La sédimentation, toujours un problème dans la Restigouche
Une Little Main Restigouche brune et vaseuse comparativement à une Kedgwick bleue et limpide. L’impact de la sédimentation ne peut être… plus clair. Jean-François Boisvert
Une photo mise en ligne par le camp de pêche Kedgwick Lodge a fait le tour du web récemment, notamment grâce aux internautes qui ont été nombreux à la partager, plusieurs s’indignant au passage de la situation.
Il faut dire que le contraste est frappant et illustre bien l’ampleur de la problématique de la sédimentation dans la Restigouche et ses tributaires.
Le cliché montre l’embranchement de la Little Main et de la Kedgwick, là où prend naissance la Restigouche. Il a été capté à la suite aux fortes pluies des 23 et 24 juin. Une grande quantité d’eau (47 mm enregistrés à la station météo de Boston Brook) s’était alors abattue dans le bassin versant de la rivière Little Main en l’espace de quatre heures à peine.
Selon David LeBlanc, directeur général du Conseil de gestion du bassin versant de la rivière Restigouche (CGBVRR), la photo est trompeuse, car elle laisse supposer qu’il n’y a aucun problème de sédimentation sur la Kedgwick.
«Ce que l’on constate, c’est que l’épisode de pluie intensive a été concentré uniquement dans le bassin de la Little Main Restigouche. Dans d’autres circonstances, la Kedgwick aurait pu être de la même couleur», précise-t-il.
Qu’à cela ne tienne, il ne peut par contre qu’être en accord sur le fait qu’un problème de sédimentation existe bel et bien dans les cours d’eau du bassin.
D’où vient ce sable? Selon lui, à environ 90% des routes forestières et des secteurs agricoles et industriels de Kedgwick et de Saint-Quentin.
«Les cours à bois, les grandes aires de stationnement, les routes forestières non entretenues, les champs agricoles… tout cela apporte son lot de sédiments dans les cours d’eau. Avec des pluies aussi fortes en peu de temps, on peut facilement déduire que le sol n’a pas eu le temps de bien absorber. Donc, ça se retrouve dans les cours d’eau», dit-il.
Souvent montrées du doigt, les coupes intensives (voire les coupes à blanc) seraient très peu en cause, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne provoquent pas pour autant des inconvénients. Elles seraient l’une des causes de l’assèchement rapide des cours d’eau et des fortes hausses du débit d’eau au printemps (fonte prématurée).
Le CGBVRR s’attarde (et s’attaque) depuis plusieurs années à la question de la sédimentation. Des travaux ont notamment été effectués à quelques endroits – par exemple la création de trappes à sédiments – afin de limiter l’apport de sable dans les cours d’eau. «C’est un travail continu», souligne M. LeBlanc. Ce qui n’aide pas non plus, c’est la météo. «On le voit depuis quelques années, nous avons de plus en plus d’événements extrêmes, comme de fortes précipitations en très peu de temps. Ça commence à devenir la norme, on dirait», exprime le directeur du CGBVRR.
Tout ce sable dans l’eau est nuisible pour la faune.
«À court terme, c’est certain que ce n’est pas l’idéal puisque cela cause un stress induit chez le poisson pendant quelques jours. Ça pourrait même aller jusqu’à causer des lésions ou des infections. Ce qui est plus problématique par contre, c’est que ce sable finit par remplir les rivières, et par conséquent les fosses à saumons», indique-t-il, notant que cela peut également nuire à l’alimentation des espèces vivantes.
Cette année, un projet destiné à amoindrir l’impact en sédiment sera mené en collaboration avec un producteur agricole du secteur de Saint-Quentin. Des suivis seront également effectués sur d’anciens projets (trappes à sédiments et aménagements).
«On est en discussion constante avec le milieu agricole ainsi que celui de la foresterie afin de tenter de diminuer au maximum leur empreinte sur la rivière», mentionne M. LeBlanc.