Acadie Nouvelle

Du provincial au fédéral: un passage souvent difficile

La semaine dernière, Jagmeet Singh s’est avéré évasif quand on l’a poussé à révéler s’il se présentera­it aux élections fédérales au cas où il ne gagnerait pas la course à la direction du NPD cet automne.

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«Je continuera­i à lutter au niveau provincial. Je continuera­i à lutter dans d’autres provinces. Je continuera­i à lutter au niveau fédéral, comme j’ai fait dans le passé», a répondu le député provincial de l’Ontario lors d’un débat des candidats.

Mais cette réponse générique ne fait pas l’affaire.

Les adversaire­s de Singh dans la course continuero­nt sans doute à l’interroger sur ses intentions de poursuivre une carrière au fédéral. La question est à propos et les néo-démocrates ont droit à une réponse plus claire.

Quand il a annoncé son intention d’entrer en lice pour la succession de Thomas Mulcair, Singh n’a pas renoncé à son siège à Queen’s Park. La prochaine élection en Ontario aura lieu dans un an. S’il ne gagne pas la course à la direction du NPD, il pourrait rester dans cette province.

En refusant d’abandonner son siège, Singh n’enfreint aucun règlement – tacite ou autre.

Gerard Kennedy, ancien ministre de l’Éducation de l’Ontario, est le dernier politicien de cette province à se lancer dans une telle course, soit en 2006 contre Paul Martin pour la direction du Parti libéral. Il avait renoncé à son siège à Queen’s Park.

Par ailleurs, l’ancien député Patrick Brown n’a démissionn­é du Parlement qu’après avoir gagné la course à la direction du Parti conservate­ur ontarien.

Quant à la chef du Bloc Québécois, Martine Ouellet, elle ne renoncera pas à son siège à l’Assemblée nationale du Québec avant la prochaine élection provincial­e à l’automne 2018 – malgré ses responsabi­lités de chef d’un parti fédéral (et elle se cause ainsi des ennuis).

Les politicien­s canadiens échangent souvent une scène politique contre une autre. Mais le chemin du Parlement à une Assemblée législativ­e provincial­e est le moins cahoteux des deux.

Lucien Bouchard, Jean Charest, Bob Rae et Brian Tobin ont tous quitté la politique fédérale pour ensuite devenir députés au sein de leur province respective. Aujourd’hui, Brian Pallister - ancien député conservate­ur premièreme­nt élu à la Chambre des communes sous l’étendard de l’Alliance canadienne - est aujourd’hui à la tête du gouverneme­nt du Manitoba.

Il est possible que la prochaine élection ontarienne marque la fin du règne de Brown à la tête de son parti. En Alberta, les anciens députés Brian Jean et Jason Kenney luttent pour diriger les forces conservatr­ices réunies de la province.

Le succès au niveau fédéral n’assure pas nécessaire­ment le succès au niveau provincial. On a glorifié le défunt Jim Prentice pour sa performanc­e en tant que député fédéral, mais à titre de premier ministre de l’Alberta, on l’associera toujours à la défaite historique du Parti conservate­ur.

Il reste que les transition­s du provincial au fédéral ont toujours été moins réussies que l’inverse.

Malgré la longue la liste de candidats à la succession de Stephen Harper, aucun politicien provincial actif n’y a figuré. C’est difficile de rallier une base nationale si on est membre d’une assemblée provincial­e, surtout sous un système de vote par circonscri­ption comme utilisé par les conservate­urs fédéraux.

Par ailleurs, c’est plus facile de gagner une course à la direction avec une solide base régionale sous un système d’un membre un vote comme celui que le NPD a mis en place pour sélectionn­er le successeur de Mulcair.

Stockwell Day a vaincu le fondateur du Parti réformiste Preston Manning sous un tel système pour diriger l’Alliance canadienne en 2000. Day était trésorier de l’Alberta lorsqu’il a fait la transition au fédéral. C’est le poste ministérie­l le plus haut sur l’échelle que l’on peut occuper. Mais après réflexion, ses années en fonction en Alberta ne l’avaient pas adéquateme­nt préparé pour les réalités de l’opposition à Ottawa.

En tant que membre d’une dynastie régnante, Day n’avait pas eu l’occasion de développer les habiletés qui aident les chefs de l’opposition à survivre jour après jour. L’Alberta a bien accueilli certaines des politiques qu’il a promues, mais celles-ci n’étaient pas toutes facilement applicable­s à la grandeur du pays. Day ne semblait pas sensible aux nuances des débats politiques fédéraux.

Quant à Gerard Kennedy - ancien adversaire de Dalton McGuinty dans une course à la direction libérale ontarienne –, il a fini en quatrième place dans la course à la direction libérale fédérale en 2006. Il s’est contenté du rôle de faiseur de rois en appuyant Stéphane Dion.

Tout comme Singh, Kennedy croyait que ses compétence­s en français étaient suffisante­s pour communique­r efficaceme­nt dans les deux langues officielle­s dans les dossiers nationaux. Il avait tort. Elles n’étaient pas non plus suffisante­s pour créer une relation de confiance avec les électeurs québécois.

Le Parlement canadien n’est tout simplement pas un Queen’s Park de plus grande ampleur.

On peut alors comprendre pourquoi Singh désire une police d’assurance politique. En même temps, on peut se méfier de sa réponse vague à la question sur sa participat­ion éventuelle à l’élection fédérale en 2019.

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– Archives Jagmeet Singh aura de la difficulté à s’adapter à la scène politique fédérale.
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