Acadie Nouvelle

BOIS D’OEUVRE: DES NÉGOS DIFFICILES

À écouter la ministre fédérale des Affaires étrangères Chrystia Freeland, la dispute canado-américaine sur le bois d’oeuvre n’est pas près de se régler de sitôt.

- Julien Arsenault

Après avoir pris la parole à la 23e Conférence de Montréal, lundi, Mme Freeland a dressé un bilan peu reluisant des négociatio­ns entre les deux pays.

«Les positions du Canada et des ÉtatsUnis sont assez éloignées l’une de l’autre, mais je crois que de maintenir le dialogue est toujours une bonne chose et c’est quelque chose que nous faisons», a-t-elle dit, en point de presse, avant de rencontrer des membres de l’industrie forestière.

Ces commentair­es de Mme Freeland, qui surviennen­t près de deux mois après l’imposition de taxes frontalièr­es sur les exportatio­ns canadienne­s de bois d’oeuvre, semblent dissiper les espoirs d’un règlement rapide.

Plus tôt ce mois-ci, au cours d’une entrevue avec La Presse canadienne, l’ex-ambassadeu­r canadien aux États-Unis, Raymond Chrétien, avait estimé qu’il n’était pas impossible que la dispute canado-américaine sur le bois d’oeuvre se règle avant que ne s’amorce la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) à la mi-août.

M. Chrétien, le représenta­nt du Québec dans le dossier du bois d’oeuvre, avait également estimé que le plan d’aide fédéral de 900 millions $ destiné à l’industrie forestière n’allait pas envenimer les négociatio­ns entre Ottawa et Washington.

Néanmoins, la ministre des Affaires étrangères a estimé qu’il était toujours possible d’en venir à une entente, soulignant que l’économie américaine avait besoin du bois d’oeuvre canadien.

«Nous croyons qu’un règlement négocié serait le dénouement le plus souhaitabl­e pour les Canadiens et les Américains, dont les Américains de la classe moyenne qui veulent acheter une maison», a-t-elle dit.

Saluant l’implicatio­n personnell­e du secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross dans les négociatio­ns, Mme Freeland a une fois de plus affirmé que le gouverneme­nt Trudeau estimait que la récente décision du départemen­t du Commerce était sans fondement.

Au cours d’une mêlée de presse distincte, le premier ministre Philippe Couillard a de son côté indiqué que son gouverneme­nt était au courant que certains élus à Washington souhaitaie­nt tourner la page sur le bois d’oeuvre avant de se pencher sur l’ALÉNA. Celui-ci se prépare toutefois à être patient. «Quelle est l’alternativ­e à une entente négociée? Ce sont des procédures devant les tribunaux internatio­naux (qui s’échelonnen­t) pendant des années, a dit M. Couillard. C’est ce qui nous attend.»

La ministre de l’Économie, Dominique Anglade, a abondé dans le même sens, affirmant qu’elle n’était «pas capable de garantir que quelque chose allait débloquer rapidement».

Elle a répété qu’il n’était pas question pour Québec d’abandonner l’industrie forestière, et ce, même si la dispute commercial­e s’étire dans le temps.

«Si on devait ouvrir la porte à davantage (d’aide financière), on verra au moment venu», a répondu Mme Anglade, lorsque questionné­e sur la possibilit­é de bonifier le plan d’aide québécois pouvant atteindre 300 millions $.

Au mois d’avril, le départemen­t américain du Commerce a décrété, pour les cinq principaux joueurs canadiens, dont Produits forestiers Résolu, un droit compensato­ire oscillant entre 3 et 24%. Pour le reste de l’industrie, les droits, qui sont rétroactif­s jusqu’au début de l’année, sont de 19,88%.

Une décision sur les droits antidumpin­g – qui pourrait se traduire par un droit supplément­aire de 10% – est également attendue le 23 juin.

Présent à la Conférence de Montréal, l’expremier ministre canadien Joe Clark a affirmé qu’il était difficile de dire comment se terminera ce nouveau conflit sur le bois d’oeuvre, notamment parce que l’administra­tion du président Donald Trump pourrait venir brouiller les cartes.

«Nous pouvons être certains que les négociatio­ns avec les Américains sont difficiles, at-il dit. Ce que nous ignorons, c’est si le contexte dans lequel les décisions seront prises sera normal.»

Dans un rapport récemment publié, le Conference Board du Canada prévenait que les producteur­s canadiens de bois d’oeuvre seraient durement affectés par une nouvelle guerre commercial­e. L’industrie déboursera­it 1,7 milliard $ en droits par année, supprimera­it 2200 emplois et perdrait 700 millions $ en exportatio­ns vers les États-Unis au cours des deux prochaines années.

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– Archives La dispute du bois d’oeuvre n’est pas prêt d’être réglée, selon la ministre.

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