Quatre étoiles parlementaires scintillent alors qu’une décline
Comme la Chambre des communes est ajournée pour l’été, faisons un bilan du rendement de quatre éminents députés qui ont été au meilleur de leur forme au cours de la première moitié de l’année parlementaire… et un qui en est à son déclin.
Presque deux ans se sont écoulés avant que le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, ait présenté son système de sécurité nationale amélioré, mais cette attente en valait la peine. La loi qu’il a proposée dans les derniers jours de la session printanière n’est pas parfaite, mais il s’agit d’une excellente tentative d’améliorer la législation qu’il a héritée du gouvernement conservateur.
Les militants des droits civils qui espéraient que les libéraux révoqueraient la majorité des articles controversés de la loi C-51 de Harper seront déçus de la loi de Goodale. Mais étant donné que les actions d’un parti valent plus que ses promesses électorales, la loi sur la sécurité nationale proposée par les libéraux correspond au ferme appui que ceux-ci ont accordé aux conservateurs pour la loi C-51.
Les débats sur la loi libérale se dérouleront pendant des mois. Les partis d’opposition devront faire attention s’ils désirent participer à cette discussion de façon sérieuse, car Goodale connaît le dossier de fond en comble. Dans un cabinet rempli de novices, Goodale semble de plus en plus être le bras droit de Trudeau et un ministre précieux et polyvalent.
CHRYSTIA FREELAND
Ce n’est guère facile de souligner les profondes différences entre le Canada et l’administration américaine actuelle sans échauffer les esprits. Mais la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a réussi ce pari en chambre au début du mois. Son discours, tenant compte des paramètres de la politique étrangère canadienne de longue date, faisait penser à une déclaration d’indépendance sans donner l’impression de déclarer la guerre.
La nomination de Freeland a été la pièce maîtresse du remaniement de Trudeau en janvier et il s’est avéré que le premier ministre n’aurait pas pu demander mieux pour ce poste. À l’ère de Trump, Trudeau a autant besoin d’un ministre des Affaires étrangères remarquable que Jean Chrétien et Stephen Harper ont eu besoin d’un ministre des Finances exceptionnel.
Le rôle de soutien que joue Freeland dans les relations canado-américaines et mondiales est aussi essentiel que ceux joués par Paul Martin ou Jim Flaherty par le passé.
RONA AMBROSE
C’est rare qu’un parti soit plus bienveillant dans l’opposition qu’à la tête du gouvernement. Sous la chef conservatrice par intérim, Rona Ambrose, les conservateurs ont réussi à adopter un ton plus courtois sans renoncer à leur approche sans merci aux politiques parlementaires.
Ce faisant, Ambrose a pavé un chemin sur lequel le nouveau chef, Andrew Scheer, est de toute évidence à l’aise. Sous Ambrose, les conservateurs ont également démontré que des talents se cachent ailleurs que sur leur longue liste de candidats à la direction.
ANDREW SCHEER
Parmi les membres de l’opposition, Andrew Scheer joue le rôle principal pendant les périodes de questions et se révèle déjà un adversaire efficace. En se basant sur les quelques dernières semaines, cet aspect de ses nouvelles fonctions sera un jeu d’enfant. Toutes ses années à titre de président de la Chambre des communes lors du mandat majoritaire de Harper s’avèrent extrêmement utiles.
Scheer a bien fait de prendre son temps pour choisir un cabinet fantôme. Ce n’est pas facile de récompenser les loyalistes et d’apaiser les ego blessés de ses rivaux vaincus sans affaiblir l’équipe.
Ce sera un défi de s’assurer que son rival principal, Maxime Bernier, ne fasse pas de bêtises, mais la place de Kellie Leitch est encore plus problématique.
Son langage codé quant aux questions sur l’immigration et sur les réfugiés nuira beaucoup à un parti qui essaie de reconstruire des ponts vers les régions dont l’ethnicité est diversifiée.
THOMAS MULCAIR, L’ÉTOILE CHANCELANTE
Tout comme Scheer, le chef néo-démocrate sortant Thomas Mulcair dominait les périodes de questions. Jour après jour, il captait l’attention dans la Chambre avec une combinaison de colère justifiée et de bonne humeur occasionnelle.
Mais au cours de la dernière année, l’humeur a laissé place au sarcasme et la colère justifiée s’est transformée en rage et en mépris. À en juger par ses échanges les plus récentes avec Trudeau, Mulcair se sent toujours comme s’il a été vaincu par un apprenti sorcier qui a amené les électeurs, par la ruse, à appuyer un charlatan. Mais, comme les conservateurs de Harper l’ont difficilement appris: le ton transcende le contenu, habituellement au détriment de celui-ci.
Mulcair en est à ses derniers moments à titre de chef du NPD. L’automne prochain, quand on choisira son successeur, il renoncera à ses commandes. Mais le personnage à la réputation bien méritée de chef de l’opposition le plus efficace depuis des décennies a déjà quitté la scène.