Les valeurs nobles et l’éducation
Derrière tout système d’éducation se cache un projet de société et derrière ce dernier se retrouvent des valeurs. Le projet de société peut être explicite. Dans ce cas, il est connu de tous les membres de la société et les actions convergent vers cet idéa
Il peut aussi être implicite en ce sens qu’il n’est pas clairement défini et les membres de la société ne sont pas nécessairement conscients de leur destination collective. Dans ce cas, il y a un sérieux risque de dérives parce que les actions peuvent diverger d’un idéal à atteindre.
La conquête spatiale, bien qu’étroitement liée à la guerre froide entre l’URSS et les États-Unis, était un projet de société stimulant pour le peuple américain. Le programme Chances égales pour
tous du gouvernement Robichaud, dans les années 1960, était un puissant stimulant pour la population du Nouveau-Brunswick et pour les Acadiens de cette province.
Un projet de société est l’expression des valeurs dominantes à un moment donné de l’histoire. Et ce projet de société a des conséquences directes sur un système d’éducation. J’ai souvent l’impression que nous sommes au croisement de deux époques. Les différents systèmes politiques dans le monde et en Occident en particulier, sont la scène de divisions profondes en termes de valeurs.
Les années Obama, par exemple, auxquelles on peut ajouter l’élection du gouvernement Trudeau, plus favorable à la question de la protection de l’environnement que l’ancien gouvernement, donnaient le sentiment que le développement durable et la sauvegarde de la planète étaient des priorités. Le rapprochement, au Canada, avec les Premières Nations donne aussi l’espoir de rétablir un dialogue fécond et un début de réparation des torts causés dans le passé envers des peuples qui ont gravement souffert.
Mais en parallèle à ces projets remplis d’espoir, il y a encore la présence de valeurs et d’idées plus anciennes. L’administration Trump qui se retire de l’Accord de Paris et qui souhaite le retour de l’exploitation du charbon, aussi propre soit-il, est sans doute l’un des meilleurs exemples d’une division nette des valeurs. Au Nouveau-Brunswick, on parle périodiquement d’exploitation de ressources dont les belles années sont plutôt derrière elles, notamment les gaz de schistes, l’uranium et maintenant, plus récemment le nucléaire.
Les valeurs dominantes des dernières années semblent vouloir être délaissées au profit d’autres valeurs. L’autonomie, la recherche de la richesse, l’obéissance à un système économique axé sur la croissance et la réussite financière personnelle laissent leur place à des valeurs de solidarité, de discernement, d’expression de ses idées, de manifestation d’un esprit critique, d’engagement et de partage.
Ces valeurs humanistes ne pourront devenir réalité que si les systèmes d’éducation les embrassent et les intègrent dans la pédagogie. Il est devenu impératif de préparer nos enfants et nos jeunes à retrouver un sens à la vie en commun porteur d’espoir. Ils doivent par conséquent comprendre les valeurs démocratiques afin de développer un sens de la citoyenneté.
Le système d’éducation du NouveauBrunswick est appelé à se renouveler. En relisant le Profil de sortie, je me dis que ces valeurs humanistes peuvent avoir leur place pour autant où les trois visées sont atteintes d’une manière équivalente et cohérente. Le développement des compétences sera creux et vain s’il ne s’enracine pas dans des valeurs au service de l’épanouissement de chacun des élèves. Ces compétences seront vides si elles ne visent pas une société juste et tolérante fondée sur l’amour de l’autre, de soi et du monde.