DE LA POUDRE AUX YEUX
REGISTRE DES LOBBYISTES
Plusieurs groupes jonglent toujours avec l’idée de s’inscrire au nouveau registre des lobbyistes du Nouveau-Brunswick une semaine après son entrée en vigueur. D’autres qui pensaient s’être déjà enregistrés n’apparaissent tout simplement pas au registre.
Il aura fallu attendre dix ans et deux changements de gouvernement avant que le premier registre provincial des lobbyistes voit finalement le jour le 1er juillet.
L’attente n’a cependant pas encore produit les résultats escomptés. En date du 7 juillet, une cinquantaine de lobbyistes seulement apparaissent au registre.
Au premier regard, la liste semble contenir plusieurs anomalies. Par exemple, le même lobbyiste et son employeur y figurent pas moins de douze fois.
De nombreux groupes de lobbying bien connus y brillent également par leur absence. De plus, certains organismes francophones sont inscrits alors que leurs pendants anglophones sont absents. L’inverse est aussi vrai.
La semaine dernière, le responsable du registre, le commissaire à l’intégrité, Alexandre Deschênes, a annoncé qu’il repoussait du 1er juillet au 1er octobre la date limite pour s’inscrire au registre en raison de problèmes informatiques. M. Deschênes n’a pas souhaité nous accorder une entrevue dans le cadre de cet article.
La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick fait partie des groupes desquels on pourrait s’attendre qu’ils fassent partie du registre. Le directeur général de l’organisme, Ali Chaisson, a été surpris d’apprendre que son nom n’y était pas lorsque l’Acadie Nouvelle l’a contacté.
«Je me rappelle m’être inscrit sur le site web. Il me semble que j’ai reçu une confirmation. C’est un peu bizarre. Je croyais avoir fait les démarches. Ça me déçoit. Soit j’ai fait une erreur au niveau de l’inscription ou il y a effectivement un problème avec l’interface web», constate-t-il.
La direction de la Chambre de commerce du Grand Moncton est dans le même bateau.
«Quelqu’un nous a dit que la liste était sortie et nous a demandé pourquoi nous n’étions pas sur la liste. Nous étions vraiment surpris parce que nous pensions avoir fait ce que nous avions à faire (pour s’inscrire)», raconte la directrice générale de la Chambre, Carol O’Reilly.
«Nous avons rempli le formulaire. Nous pensions que c’était bon, qu’il n’y avait aucun problème.»
Le représentant d’un autre organisme de la société civile acadienne, qui s’était plaint au journal sous le couvert de l’anonymat au sujet l’aspect peu convivial du registre et de son français douteux après s’être inscrit, est également absent du registre.
Le gestionnaire de documents de l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB), Erik Lewis, et son patron, le recteur de l’Université, Eddy Campbell, figurent douze fois au registre.
Un porte-parole de UNB a indiqué au journal que M. Lewis était seulement responsable d’inscrire les représentants de l’Université, mais que son propre nom apparaît en premier en raison de la façon dont le registre a été conçu.
Quelques clics supplémentaires sur le registre en ligne sont nécessaires pour découvrir les noms des membres de la haute direction de l’université qui pourraient faire du lobbying auprès des élus provinciaux et de la fonction publique.
Aucun représentant des trois autres universités publiques de la province ne fait partie du registre.
Une porte-parole de l’Université de Moncton a affirmé au journal que l’institution «se penche toujours sur la question du registre des lobbyistes tout en sachant que nous avons jusqu’au 1er octobre pour prendre une décision».
«La personne qui était responsable de ce mandat a accepté un poste dans une autre organisation, donc nous devons réévaluer la situation», mentionne Nathalie Haché.
Le directeur général de l’Association des pharmaciens du Nouveau-Brunswick, Paul Blanchard, est inscrit au registre. Toutefois, aucun employé de la Société médicale du Nouveau-Brunswick, une organisation au mandat similaire, n’y figure.
Le chef de la direction de la Société médicale précise que son organisme est encore en train d’étudier la question.
«Nous voulons nous assurer de remplir toutes nos obligations légales, et ce, de façon appropriée. Ceci inclut clarifier quels individus au sein de notre organisation auraient à s’inscrire en déposant une déclaration sous la Loi», explique Anthony Knight.
L’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick a inscrit cinq de ses employés au registre. Son équivalent anglophone, la New Brunswick Teachers’ Association, n’en a enregistré aucun. L’association anglophone n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.
Plusieurs entreprises figurent aussi au registre, dont TransCanada, Moosehead Breweries, Molson Coors, Imperial Tobacco, et Emera. Parmi les absents, on compte notamment deux des plus grandes entreprises du Nouveau-Brunswick, J.D. Irving et Irving Oil.
Mary Keith, la porte-parole de J.D. Irving, avance que la forestière a communiqué avec le bureau du commissaire à l’intégrité qui l’a informé des «problèmes et des délais» avec le registre.
Mme Keith promet que J.D. Irving «respectera pleinement» la loi sur l’inscription des lobbyistes avant la nouvelle date d’échéance.
Irving Oil n’a pas répondu à nos demandes d’entrevues. La pétrolière avait encore l’an dernier au moins un employé dont le titre était «responsable des relations gouvernementales», une fonction très proche de celle de lobbyiste.