Démembrement d’un homard vivant: un restaurateur accusé d’être cruel
Un restaurant torontois fait face à une crise de relations publiques après avoir publié une vidéo du démembrement d’un homard avant sa cuisson. Un organisme de protection de droits des animaux demande que des accusations de cruauté animale soient déposées.
Après un tollé provoqué par PETA en 2013 au Maine et un verdict de culpabilité pour cruauté envers un homard d’un marchand australien ce printemps, c’est au tour des Canadiens d’avoir un débat sur les droits des homards.
Les projecteurs ont été braqués sur le sujet au début du mois quand un blogue gastronomique a publié une vidéo sur sa page Facebook d’un homard préparé dans un restaurant torontois nommé lbs. Dans la vidéo, on peut voir le démembrement - pièce par pièce - d’un homard avant sa cuisson. Le chef arrache d’abord sa pince droite, ensuite sa pince gauche et puis enfin sa queue. Tout le long du processus, le homard continue de bouger ses pattes et sa queue.
«Cela indique qu’il est toujours alerte, conscient et souffrant à travers le démembrement brutal», peut-on lire dans un communiqué de presse d’Animal Justice, le groupe de défense des droits des animaux qui a fait une plainte sur l’incident à la SPCA de l’Ontario.
Les images ont suscité de vives réactions des internautes. Plusieurs se sont rendus sur la page Facebook du restaurant lbs afin de manifester leur mécontentement. Le restaurant a désactivé sa page Facebook, et la vidéo a été supprimée par Eater.com.
La vidéo est cependant toujours disponible sur la page Facebook d’Animal Justice, qui en a obtenu une copie avant qu’Eater.com la supprime. Selon Camille Labchuk, directrice générale du groupe animaliste, Eater.com tente de la forcer d’enlever la vidéo en utilisant des moyens légaux.
«Nous voulions que les gens puissent voir ce qui s’est produit. Ils utilisent tous les moyens légaux qu’ils peuvent pour nous forcer à l’enlever. Ils tentent clairement de cacher ce qu’ils perçoivent comme un désastre en relations publiques.»
Mme Labchuk affirme que les lois sur la cruauté envers les animaux de l’Ontario et du Canada protègent le homard. Elle explique que dans certaines provinces, la définition du mot «animal» exclut les invertébrés. La loi ontarienne et la loi criminelle nationale ne font pas une telle nuance, selon elle.
Au Nouveau-Brunswick, le fait d’abattre un animal de façon cruelle est punissable d’une amende de 140$ à 2100$. La loi n’aurait toutefois jamais été appliquée au homard.
La capacité du crustacé à ressentir la douleur se retrouve au centre du débat.
Certains, dont le Conseil canadien du homard, avancent que le crustacé ne ressent par la douleur puisqu’il a un système nerveux décentralisé. Ils affirment que le homard n’a pas de cerveau, mais une série de ganglions.
Une étude publiée en 2014 par trois universités de Royaume-Uni et le département de la Psychologie et la Neuroscience de Dalhousie University de Halifax affirme que les décapodes (l’ordre de crustacé qui comprend le homard) remplissent 14 de ses 17 critères pour la perception de la douleur. Les insectes en remplissent seulement sept, alors que les mammifères les remplissent tous.
«Notre sommaire de la preuve soutient la conclusion que plusieurs animaux perçoivent des états semblables à la douleur en remplissant notre définition de la douleur chez les animaux. Nous acceptons que nous ne puissions pas établir à 100% que n’importe quel animal ressent de la douleur. Quoi qu’il en soit, le “principe de précaution”, soit l’idée qu’il vaut mieux protéger un groupe d’animaux si on trouve hors de tout doute raisonnable qu’ils ressentent la douleur, propose qu’on devrait agir comme si au moins quelques animaux ressentent la douleur», conclut la recherche.
Mme Labchuk recommande aux personnes qui traitent le homard d’assommer le crustacé avant de le cuire ou de le démembrer. Elle suggère l’utilisation d’un outil nommé le Crustastun, qui rendrait le crustacé inconscient en moins d’une demi-seconde grâce à une décharge électrique.