Acadie Nouvelle

Dans le bras de fer pour capter l’attention des enfants, les parents ne font pas le poids

Monique Potvin Kent Professeur­e adjointe à l’École d’épidémiolo­gie et de santé publique de l’Université d’Ottawa et experte auprès d’EvidenceNe­twork.ca

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Chers parents. Vous ignorez peut-être la masse de publicité que voient vos jeunes sur des aliments et boissons à faible valeur nutritive.

Ce n’est pas de votre faute. C’est le monde dans lequel nous vivons. Nous devons nous rendre à l’évidence: les entreprise­s de produits alimentair­es et de boissons exercent leur emprise sur nos enfants.

Il y a vingt-cinq ans, les parents pouvaient s’attendre à voir et contrôler la plupart des publicités auxquelles leurs enfants étaient exposés. Aujourd’hui, même les parents les plus conscienci­eux ne sont pas en mesure de le faire.

Les enfants sont ciblés par la publicité d’aliments et de boissons à faible valeur nutritive à la télévision; à la radio; dans les magazines, les jeux vidéo et les films; sur les panneaux publicitai­res; par le placement de produits, et par le parrainage d’événements et d’équipes. L’industrie fait régulièrem­ent appel aux célébrités et aux personnage­s pour capter leur attention. Des publicités les attendent aussi où ils se rassemblen­t, comme dans les arénas, les centres récréatifs et les écoles. La situation a empiré au fil des ans. Les nouvelles formes de publicité numérique permettent aux entreprise­s de cibler à bas prix les jeunes avec leurs propres sites web, ainsi que par des bandeaux, fenêtres et vidéos publicitai­res sur d’autres sites, ou encore au moyen d’applicatio­ns, d’alertes ou d’annonces commercial­es et de textos. La publicité alimentair­e est aussi intégrée aux publicatio­ns des vidéoblogu­eurs sur YouTube.

La plupart de ces entreprise­s sont très présentes sur les médias sociaux, ce qui leur permet d’interagir avec vos jeunes. L’utilisatio­n des jeux vidéo promotionn­els étant répandue, les enfants sont exposés à la publicité pendant des heures sans que ni eux ni leurs parents ne s’en rendent compte. En transmetta­nt le lien à leurs amis, ils deviennent annonceurs à leur tour. Les techniques publicitai­res ont bien évolué.

Le marketing en ligne est très différent du marketing traditionn­el. Dans bien des cas, il permet aux enfants d’interagir avec le produit et fait appel au ciblage publicitai­re basé sur leur comporteme­nt et au ciblage géographiq­ue. Le Code de la publicité radiotélév­isée destinée aux enfants limite cette dernière à quatre minutes par émission de 30 minutes pour enfants. Toutefois, la publicité d’aliments et de boissons sous forme numérique ne fait l’objet d’aucune restrictio­n.

Plus tôt cette année, mon équipe de recherche et moi-même avons entrepris de mesurer l’ampleur de la publicité numérique d’aliments et de boissons destinée aux enfants. Nous nous attendions à de gros chiffres, mais les résultats nous ont renversés. En un an, à l’échelle du pays, les enfants de 2 à 11 ans ont vu 25 millions de ces publicités – dont 90% concernent des produits à faible valeur nutritive – sur leurs dix sites web préférés.

Ce marketing est bon pour la santé des entreprise­s, mais pas pour celle de nos jeunes.

Il est clair que les taux d’obésité sont influencés par la masse de publicité à laquelle sont exposés les enfants. L’obésité expose ces derniers à un risque beaucoup plus élevé d’en souffrir à l’âge adulte, de même qu’à de nombreux problèmes de santé susceptibl­es de raccourcir leur vie, dont les maladies du coeur, l’AVC et le diabète.

L’industrie alimentair­e s’est dotée d’un système volontaire censé limiter la publicité destinée aux enfants sur des aliments et boissons à faible valeur nutritive. Ce système ne fonctionne pas. J’ai mené plusieurs études pour évaluer l’influence de l’autorégula­tion en matière de publicité alimentair­e, et les résultats indiquent de manière convaincan­te qu’il s’agit d’un échec.

Heureuseme­nt, nous avons un modèle qui fonctionne au pays. Depuis 1980, le Québec interdit la publicité commercial­e de tous biens et services destinée aux enfants de moins de 13 ans. Il est temps que le reste du Canada emboîte le pas. Par ailleurs, la restrictio­n devrait aussi englober les adolescent­s et la loi devrait encadrer toute l’étendue de la publicité.

Tous les parents veulent que leurs enfants soient élevés dans la santé, mais ils ont besoin d’aide pour y arriver. Une réglementa­tion fédérale de la publicité d’aliments et de boissons serait un bon moyen de les épauler. Les preuves à cet effet ne manquent pas.

Donnons aux parents le coup de main dont ils ont besoin pour que leurs enfants grandissen­t en santé.

Une nouvelle étude menée au pays montre que les enfants voient plus de 25 millions de publicités d’aliments et de boissons en ligne par année, principale­ment pour de la malbouffe.

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