720 000$ VERSÉS AU DRE CLEARY
720 000$, c’est le montant des indemnités de départ versés par la province à la Dre Eilish Cleary. Il aura fallu un jugement des tribunaux pour obtenir cette information.
L’ancienne médecin-hygiéniste en chef du Nouveau-Brunswick avait été mise à pied en décembre 2015 dans des circonstances nébuleuses.
En janvier 2016, Dre Eilish Cleary et le sous-ministre de la Santé, Tom Maston, ont annoncé dans un communiqué de presse conjoint qu’ils avaient «conclu une entente mutuellement satisfaisante», concernant son licenciement «non motivé».
Les détails de l’entente étaient demeurés confidentiels.
Radio-Canada a alors tenté d’obtenir le document en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, mais la demande a été refusée par le ministère de la Santé qui invoquait le respect de la vie privée.
À la suite d’une plainte déposée au Commissariat à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée, la commissaire Anne Bertrand a conclu que la province est tenue de rendre public le montant de la compensation versée à la fonctionnaire.
Face à un nouveau refus du ministère, le diffuseur public s’est tourné vers les tribunaux. Le 25 mai, le juge Zoël Dionne a ordonné la divulgation «du montant total des indemnités de cessation d’emploi qui a été accordé» à la Dre Cleary.
Dans une lettre, le ministre de la Santé Victor Boudreau précise que le montant de la compensation s’élève à 720 000$.
Les raisons du licenciement restent inconnues.
Plusieurs environnementalistes accusent la province d’avoir voulu bâillonner la scientifique en raison de ses recherches sur le gaz de schiste et le glyphosate. De son côté, le gouvernement provincial a affirmé à plusieurs reprises que cette mise à pied n’avait pas été motivée par des raisons politiques.
Pétition, lettres, manifestations, Ann Pohl a multiplié les efforts pour que la Dre Cleary soit réintégrée. Membre du Conseil des Canadiens, la citoyenne de Bass River estime que la compensation est méritée.
«Je pense que c’est assez juste considérant les dommages à sa réputation ainsi que la douleur et le stress d’avoir été mise dans cette position.» UN MANQUE DE TRANSPARENCE DÉNONCÉ
Ann Pohl note que la somme d’argent public engagée dans ce dossier reste un mystère, car les indemnités de 720 000$ ne comprennent pas les frais juridiques.
La militante écologiste continue de réclamer une entière transparence.
«La population attend que la vérité sorte. Pourquoi a-t-on renvoyé notre meilleure employée? Pour moi, c’est évident que le gouvernement cache quelque chose.»
Le Nouveau Parti démocratique avait demandé une enquête indépendante pour faire la lumière sur ce congédiement. Cette position n’a pas changé, indique Rosaire L’Italien, chef par intérim du NPD du NouveauBrunswick.
Il tacle au passage l’équipe de Brian Gallant.
«On avait une des meilleures au Canada et on l’a mis dehors. Ça n’a aucun sens.»
Le politicien juge que la position du gouvernement n’est pas compatible avec le fonctionnement d’une démocratie.
«Quand c’est rendu que les médias doivent se tourner vers les tribunaux pour obtenir la vérité, ça montre le degré d’ouverture de ces gens-là. Quand vient le temps de payer pour leurs erreurs, ils tentent d’échapper à leurs responsabilités», s’exclame Rosaire L’Italien. «Ce sont des erreurs qui finissent par coûter cher aux contribuables de la province.» L’INDÉPENDANCE DES MÉDECINSHYGIÉNISTES EN QUESTION
Lors de la campagne électorale de 2014, les libéraux avaient promis de garantir l’indépendance des médecins-hygiénistes.
Cet engagement s’alignait sur les recommandations de la Société médicale du Nouveau-Brunswick. L’organisme demandait que ses médecins puissent mener des enquêtes sur des enjeux liés à la santé publique à leur propre discrétion, tout en restant libres de se prononcer contre le point de vue politique de dirigeants élus.
En mars, le ministre de la Santé Victor Boudreau a annoncé que la Dre Cleary ne serait pas remplacée aussi longtemps que cette promesse de campagne ne sera pas réalisée.
Brian MacDonald, le critique de l’opposition officielle en matière de santé, souhaite que la responsable de la santé publique devienne une haute fonctionnaire indépendante sous l’autorité de l’Assemblée législative, au même titre que la commissaire aux langues officielles.
«Avec cet abus de pouvoir, il devient nécessaire de créer un poste de fonctionnaire de l’Assemblée législative. C’est une idée à explorer», dit-il.
Le député conservateur reproche au gouvernement d’avoir joué la carte du secret jusqu’au bout.
«Ce n’est pas acceptable qu’une action judiciaire ait été nécessaire pour découvrir le montant payé. Le devoir du gouvernement est d’être transparent. Dans ce cas, le gouvernement Gallant a tenté de camoufler cette affaire.»
«Nous avons actuellement les pires administrateurs que la province ait jamais connus. C’est un gouvernement de partisanerie qui joue à la cachette avec la vérité», lance-t-il.