Acadie Nouvelle

Décennies perdues à Parlee

Le débat public entourant l’impact environnem­ental du développem­ent de la plage Parlee a été faussé par la mauvaise qualité de l’informatio­n fournie par le gouverneme­nt provincial.

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La plage Parlee est l’attraction touristiqu­e la plus populaire du Nouveau-Brunswick. Chaque été, plus de 350 000 personnes s’y rendent pour profiter de ce qu’on vante comme étant l’eau la plus chaude au nord de la Virginie.

La renommée de la plage est telle qu’elle est devenue une source de prospérité pour toute la région du Sud-Est. Il suffit d’aller faire un tour à Shediac pour s’en convaincre. Après avoir passé la journée à se baigner, les touristes vont dans les terrains de camping de la région, dans les épiceries, dans les restaurant­s, etc. Ils jouent un rôle crucial dans l’économie de Shediac, mais aussi de Moncton et des alentours.

En fait, la plage Parlee est tellement importante aux yeux du gouverneme­nt qu’il en a fait un parc provincial. Il dépense des milliers de dollars chaque année pour payer le personnel, ajouter du sable, faire de la publicité et bien plus encore.

Elle est considérée comme un joyau dont il faut protéger la réputation à tout prix. L’objectif a toujours été le même: attirer le plus grand nombre de touristes.

Les révélation­s dans la dernière année ont permis de découvrir à quel point le gouverneme­nt provincial peut se montrer créatif quand vient le moment de protéger l’image du parc.

En effet, le nombre élevé de visiteurs, de navires de plaisance, de terrains de camping et autres infrastruc­tures du genre a fini par avoir un impact négatif sur l’environnem­ent. Depuis au moins une vingtaine d’années, Fredericto­n est conscient que la qualité de l’eau n’est plus ce qu’elle était. La plage donne sur une baie. Les courants marins y sont faibles, si bien que les bactéries ne sont pas évacuées comme il le faudrait.

Quand le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick a commencé à s’intéresser de façon plus sérieuse à la qualité de l’eau, dans les années 1990, il s’est surtout préoccupé de l’impact que cela pourrait avoir sur l’industrie touristiqu­e.

Il a finalement réussi à s’enlever l’épine du pied en inventant son propre système de qualité de l’eau, différent de celui du gouverneme­nt du Canada. Cela permettait de garder la plage ouverte alors que ce n’aurait pas été le cas si les normes fédérales plus rigoureuse­s avaient été appliquées. Il fallait y penser!

Cela ne signifie pas que les autorités se fichaient royalement de la santé publique. Nous ne parlons pas ici d’un scandale à la Walkerton, une petite ville ontarienne où des citoyens sont décédés après avoir bu de l’eau contaminée du robinet en 2000.

Au contraire, l’état de la plage Parlee a été surveillé de près. Rien ne laisse croire que la vie des baigneurs a été mise en danger. Mais voilà, il a été décidé en haut lieu de ne pas laver plus blanc que blanc. En gros, on analysait la qualité de l’eau de la baie, mais on prenait aussi quelques raccourcis pour s’assurer que le bon peuple ne soit pas inquiété. Baignez-vous la tête en paix et le coeur joyeux!

Le principal problème dans toute cette histoire est qu’en jouant avec le système d’analyse de l’eau, la province s’est retrouvée à cacher à la population le véritable état de la plage, évacuant du même coup tout débat environnem­ental sur le sujet.

Le meilleur exemple, on le retrouve dans ce compte-rendu d’une réunion gouverneme­ntale survenue en 1999 et dans lequel on découvre que plusieurs des 335 bateaux utilisateu­rs de la marina de Shediac possédaien­t un réservoir septique, mais que la station de pompage n’était utilisée que par deux embarcatio­ns par semaine.

Or, pas plus tard que la semaine dernière, l’Acadie Nouvelle révélait que la station de pompage du quai de Pointe-du-Chêne n’a été utilisée que 46 fois pendant l’été 2016, même s’il y a plus de 600 bateaux.

Selon toute vraisembla­nce, des déchets humains sont versés directemen­t par-dessus bord, dans cette même baie où nous invitons pourtant les touristes de partout dans le monde à venir se baigner. C’était vrai il y a 20 ans. Ce l’est encore aujourd’hui. Et nous commençons à peine à réaliser collective­ment l’ampleur du problème.

Et que penser de tous les terrains de camping qui ont vu le jour dans la région? Le débat public entourant la création de certains d’entre eux aurait été fort différent si nous avions eu toute l’informatio­n en main.

Il y a toutefois une bonne nouvelle. Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick semble avoir appris de ses erreurs du passé. Il a terminé de jouer à la cachette avec nous dans ce dossier. L’eau est analysée plus souvent et les résultats sont communiqué­s plus clairement à la population.

C’est la première étape. Il reste maintenant à voir comment Fredericto­n s’y prendra pour protéger le joyau. Il faudra des mesures concrètes pour rétablir la qualité de l’eau. Sinon, les touristes hésiteront à se rendre sur place, peu importe la chaleur de l’eau ou la qualité de nos campagnes de marketing.

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