UNE ATTITUDE INACCEPTABLE
LA POLICE DE FREDERICTON MISE EN CAUSE
Charlotte Abou-Slaiby n’est pas près d’oublier comment elle a été traitée par la police de Fredericton, le 11 juin, lors d’un contrôle routier. Cette francophone estime que des agents ont bafoué ses droits fondamentaux et linguistiques. Elle se demande même si elle n’a pas été victime de profilage racial.
Le soleil plombe et le mercure avoisine les 30 degrés Celsius, en début d’après-midi à Fredericton, lorsque Charlotte Abou-Slaiby et trois de ses amies montent à bord de sa voiture pour aller se baigner.
Quelques instants plus tard, en plein centreville, les gyrophares d’une autopatrouille attirent son attention. Elle se range sur le côté. Elle voit ensuite un deuxième véhicule de la police de Fredericton.
«Au départ, je pensais que les policiers allaient me dépasser pour poursuivre d’autres véhicules. Puis finalement, c’est moi qu’ils voulaient intercepter. Donc je me demandais vraiment quels étaient leurs motifs, parce que je n’avais grillé aucun stop, ni aucun feu de circulation», raconte-t-elle.
Un policier se présente à sa vitre et lui dit «hello, bonjour». Cette citoyenne française établie dans la capitale depuis trois ans lui répond «bonjour, Monsieur». Selon elle, l’agent a fait fi de la réponse et a continué l’interception en anglais en montant le ton.
«Dès le départ, j’étais déjà très intimidée, parce que dès que je lui ai dit “bonjour” et que j’ai continué à parler en français, il a vraiment tout de suite été intimidant, agressif. Il n’arrêtait pas de me dire que je comprenais l’anglais et qu’il fallait que je parle en anglais.»
Elle répète qu’elle veut être servie en français. L’agent finit par lui répondre qu’elle devra prendre son mal en patience si elle veut être servie dans la langue de son choix, dit-elle.
«Le policier me dit que pour avoir un service en français, ça prend de 30 à 45 minutes. Nous, on répond toujours en français, on lui dit qu’on va attendre pour le service en français.»
C’est à ce moment que son amie assise dans le siège du passager, une avocate francophone, s’adresse à l’agent en anglais et en français pour l’informer que la conductrice a le droit d’être servie en français.
Selon Charlotte Abou-Slaiby, le policier ignore cette énième demande et affirme qu’il ne parle pas le français et que c’est à la conductrice et à sa passagère de s’adresser à lui en anglais puisqu’elles sont bilingues.
La passagère lui explique alors que le droit d’être servi dans la langue officielle de son choix par la police est protégé par la Charte des droits et libertés du Canada et par la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick.
«Là, il monte encore plus au créneau et lui dit en anglais: “obstruction of justice” et il dit à son collègue policier qui était du côté de la passagère: “arrest her”», raconte Charlotte AbouSlaiby.
Le deuxième agent sur place, qui se trouve du côté de la passagère, se met alors à crier à plusieurs reprises qu’elle parle anglais. La passagère lui explique qu’elle a simplement indiqué à son collègue qu’elle et la conductrice veulent être servies en français.
L’agent referme la porte et repart vers les autopatrouilles avec son collègue. «C’est là qu’on a conclu qu’ils étaient en train d’appeler le policier francophone, qui est finalement arrivé en seulement 15 minutes et non en 45 minutes.»
Le troisième policier se pointe donc, en tenue civile. Il passe dire bonjour aux passagères et va s’entretenir avec les deux agents anglophones.
Lorsqu’il revient, peu après, il leur explique ce qui se passe à Charlotte Abou-Slaiby: l’enregistrement des plaques d’immatriculation de son véhicule n’est plus valide depuis plusieurs mois et elle n’a pas ses documents d’assurance.
«Il a été très courtois, très poli et très aimable», précise Charlotte Abou-Slaiby. Après avoir passé près d’une heure dans la voiture à rôtir au soleil, les quatre femmes reprennent la route.
Le comble, c’est que sa preuve d’assurance était bel et bien dans le coffre à gants, mais elle ne l’avait pas trouvée puisqu’elle était choquée et stressée par ce qu’elle était en train de vivre, dit-elle.
Nous nous sommes entretenus à micro fermé avec l’avocate qui était à bord du véhicule. Elle n’a pas souhaité accorder d’entrevue, mais sa version des faits concorde avec celle de Mme Abou-Slaiby.