Procès de la GRC: derniers arguments avant le jugement
Les avocats de la Couronne et de la défense ont présenté mardi leurs plaidoiries finales au terme d’un procès qui aura vu près de 30 témoins se succéder à la barre. La GRC est accusée d’avoir violé le Code du travail dans la foulée de la tragédie de Moncton qui a coûté la vie à trois policiers. Simon Delattre
L’avocat de la GRC, Ian Carter, assure que la GRC a fait preuve de diligence raisonnable concernant la distribution de carabines au cours des années précédant la fusillade du 4 juin 2014.
Les contraintes budgétaires et la bureaucratie ont ralenti le processus, explique-t-il. «Dans un monde parfait, la bureaucratie n’existerait pas et la GRC pourrait claquer des doigts pour obtenir les carabines», dit-il.
Ian Carter ajoute que le déploiement d’armes létales était un processus complexe impliquant un changement de culture, de la recherche et des négociations. L’étatmajor devait s’assurer que les carabines étaient nécessaires et adaptées aux besoins de la force policière.
«Vous ne pouvez pas aller chez Walmart et acheter des carabines», lance l’avocat de la défense.
«Ils ont travaillé du mieux qu’ils pouvaient compte tenu des contraintes auxquelles ils faisaient face.»
L’avocat a indiqué que le besoin de telles armes n’est devenu une évidence qu’en 2011, année pendant laquelle le déploiement des carabines Colt C8 a été approuvé.
Très peu de détachements au Canada avaient distribué de telles armes à leurs membres en 2010, lorsque la GRC étudiait leur utilisation. En 2014, année de la fusillade, seules 18 forces policières sur 180 en étaient équipées.
Me Carter rappelle que le taux de criminalité est peu élevé au Nouveau-Brunswick et que le risque d’une fusillade était considéré comme faible.
Son collègue Mark Ertel a insisté sur le fait qu’une telle situation ne pouvait pas être imaginée avant l’incident.
Dans son examen indépendant sur la fusillade, Alphonse MacNeil avait pointé la formation et l’équipement insuffisants.
Me Ertel note que le rapport MacNeil était le premier à exprimer la nécessité d’entraînement à des situations de tir dans des environnements ouverts. «C’est ce que l’on sait avec le recul», souligne l’avocat, estimant que les accusations liées au manque de formation ne peuvent donc être retenues.
LA GRC N’A PAS PRIS LES MESURES NÉCESSAIRES, AVANCE LA COURONNE
De son côté, la Couronne a tenté de démontrer que la GRC a trop tardé à équiper ses agents de carabines à partir du moment où leur nécessité a été démontrée. «Ce qu’a fait la GRC, c’est qu’elle a joué avec la sécurité des officiers de première ligne. Ils ont pris la chance.»
Le procureur Paul Adams a rappelé que lors de la fusillade, le détachement n’avait pas accès aux carabines et qu’aucun des agents n’était entraîné pour les utiliser. Le tireur de 2014 était équipé d’une carabine semi-automatique et d’un fusil de chasse, alors que les premiers policiers sur le terrain ne disposaient que de pistolets 25 millimètres, qui ne rivalisent pas en termes de portée, de puissance et de précision.
Paul Adams fait valoir que des équipements et une formation adéquate auraient pu changer le dénouement de la fusillade.
Selon lui, les décideurs de la GRC étaient conscients que leurs agents étaient souséquipés pour répondre à certaines menaces. «Ils savaient exactement quelle était la solution, et cela dès les premières étapes.»
Le procureur déclare que la GRC savait depuis plusieurs années que la carabine était l’arme appropriée pour répondre à ce type d’incident, sans avoir fait de ce dossier une priorité. Il reproche aux responsables d’avoir fait preuve de complaisance en ne mettant pas suffisamment de ressources pour accélérer le déploiement des carabines.
«Le manque d’urgence a été remarquable tout au long du processus, étant donné le risque auquel les agents étaient exposés», dit-il.
«Personne ne s’est avancé pour dire ‘‘Ce n’est pas assez’’».
Paul Adams a réfuté l’argument de la défense selon lequel il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que les agents aient été formés à réagir à un tireur. «Une fusillade peut survenir n’importe où, n’importe quand. Ce genre d’évènement est toujours imprévisible.»
Le juge Leslie Jackson devrait rendre son jugement fin septembre.
La GRC est accusée de ne pas avoir fait
«Vous ne pouvez pas attendre de la GRC qu’elle élimine toutes les menaces à la santé et la sécurité de ses agents», déclare-t-il.
les démarches nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de ses employés et d’avoir commis quatre violations au Code canadien du travail lors de la fusillade du 4 juin 2014. Les accusations ne sont pas de nature criminelle, elles concernent l’équipement, la formation et la supervision des policiers.
La poursuite a été intentée contre la GRC en mai 2015 à la suite d’une enquête du ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada. En mai 2016, la GRC a plaidé non coupable.