Le Nouveau-Brunswick: mauvais élève en matière de transport en commun
Population dispersée, faibles investissements publics et culture de la voiture... nombreux sont les obstacles à l’avènement d’un système de transport en commun viable, efficace et bien développé dans l’ensemble de la province.
Si Moncton, Fredericton et Saint-Jean bénéficient d’un système de transport en commun bien établi, le reste de la province dispose de peu d’alternatives à la voiture. Seuls les principaux centres d’Edmundston à Campbellton en passant par Bathurst sont desservis par les trajets quotidiens de Maritime Bus.
La faible densité de la population et les longues distances rendent difficile l’exploitation d’un système de transport collectif viable dans les collectivités rurales, du comté de Kent à la Péninsule acadienne. Les jeunes, les aînés, les personnes souffrant d’un handicap ou les ménages à faible revenu souffrent du règne presque sans partage de la voiture.
«Le transport en commun est un service qui génère peu de revenus, mais apporte son lot de bienfaits à la communauté. Actuellement, on ne facilite pas l’entrée sur le marché du travail aux gens qui n’ont pas les moyens d’avoir une voiture», déplore Frédéric Dion, directeur général de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick.
«On a fermé beaucoup de services dans certains centres sans jamais se demander comment les gens allaient pouvoir y accéder. On n’a jamais adapté nos transports par rapport à cette centralisation.»
Yves Bourgeois, professeur d’économie à l’Université du Nouveau-Brunswick, a reçu le mandat de développer une stratégie sur le transport en commun pour la province. Le comité consultatif sur les systèmes de transport en milieux ruraux et urbains qu’il préside vient de rendre ses conclusions, mais le rapport n’est pas encore disponible.
Selon Yves Bourgeois, la ruralité est un facteur important expliquant cette dépendance à la voiture. Nombre de NéoBrunswickois vivent et travaillent dans deux communautés différentes (35,2% contre 20,6% au Canada).
Un des principaux enjeux, explique-t-il, sera de connecter les petites communautés aux principaux centres de la province.
«Dans les grandes villes du pays, on peut facilement planifier un déplacement. On n’a pas besoin de passer par trois fournisseurs pour avoir un itinéraire et faire un paiement. C’est quelque chose qui manque au Nouveau-Brunswick. On laisse les gens naviguer difficilement dans des réseaux qui ne sont pas connectés ni développés.»
DES HABITUDES BIEN ANCRÉES
Le Nouveau-Brunswick est la province la plus dépendante de la voiture privée. À peine 2,2% des Néo-Brunswickois utilisent le transport partagé, contre 12,7% des Canadiens. Ils sont beaucoup plus portés à se rendre au travail en voiture (90,4% contre 78,7% au Canada).
Selon Marie-Claire Pierce, planificatrice principale chez Codiac Transpo, le développement du transport en commun passera surtout par un changement de mentalité. En effet, le manque d’accessibilité n’explique pas tout. Alors que Dieppe est desservie par un réseau d’autobus, 92% des résidants prennent la voiture pour aller travailler.
«C’est très difficile de changer les habitudes des gens dans le Grand Moncton. Ça prend beaucoup de promotion», déplore-telle.
Les décideurs devront aussi intégrer la question du transport dans leurs décisions d’aménagement, avertit Yves Bourgeois.
«Si l’on prend l’exemple de l’école Moncton High qui a été relocalisée à l’extérieur de la ville, on a créé des problèmes de transport qui n’existaient pas auparavant.»
L’expert ajoute que la place accordée à la voiture a des conséquences sur la densité urbaine. À Moncton, plus de 40% de la superficie du centre-ville est occupée par des espaces de stationnement. Cet étalement urbain rend le système de transport en commun moins efficace et moins rentable.
Les propriétaires sous-estiment les coûts réels associés à l’utilisation de leur véhicule, assure M. Bourgeois. Ils dépensent environ 20% de leur budget pour le transport privé contre 15% en moyenne au pays. «On est appauvri à cause de la dépendance à la voiture», mentionne le professeur.
«On peut rester à Paquetville et travailler à Bathurst. Il faut réussir à connecter les gens des régions éloignées au réseau. Par exemple, comment peut-on relier le service de transport bénévole de Kent à Maritime Bus et Codiac Transpo», souligne M. Bourgeois.