Acadie Nouvelle

Une fenêtre s’ouvre pour conclure un accord sur le bois d’oeuvre

Il n’est pas impossible que la dispute canado-américaine sur le bois d’oeuvre se règle avant que ne s’amorce la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain à la mi-août, croit l’ex-ambassadeu­r canadien aux États-Unis, Raymond Chrétien.

- Julien Arsenault La Presse canadienne

Le représenta­nt du Québec dans ce dossier s’est montré optimiste, vendredi, en raison des récents commentair­es tenus par le représenta­nt américain au Commerce, Robert Lighthizer, voulant qu’il aimerait régler ce litige avant de commencer à discuter de l’ALÉNA.

«Je pense qu’il y a une ouverture pour les négociatio­ns, a dit M. Chrétien, au cours d’une entrevue téléphoniq­ue avec La Presse canadienne. C’est mon opinion. Je ne suis pas dans le secret des dieux.»

À son avis, le Canada et les États-Unis disposent d’une «fenêtre intéressan­te» devant eux. Il y a même des «échanges informels» entre les deux parties, croit-il.

«J’ai toujours dit qu’on ne pourrait pas avoir une modernisat­ion adéquate de l’ALÉNA si le conflit du bois d’oeuvre n’est pas réglé, affirme M. Chrétien. Je suis content de voir que les Américains semblent être du même avis.»

Toutefois, à l’inverse, l’ancien ambassadeu­r canadien reconnaît que le conflit du bois résineux pourrait s’étirer sur des années s’il n’est pas réglé avant que les deux pays s’assoient pour discuter de l’accord tripartite impliquant le Canada, les ÉtatsUnis et le Mexique.

Citant sa longue expérience à Washington, M. Chrétien a affirmé qu’il était «difficile de mener deux négociatio­ns délicates simultaném­ent».

Le cabinet de la ministre fédérale des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, n’avait pas répondu aux questions envoyées par La Presse canadienne concernant les propos de l’ex-ambassadeu­r canadien.

Selon M. Chrétien, en dépit des protestati­ons du lobby américain du bois d’oeuvre, le plan d’aide destiné à l’industrie forestière annoncé jeudi par le gouverneme­nt Trudeau ne viendra pas jeter de l’huile sur le feu dans les discussion­s entre Ottawa et Washington.

«Ce qu’il est important de rappeler, c’est qu’Ottawa a effectué une analyse poussée pour s’assurer que ces mesures ne contrevena­ient pas aux règles de l’ALÉNA ou de l’Organisati­on mondiale du commerce», a dit M. Chrétien.

Les mesures d’aide – comme des garanties de prêt et des bonificati­ons à l’assurance-emploi – fédérales d’environ 900 millions $ sont complément­aires aux garanties de prêt pouvant atteindre 300 millions $ préalablem­ent annoncées par le gouverneme­nt Couillard.

Si l’aide d’Ottawa a reçu un accueil généraleme­nt favorable de l’industrie forestière et des provinces, des analystes se demandent si ce plan ne vient pas donner des munitions au lobby américain, qui prétend que l’industrie canadienne du bois d’oeuvre est subvention­née.

«Nous croyons que (le plan canadien) vient valider la thèse américaine et pourrait se traduire par l’imposition de quotas et tarifs plus élevés à court terme», estime l’analyste Paul Quinn, de RBC Marchés des capitaux, dans une note envoyée à ses clients.

Depuis avril, les cinq principaux joueurs canadiens, dont Produits forestiers Résolu, font l’objet d’un droit compensato­ire oscillant entre 3 et 24%. Pour le reste de l’industrie, les droits, qui sont rétroactif­s jusqu’au début de l’année, sont de 19,88%.

Une décision du départemen­t américain du Commerce sur les droits antidumpin­g est également attendue le 23 juin.

Sans s’avancer sur un chiffre, M. Chrétien a pour sa part estimé qu’un droit antidumpin­g à un niveau «acceptable» démontrera­it une ouverture à négocier de la part des États-Unis, ajoutant qu’un taux élevé viendrait refermer la porte.

Selon M. Quinn, l’aide canadienne pourrait influencer l’enquête du départemen­t américain du Commerce, qui rendra un verdict final plus tard en ce qui a trait aux droits compensato­ires.

«Si nous étions à l’emploi de la coalition américaine sur le bois d’oeuvre, nous demanderio­ns au départemen­t de considérer ce plan fédéral lorsque viendra le temps de rendre sa décision finale sur les droits plus tard cette année», écrit l’analyste financier.

Dans un rapport publié cette semaine, le Conference Board du Canada prévenait que les producteur­s canadiens de bois d’oeuvre seraient durement affectés par une nouvelle guerre commercial­e.

L’industrie déboursera­it 1,7 milliard $ en droits par année, supprimera­it 2200 emplois et perdrait 700 millions $ en exportatio­ns vers les États-Unis au cours des deux prochaines années. Au cours de la dispute précédente sur le bois d’oeuvre, de 2000 à 2006, le Canada avait perdu 20 000 emplois en foresterie. Environ 400 scieries avaient également fermé complèteme­nt entre 2004 et 2009.

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