LA MAISON QUI CHANGE DES VIES
Le 216, avenue de l’Hôtel de ville à Shippagan est une résidence pour enfants autistes
De prime abord, rien ne distingue le 216, avenue de l’Hôtel de ville à Shippagan d’une habitation normale: une grande pièce à vivre, une cuisine, deux salles de bains, six chambres… La maison est pourtant unique en son genre. C’est une résidence pour enfants autistes.
Il n’en existe pas d’autres de ce type au Nouveau-Brunswick. Sa mise en place n’est pas superflue. Les demandes de parents s’amoncellent pour y inscrire leurs enfants. Présentement, elle est occupée par cinq jeunes - un de Miramichi et quatre de la Péninsule acadienne âgés de 4 à 18 ans.
Conformément au règlement, le plus vieux - qui avait 8 ans quand il a intégré la maison - libérera sa chambre prochainement.
«Sa place sera rapidement prise», est persuadée la fondatrice et responsable Gisèle Breau.
Pour son action, elle a reçu en juin, à Moncton, la médaille des services méritoires du gouverneur du Canada. Jusqu’à présent, cette distinction a été décernée à seulement sept Néo-Brunswickois Gisèle Breau est la seule résidante de la Péninsule acadienne à l’avoir reçue.
Une fois accueillis dans la maison TED, les enfants y vivent à l’année. En période scolaire, ils vont à l’école en journée. Ils gardent un contact régulier avec leur famille. Ce n’est pas de gaîté de coeur que les parents les y inscrivent, mais plus par obligation.
«C’est très exigeant pour un père et pour une mère d’avoir un enfant autiste. Pour leur bien-être, ils n’ont parfois pas d’autres choix que de nous le laisser. C’est un problème pour certains parents qui éprouvent de la culpabilité par rapport à ça.» «Pendant longtemps, elles étaient perçues comme des êtres qui ne parlaient pas et qui se frappaient contre les murs», rappelle Diane Lacroix.
FIÈRE DE SON ÉTABLISSEMENT
Gisèle Breau est fière de son établissement et de ce qu’il apporte. Son unicité révèle une réalité que dénoncent des parents: un manque de services et de moyens pour les enfants autistes.
Annie Haché est la maman d’Andy, âgé de 12 ans.
«Jusqu’à 15 mois, il avait un développement normal. Puis, il a commencé à perdre ce qu’il avait appris. Le diagnostic est tombé peu après», raconte-t-elle.
Son garçon est scolarisé à Tracadie où il est encadré par une superviseure clinique.
«Il n’y en a que quatre pour toute la Péninsule. Deux ont décidé d’arrêter, elles sont épuisées et elles ne seront pas remplacées à la rentrée. On manque de personnel qualifié», déplore cette infirmière de formation.
Diane Lacroix est orthophoniste à Caraquet. Ses deux fils âgés de 11 et de 13 ans présentent des troubles de l’autisme. Pour l’un d’eux, cela a évolué en syndrome de Gilles de la Tourette. Elle reconnaît que des structures de soutien existent, mais elle regrette qu’aucune aide à domicile ne soit proposée.
«Ça prendrait des gens spécialisés qui viendraient chez nous pour une sorte de
coaching. Ils pourraient nous épauler dans notre quotidien, nous apprendre à gérer les crises. C’est dans les foyers qu’il y a les besoins, pas dans des bureaux extérieurs.»
Une chose rassure ces mères de famille: le regard sur les personnes autistes change.
«Aujourd’hui, on en parle plus. Les autistes sont mieux intégrés dans notre société», considère Annie Haché.
Il reste cependant du travail à faire, selon elle, pour bousculer les mentalités.
«On observe encore beaucoup d’ignorance.»