Acadie Nouvelle

UNE SUBVENTION QUI DIVISE À MONCTON

- mathieu.roy-comeau@acadienouv­elle.com @roycomeau

La décision du gouverneme­nt provincial d’accorder 9 millions $ à l’une des plus grandes banques du pays pour créer près de 600 emplois à Moncton ne fait pas l’unanimité dans la population et chez les politicien­s.

Les élus locaux et les gens d’affaires réunis au théâtre Capitol de Moncton étaient tout sourire le 24 mai pour cette annonce de création d’emplois.

Sur la scène devant eux, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Brian Gallant, et l’un de ses plus célèbres prédécesse­urs, Frank McKenna, devenu vice-président du conseil d’administra­tion de la Banque TD.

L’institutio­n financière s’engage à créer 575 emplois à son nouveau centre d’appel de la région de Moncton. En échange, la province du Nouveau-Brunswick versera jusqu’à 9 millions $ à TD.

L’annonce suscite l’enthousias­me de plusieurs, mais soulève aussi des questions dans la population.

«On donne de l’argent pour acheter des emplois. Je pense que tout l’argent qu’on va donner pour attirer ces grandes compagnies à venir s’installer au Nouveau-Brunswick, c’est de l’argent qui aurait pu être mieux négocié afin de retomber dans les poches des NéoBrunswi­ckois», avance Joey Couturier, un citoyen de Saint-Quentin.

Lors de l’annonce, Brian Gallant a confié que l’aide financière du gouverneme­nt avait contribué à convaincre TD de s’installer à Moncton, mais que c’était surtout la qualité de la main d’oeuvre bilingue dans la région qui avait décidé l’entreprise.

«S’ils ont choisi le Nouveau-Brunswick pour la force de nos employés et de notre bilinguism­e, pourquoi devons-nous en plus leur donner de l’argent?», s’interroge M. Couturier.

Le lendemain de l’annonce, l’Acadie Nouvelle a demandé aux internaute­s s’ils étaient d’accord avec ce genre de subvention­s gouverneme­ntales pour créer des emplois dans les centres d’appel. Parmi la centaine de participan­ts au questionna­ire non scientifiq­ue, 58% ont dit être opposés à cette pratique.

Le Nouveau Parti démocratiq­ue est contre ce qu’il appelle «l’aide sociale» aux entreprise­s.

«Cette banque-là est tellement riche qu’elle pourrait acheter le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick», résume le chef par intérim du NPD, Rosaire l’Italien.

La Banque TD a enregistré un bénéfice net de 2,3 milliards $ lors du dernier trimestre de 2016, rappelle-t-il.

«Combien d’enseignant­s pourrait-on embaucher (avec ces 9 millions $)? Combien de services de santé pourrait-on améliorer? On préfère donner cet argent pis après on coupe, on coupe on coupe», déplore M. l’Italien.

Même si la population semble divisée sur cette façon de créer des emplois, le gouverneme­nt provincial court très peu de risque sur le plan politique, selon le politologu­e Mario Levesque de l’Université Mount Allison.

«La population suppose simplement que c’est comme ça que l’on brasse des affaires», explique-t-il.

Même si la concurrenc­e entre les gouverneme­nts pour attirer ces emplois est parfois féroce, le Nouveau-Brunswick pourrait se permettre de ne pas jouer le jeu des subvention­s aux grandes sociétés, affirme M Levesque.

«L’impact économique pour la province et les communauté­s est assez minime quand on considère le genre d’emplois, le niveau des salaires, le coût des subvention­s et le fait que ça emprisonne les gens du Nouveau-Brunswick dans les emplois bas de gamme.»

«Ça serait controvers­é de dire non (à ces entreprise­s), mais ça serait mieux à long terme pour la province», croit-il.

Opportunit­és NB, l’agence provincial­e de développem­ent économique, défend les pratiques du gouverneme­nt en matière de création d’emplois.

«Attirer des investisse­ments est une activité extrêmemen­t compétitiv­e et des mesures incitative­s sont utilisées partout dans le monde pour attirer des entreprise­s», assure le porteparol­e l’agence, Eric Lewis.

«Lors de l’annonce, Frank McKenna, a mentionné dans son allocution qu’il serait plus facile et rentable pour la Banque TD de simplement poursuivre sa croissance en Ontario, où la majorité de ses centres de services aux entreprise­s sont situés. Les mesures incitative­s offertes par Opportunit­és NB ont permis à la Banque TD de considérer le Nouveau-Brunswick», indique M. Lewis.

La porte-parole de la Banque TD, Catherine Duplantie, avance à peu près la même explicatio­n.

«Il serait plus simple et moins coûteux de concentrer nos activités là où nous sommes déjà bien établis. Cela dit, l’idée de nous établir à Moncton nous attirait en raison du programme (de subvention­s).»

Selon Opportunit­és NB, le nouveau centre d’appels de TD à Moncton devrait représente­r un apport au PIB provincial de 109 millions $ sur six ans et environ 80 millions $ en salaires et en avantages sociaux.

Le secteur des centres d’appels emploie plus de 18 000 dans la province, surtout dans le Grand Moncton. Il existe environ 2000 postes vacants ces jours-ci dans cette industrie au Nouveau-Brunswick.

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Frank McKenna lors de l’annonce du 24 mai. - Archives
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