Le pape François est-il vraiment seul contre tous?
Dans son livre François, seul contre tous – Enquête sur un
pape en danger qu’il présentait à l’émission Tout le monde en parle en avril dernier, le journaliste d’investigation suisse Arnaud Bédat fait une éloquente démonstration de ce constat.
L’actuel dirigeant de l’Église aurait très bien pu ne jamais l’être. Même si le jeune Jorge Mario Bergoglio était d’une famille où la foi se vivait de façon simple et concrète, sa mère s’opposait à ce qu’il entre au séminaire. Très jeune, on lui découvre une tumeur congénitale qui requerra l’ablation d’une partie d’un poumon. On peine à le croire tellement, à ses 80 ans, il déborde d’énergie.
Avant d’accéder aux plus hautes fonctions, Bergoglio est nommé supérieur provincial des jésuites d’Argentine. Sa très forte personnalité gêne. Il admet lui-même avoir péché par excès d’autoritarisme. Après six ans dans la fonction, on l’écarte en le nommant recteur d’une faculté de théologie quelconque. Cela ne l’empêchera pas toutefois d’être élu procureur de la communauté récupérant ainsi un réel pouvoir. Ses opposants, des ennemis jurés, qui le disent «fou et malade», feront en sorte qu’il soit nommé au loin à quelque 700 milles de Buenos Aires dans une petite église du centre de Cordoba.
Le travail du père Bergoglio auprès des pauvres impressionne au point que le Pape le nomme évêque auxiliaire d’un diocèse qui compte près de trois millions de fidèles, et ce malgré la forte opposition de l’ambassadeur d’Argentine auprès du Saint-Siège. Il aura la responsabilité des paroisses pauvres. Quand il accédera au poste d’archevêque du lieu, il refusera la présence de domestiques et de voitures de fonction. Il voyagera plutôt en autobus et en métro. Ce ne sera toutefois pas la fin de son ascension dans la hiérarchie. Jean-Paul II le fera cardinal. Son influence, il l’exercera dorénavant auprès de Rome et au sein des conclaves où les hommes en pourpre élisent les papes.
Ses prises de position contre la prostitution, l’esclavage, l’exploitation des enfants, le trafic de la drogue, la pauvreté, la corruption dérangent. Le président argentin mettra fin à son habitude d’assister annuellement à la cérémonie du Te Deum dans la cathédrale de Buenos Aires. Bergoglio s’en rappellera. Il retournera un billet d’avion vers Rome, gracieuseté du Président, alléguant que l’archevêque n’est pas à vendre.
Au conclave qui élira Benoît XVI, Bergoglio aura eu un nombre significatif de voix, mais il fera signe que non de la tête. À la veille de son départ pour Rome pour élire un successeur au pape démissionnaire, à quelqu’un qui lui dira qu’il sera le prochain pape, il rétorquera: «Regardemoi, je suis vieux, je ne suis pas en bonne santé, il y a des gens plus capables que moi.» Au premier tour de scrutin, il recueille 25 voix derrière l’italien Scola, le québécois Ouellet et le brésilien Scherer. Au quatrième tour, il obtient 90 voix, beaucoup plus que les deux tiers requis. Il aurait dit tout juste avant d’apparaître au balcon de SaintPierre que «le carnaval était fini». Il refuse tout vêtement d’apparat sauf la soutane blanche. Ses commentaires «Bonsoir, frères et soeurs; (…) donnez-moi votre bénédiction; (…) bonne nuit et bon repos» n’ont pas plu aux conformistes parmi ses collègues.
Le pape est-il dans la mire de certains groupes qui voudraient l’éliminer tout comme l’a été Jean-Paul II et, très probablement, Jean-Paul Ier?
Le pape s’est donné comme mission de nettoyer la Curie romaine, ce qui n’est pas une mince tâche. Il excommunie la Mafia. Ses prises de position relatives à l’écologie, aux conflits armés, à la pauvreté, aux horreurs perpétrées par l’État islamique, à l’indifférence humaine et à la corruption choquent. Oui, le pape argentin pourrait être dans la mire de tueurs guidés par le fanatisme. Greg Gutfeld de la chaîne conservatrice américaine Fox News a dit de lui qu’il était «l’homme le plus dangereux de la planète». Le pape François montre trop d’aversion face à une «économie tueuse».
S’il a la vie sauve, il entend retourner dans une maison de retraite pour prêtres à Buenos Aires où il avait réservé une place avant son élection à la papauté, ce qu’il aura amplement mérité.
NDLR: L’Acadie Nouvelle a publié une version écourtée de ce forum la semaine dernière. En voici la version intégrale.