB, Mike Légère, explique que cet insecte est l’un des sujets les plus chauds dans le secteur en ce moment, sur un pied d’égalité avec l’imposition récente de nouveaux droits compensatoires sur le bois d’oeuvre canadien par le gouvernement américain.
«Je dirais que la tordeuse est presque au même niveau d’inquiétude pour l’industrie forestière. C’est tellement un enjeu important pour nous, parce que si l’on se retrouve avec une crise comme celle des années 1970, l’industrie subira des impacts majeurs», dit-il.
Selon ses calculs, une crise aussi importante que celle d’il y a quarante ans coûterait très cher. Il estime qu’une infestation à grande échelle dans les provinces de l’Atlantique entraînerait des pertes de 15 milliards $ à l’industrie sur plusieurs années.
Mike Légère est inquiet, mais se dit quelque peu rassuré par le fait que des mesures d’intervention précoce sont déjà en oeuvre. L’épandage d’insecticides devrait au moins ralentir la progression de la tordeuse et l’empêcher d’infester les forêts du sud de la province, espère-t-il.
UNE PROGRESSION DIFFICILE À PRÉDIRE
Pour l’instant, il est difficile de prédire si les mesures mises en oeuvre l’année dernière ont porté leurs fruits.
Rob Johns, du Service canadien des forêts, reste prudent. Il se croise les doigts et espère l’épandage d’insecticides a fait mouche.
«Théoriquement, il pourrait y avoir autant de défoliation, mais on devrait assister à une diminution l’année prochaine. C’est ce que l’on espère.»
Les scientifiques du gouvernement fédéral restent sur leurs gardes. La tordeuse est un insecte indigène qui perturbe naturellement l’écosystème forestier de l’est du Canada tous les 35 ou 40 ans. Nous sommes donc en quelque sorte dus pour une infestation.
Plusieurs régions du Québec ont été touchées ces dernières années. Des millions d’hectares ont été affectés. Cela fait dire à Ressources naturelles Canada que l’on se dirige vers de sérieux problèmes dans notre région.
«L’augmentation constante de superficies forestières endommagées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette observée dans l’est du Canada depuis 2006 annonce vraisemblablement une nouvelle infestation généralisée dans cette partie du pays», lit-on sur son site web.