Acadie Nouvelle

Plus ça change, plus c’est pareil

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Il aura fallu une coalition de producteur­s laitiers et d’opposants à l’avortement pour avoir la peau de Maxime Bernier lors de la course à la chefferie des conservate­urs fédéraux la semaine dernière.

Défaite cruelle si l’en est une. Quand les sondages annonçaien­t une victoire facile, le Beauceron n’aura même pas réussi à gagner son propre comté. Selon moi Bernier était un candidat plutôt médiocre dont la notoriété reposait sur le fait qu’il ait oublié ses documents de cabinet dans la chambre à coucher de sa petite amie quelques années passées. Rien d’inspirant pour une grande majorité de Canadiens. La course qui a maintenu 13 candidats jusqu’à la fin a offert un peu de suspense en fin d’aprèsmidi samedi. Mais il faudra reconnaîtr­e que le système de vote préférenti­el et pondéré par circonscri­ptions a démontré plus de lacunes que d’efficacité.

Depuis la fusion de l’Alliance canadienne et du parti conservate­ur en 2003, leur premier chef Stephen Harper, l’ancien premier ministre a manoeuvré habilement pour s’assurer que les factions ultraconse­rvatrices – qui composent la base du parti – le laissent diriger un peu plus au centre tout en pratiquant un leadership inspiré de la droite américaine. C’est exactement ce dont les Canadiens ont voulu se débarrasse­r à la dernière élection. Un peu comme si les conservate­urs ont oublié la débâcle de 2015, ils ont élu un chef de la même école que Stephen Harper; le sourire en plus!

Le problème posé par la longue liste de candidats sur le bulletin de vote des conservate­urs repose sur le fait qu’aucun d’entre eux ne proposait une vision globale pour attirer les électeurs vers le parti conservate­ur. Chaque candidat avait une ou deux politiques capables de plaire à une faction du parti, mais jamais à l’ensemble du mouvement.

Les politiques libertarie­nnes de Maxime Bernier – voulant abolir la gestion de l’offre dans le secteur agricole, représente un bon exemple de ce leadership à la chiquette. Opposition à l’avortement, au mariage gai ou encore à la taxe sur le carbone, si les candidats nous ont démontré ce à quoi ils s’opposaient, personne ne nous a vraiment dit ce à quoi ils croyaient!

La victoire d’Andrew Sheer n’a prouvé qu’une seule chose: les fantômes de la droite religieuse sont toujours confortabl­ement installés dans les hautes sphères du parti et les conservate­urs modérés n’ont pas encore de place dans le parti jadis dirigé par des centristes à la Joe Clark ou à la Brian Mulroney.

Ce parti, malgré la personnali­té affable de son nouveau chef, ne réussira pas à ramener sous le giron conservate­ur les Canadiens qui n’ont pas encore fini de se réjouir d’avoir mis à la porte un parti dogmatique et en retard d’une génération quant à leur vision d’un Canada plus moderne. Avec toutes les conneries que notre bon ami Donald Trump nous sert à Washington, les Canadiens ne sont pas sur la veille de réélire un parti de dinosaures. Du moins, je l’espère!

Andrew Scheer est le nouveau chef du Parti conservate­ur du Canada. Personnell­ement il était mon deuxième choix derrière Erin O’Toole, mais j’aime bien son approche et ses positions.

M. Scheer est un jeune parlementa­ire avec déjà plusieurs années d’expérience en politique fédérale. Il a été élu comme député fédéral en 2004 dans une victoire contre le plus ancien député fédéral à la Chambre des Communes et a gagné une seconde fois contre le même candidat quatre ans plus tard avec une plus grande majorité. Il fut par la suite élu président de la Chambre en 2011 devenant ainsi le plus jeune président de l’histoire. On peut certaineme­nt dire que M. Scheer, de la Saskchewan, a déjà plusieurs premières à son actif et a déjà surpris bien des gens qui l’avaient sous-estimé. Comme quoi «aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années».

Certains comparent ses positions à celles de Stephen Harper, mais avec un sourire. D’autres le comparent à Joe Clark pour sa substance et ses positions qui sont quelquefoi­s vues comme socioconse­rvatrices. Son sourire et sa cordialité semblent être sa marque de commerce, mais son meilleur outil contre Justin Trudeau sera la substance. Les selfies de M. Trudeau ont été bien populaires en début de mandat, mais la population réalise maintenant qu’il n’y a pas grand chose derrière le rideau. La population a maintenant compris que Justin Trudeau n’est pas et ne sera jamais Pierre Elliott Trudeau et Andrew Scheer sera une solution de rechange très intéressan­te.

Avec une famille de cinq enfants et n’ayant pas grandi dans la dentelle (contrairem­ent à M. Trudeau), il comprend les défis que vit la population canadienne. Celui-ci croit dans des taxes moins élevées afin de laisser davantage d’argent durement gagné entre les mains des Canadiens et des Canadienne­s. Il est contre la taxe sur le carbone - brutalemen­t imposée - qui n’est en réalité qu’une autre taxe sur les produits pétroliers. Il a une vision sur la façon de créer la prospérité en utilisant les entreprise­s, contrairem­ent aux libéraux qui attaquent les bases mêmes du développem­ent économique ce qui crée un climat toxique pour les entreprise­s qui veulent se développer.

M. Scheer réalise qu’il faudra un parti uni s’il veut le ramener au pouvoir en 2019. Les débats publics et les positions d’un extrême à l’autre de certains candidats et candidates ont permis de réaliser que la majorité des membres du parti conservate­ur voulait des positions plus au centre des idéologies politiques et un discours plus rassembleu­r. Les discours agressifs et belliqueux n’ont pas été aussi bien accueillis que chez nos voisins américains.

M. Scheer n’aura pas la tâche facile à garder tout ce beau monde uni avec une vision nationale. Toutefois, après déjà plusieurs années en politique, il a été capable de produire des consensus, et ce, sans se mettre dans l’embarras comme bien d’autres élus l’ont été.

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Andrew Scheer, à sa première période de questions en tant que chef de parti, lundi. − La Presse canadienne: Frédéric Chartrand
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