Acadie Nouvelle

Le coût de la partisaner­ie

- Francois Gravel

Le congédieme­nt injustifié de l’ex-PDG du Réseau de santé Vitalité Rino Volpé coûtera pas moins de 600 000$ aux contribuab­les. Mais la décision du juge Larry Landry va beaucoup plus loin que cette question monétaire. Elle sert aussi d’avertissem­ent aux politicien­s qui s’aviseraien­t de congédier des fonctionna­ires compétents pour des raisons partisanes.

Rino Volpé a été embauché à titre de président-directeur général du Réseau de santé Vitalité en 2013. Il a occupé le poste jusqu’au 21 novembre 2014, date de son congédieme­nt par le ministre de la Santé Victor Boudreau.

M. Volpé avait été embauché par le gouverneme­nt progressis­te-conservate­ur de David Alward pour remettre de l’ordre dans le système de santé. Il lui a administré un traitement-choc. Des privilèges coûteux ont été abolis. Des décisions difficiles et souvent impopulair­es ont été prises.

Les résultats ont toutefois été au rendezvous. En deux petites années, la régie est passée d’une situation de déficit à un surplus, sans que cela ne nuise à la qualité des soins dans les hôpitaux.

Rino Volpé, qui est le frère de l’ancien chef par intérim du Parti progressis­te-conservate­ur (et chroniqueu­r à l’Acadie Nouvelle) Jeannot Volpé, avait toutefois le défaut de ne pas faire partie de la famille libérale. Quelques semaines à peine après son arrivée au pouvoir, le gouverneme­nt Gallant l’a congédié sans plus de cérémonie.

Le ministre Boudreau a toujours nié avoir mis à la porte le patron du réseau Vitalité pour des raisons politiques. Il affirmait dans la lettre de renvoi que M. Volpé «refusait de collaborer avec les intervenan­ts régionaux pour améliorer les soins de santé dans la région» et qu’il avait «négligé ou refusé de travailler avec les divers paliers de gouverneme­nt».

Du gros n’importe quoi. Ce n’est pas nous qui le disons, mais le juge Larry Landry, qui affirme dans sa décision que si M. Volpé n’était pas un «béni-oui-oui», rien de ce qu’il a fait ne lui méritait d’être congédié ainsi.

En gros, le ministre Victor Boudreau n’avait pas de motif valable pour jeter à la porte celui qui aurait dû être son homme de confiance.

Et pour cause. Ce congédieme­nt était politique. Rino Volpé avait été embauché par le gouverneme­nt progressis­te-conservate­ur. Pour les libéraux, il était hors de question de le laisser en place.

Cette décision vient de coûter au trésor public la somme d’au moins 627 525$, sans compter les frais juridiques que la province a dû débourser devant les tribunaux pour se défendre.

L’Acadie Nouvelle dénonce depuis longtemps en éditorial les décisions partisanes, en particulie­r celles qui ont un impact sur la population.

Depuis trop longtemps, nos gouverneme­nts libéraux et progressis­tes-conservate­urs embauchent et congédient des gens en fonction de leur couleur politique.

Parfois, cela fait scandale (pensez à Madeleine Meilleur, que le gouverneme­nt Trudeau voulait nommer commissair­e aux langues officielle­s). D’autres fois, la nouvelle est plutôt accueillie avec un haussement d’épaules. Tel parc provincial sera désormais dirigé par un ami du pouvoir? Un bureau de Service NB déménage dans les locaux d’un partisan et donateur politique? Bof…

Cette semaine, le gouverneme­nt Gallant a échoué dans sa tentative de bloquer la plainte d’un ex-employé du ministère du Tourisme, Stephen Smith, à la Commission des droits de la personne du N.-B. Il estime avoir perdu son poste parce qu’il a travaillé par le passé aux côtés de Bernard Lord et de David Alward. Les tribunaux ont déjà forcé le gouverneme­nt à lui verser une année de salaire.

Des progrès ont eu lieu au cours de la dernière décennie. Par exemple, les gouverneme­nts avaient coutume de remplacer le PDG d’Énergie NB à chaque changement de pouvoir. Or, le patron actuel Gaëtan Thomas, embauché en 2010, en est maintenant à son troisième premier ministre.

Par ailleurs, le patron actuel d’Alcool NB, Brian Harriman, provient du secteur privé et a été embauché à l’issue d’un processus de sélection rigoureux. Une véritable révolution au sein d’une organisati­on dont le principal dirigeant est historique­ment toujours un fidèle militant du parti au pouvoir.

L’autre bonne nouvelle, c’est que le jugement Volpé, par son retentisse­ment et par la facture salée qui l’accompagne, pourrait inciter les gouverneme­nts à se garder une petite gêne avant de congédier des personnes sur une base politique.

Le juge Landry est clair: il faut «des motifs suffisants pour mettre fin à un emploi». L’absence de possession d’une carte de membre d’un parti politique ne fait pas partie de ces conditions.

Souhaitons qu’à force de se faire taper sur les doigts par les tribunaux, les gouverneme­nts cessent de s’adonner à cette déplorable pratique. C’est rêver en couleur. Mais il faut pourtant que ça change.

Quand un politicien prend une décision basée sur la partisaner­ie, les citoyens - et en particulie­r les contribuab­les - en sortent perdants. Chaque fois.

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