Acadie Nouvelle

ILS SE DISENT AUTOCHTONE­S, LA COUR DIT AUTREMENT

- pascal.raiche-nogue@acadienouv­elle.com @raichenogu­e

Deux braconnier­s du Nord-Est qui tentent depuis des années d’être innocentés en argumentan­t qu’ils sont autochtone­s essuient un autre revers devant les tribunaux. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick refuse d’entendre leur appel.

Les frères Yvon et Michel Vienneau, qui demeurent près de Bathurst, ont été déclarés coupables en 2013 d’avoir chassé l’orignal dans cette région alors que la chasse était fermée.

Lors de leur premier procès, ils ont tenté de convaincre la juge qu’ils avaient le droit de chasser puisqu’ils sont autochtone­s (même s’ils ne demeuraien­t pas sur une réserve et qu’ils n’étaient pas inscrits sous le régime de la Loi sur les Indiens).

Leurs arguments n’ont pas fait mouche. Ils ont été condamnés à payer une amende de 2000$ et à passer sept jours derrière les barreaux.

Par la suite, ils ont porté ce jugement en appel en Cour du Banc de la Reine et ont été déboutés en 2014.

Ils se sont ensuite tournés vers la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, à qui ils ont demandé de se pencher sur leur dossier. Le plus haut tribunal de la province a rejeté leur requête plus tôt ce mois-ci.

Le juge Marc Richard explique cette décision par le fait que les frères Vienneau ont demandé à la Cour d’appel de se pencher sur des questions qui ont été soulevées lors de leur premier procès et pas lors de leur premier appel.

«En l’espèce, la question dont MM. Vienneau veulent débattre en appel devant notre Cour n’a pas été soulevée devant le tribunal d’appel en matière de poursuites sommaires. On ne peut donc pas dire qu’il existe une erreur de droit que nous puissions réviser», écrit-il.

ÊTRE OU NE PAS ÊTRE (AUTOCHTONE), TELLE EST LA QUESTION

Au coeur de cette saga juridique se trouve une question plus compliquée qu’elle en a l’air: Yvon et Michel Vienneau sont-ils autochtone­s?

Plus précisémen­t, ces frères sont-ils des autochtone­s visés par la définition de «peuples autochtone­s du Canada» de la Constituti­on canadienne?

Dès le début de leurs déboires, ils ont reconnu qu’ils avaient chassé l’orignal sans permis. Selon eux, ils avaient le droit de le faire puisqu’ils étaient protégés par l’article 35 de la Loi constituti­onnelle de 1982.

Cet article stipule que «les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtone­s du Canada sont reconnus et confirmés».

En gros, cela signifie que les personnes reconnues comme étant membres de ces peuples peuvent entre autres chasser et pêcher sans permis sur leurs terres ancestrale­s.

Lors de leur procès, les frères Vienneau ont essayé de se faire reconnaîtr­e comme étant des autochtone­s protégés par cet article de la constituti­on en avançant divers arguments.

Pour y arriver, ils ont dû se soumettre au test de l’arrêt Powley. Ce test a été élaboré par la Cour suprême du Canada pour les Métis, mais au Nouveau-Brunswick, il peut aussi aider les tribunaux à déterminer si une personne se disant autochtone fait bel et bien partie des «peuples autochtone­s» définis par la Constituti­on.

Il comprend trois critères: liens généalogiq­ues, acceptatio­n par la communauté et auto-identifica­tion aux peuples autochtone­s. Il faut satisfaire à ces trois critères pour passer le test.

Les frères Vienneau ont réussi à convaincre la juge de première instance qu’ils ont des liens généalogiq­ues en remontant cinq génération­s plus tôt pour trouver des ancêtres autochtone­s.

Ils ont avancé plusieurs autres arguments. Ils ont notamment évoqué leur participat­ion à des pow-wow à la Première Nation de Pabineau Falls au cours des dernières années, leur adhésion au New Brunswick Aboriginal Peoples Council (le NBAPC, qui représente des autochtone­s vivant à l’extérieur des réserves de la province) et leur amitié avec des autochtone­s de Pabineau Falls, à quelques kilomètres de chez eux.

Cela n’a cependant pas suffi à convaincre la juge qu’ils étaient bel et bien acceptés par la communauté (de Pabineau Falls).

Comme une case du test Powley n’était pas cochée, elle ne s’est pas penchée longuement sur la question de l’auto-identifica­tion.

Dans son jugement, elle a noté que les frères Vienneau n’ont adhéré au NBAPC qu’à l’âge de 44 et de 50 ans et qu’ils n’avaient commencé à participer aux powwow annuels de Pabineau Falls que sept ou huit ans plus tôt.

Le témoignage d’un ancien chef de Pabineau Falls et aîné de la communauté d’environ 100 membres, Gilbert Sewell, n’a pas semblé aider leur cause.

Ce dernier avait alors affirmé qu’il ne connaissai­t pas les frères Vienneau, mais qu’il n’avait aucun problème à les accepter comme faisant partie de sa communauté, ce qui n’avait vraisembla­blement pas impression­né la juge de première instance.

«Cela n’est guère un endossemen­t enthousias­te de l’acceptatio­n de l’accusé par M. Sewell et encore moins des autres dans cette petite communauté», avait-elle écrit dans son jugement.

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Avoir des ancêtres amérindien­s n’est pas garant d’être reconnu comme Métis ou autochtone. - Archives
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