Des drogués blessent leur animal pour obtenir des opioïdes des vétérinaires
Les gens qui souffrent de dépendances aux médicaments antidouleurs, comme les analgésiques et les opioïdes, sont prêts à aller très loin pour obtenir leur drogue. Plusieurs médias américains rapportent que des gens vont jusqu’à blesser leur animal de compagnie pour faire main basse sur une prescription d’un vétérinaire. Est-ce que le phénomène a atteint le Nouveau-Brunswick? L’Acadie Nouvelle a pris le pouls de la situation.
Le Dr George Whittle a pratiqué la médecine vétérinaire pendant 33 ans avant de prendre sa retraite, il y a quelque semaine. Il est aujourd’hui directeur de l’Association des médecins vétérinaires du Nouveau-Brunswick.
Au cours de sa longue carrière, il n’a jamais vu aucun de ses clients blesser intentionnellement leur animal de compagnie, à l’exception peut-être d’adolescents qui ont fait respirer de la marijuana à leur chien ou à leur chat pour voir qu’elle allait être leur réaction.
Les vétérinaires ont le droit de prescrire et de vendre des médicaments sous ordonnance à leur clinique. Ce sont des professionnels qui peuvent bien juger une situation. Si une personne tente de leur soutirer une prescription qu’elle ne compte pas utiliser pour leur animal, les vétérinaires sont généralement capables de voir clair dans leur jeu.
«Les vétérinaires voient beaucoup de choses au cours de leur carrière. Nous ne faisons pas seulement affaire avec les animaux, mais aussi avec les clients et leurs familles. Nous sommes assez accoutumés à analyser les situations. Je ne crois pas que quelque chose dans le genre pourrait se produire sans signaux d’avertissement», a précisé le médecin vétérinaire.
Plusieurs cliniques vétérinaires font par ailleurs le choix de ne pas stocker des antidouleurs pour ne pas attirer les voleurs qui pourraient être tentés de dérober des médicaments. Ils dirigent plutôt les propriétaires des animaux auxquels ils ont prescrit des stupéfiants à un pharmacien.
«C’est pour éviter qu’une clinique ait une armoire pleine de médicaments et qu’elle soit un endroit attrayant pour un voleur. Je ne crois pas que c’est un gros problème au Nouveau-Brunswick, mais ça peut l’être dans d’autres provinces. Même si des cliniques n’ont pas de substances intéressantes pour ces personnes, des gens pensent qu’il pourrait y en avoir et entrer par effraction, faire beaucoup de dommage pour finalement trouver qu’il n’y a rien à voler».
Dennis Abud est membre du conseil d’administration de l’Association des pharmaciens du Nouveau-Brunswick. Il possède aussi deux pharmacies à Dieppe. Il explique que grâce au système du dossier de santé électronique (DSÉ), il est facile de voir lorsqu’une personne tente d’utiliser une prescription d’un médecin à plus d’une reprise, mais l’histoire est différente pour le monde animalier.
«Avec les humains, c’est facile à prévenir avec le DSÉ. C’est facile d’aller voir si les gens ont obtenu un médicament. Justement, c’est arrivé récemment. Il y avait un monsieur pour qui on savait qu’il y avait un problème. On a vérifié et effectivement, il avait utilisé sa prescription dans une autre pharmacie. Mais, pour les animaux, c’est plus compliqué parce qu’ils ne sont pas dans le DSÉ», a souligné le pharmacien.
Il existe donc des moyens de contourner le système avec une prescription d’un vétérinaire. On ne les expliquera pas ici, pour des raisons évidentes. Cependant, les antidouleurs pour les animaux sont rarement prescrits, d’après ce que peut observer M. Abud.
«On voit plus des médicaments pour les yeux des chiens ou pour des chiens nerveux. Pour la douleur, franchement, je n’en vois pas beaucoup».
Le vol est survenu dans la nuit du 9 au 10 juillet.
Des personnes seraient entrées dans le local de la SPA et ont dérobé deux coffres-forts. Dans l’un d’eux se trouvait de l’argent alors que dans l’autre, des anesthésiques utilisés pour euthanasier certains animaux.
«C’est vraiment inquiétant de savoir que ces produits circulent quelque part, car ils sont extrêmement dangereux», exprime Rachel Mutch, directrice de la SPARestigouche.
L’anesthésique surtout montré du doigt est le T61, un produit à usage vétérinaire pouvant être mortel.
Mme Mutch ne sait pas si les voleurs ciblaient surtout le vol de médicaments. Elle prie toutefois les cambrioleurs de ne pas utiliser l’anesthésique.
«Ce qui me fait peur, c’est qu’une personne l’utilise en pensant avoir un buzz, mais ce n’est pas du tout ce type de drogue. Ces produits sont destinés à mettre fin aux jours des nos animaux malades. En ingurgiter seulement quelques gouttes - un seul millilitre en fait - suffit à tuer quelqu’un», lance-t-elle comme avertissement.
Cinq bouteilles de 50 ml chacune ont été dérobées. Ce produit était manipulé uniquement par des employés ayant reçu une formation spécialisée.
«Si le motif du vol était l’argent, ils ont eu ce qu’ils voulaient. Malheureusement, il y avait également des drogues dans l’un des deux coffres. Je n’aime vraiment pas l’idée que ça se retrouve dans la rue, entre de mauvaises mains», ajoute-t-elle.
Pour ce qui est de l’argent, le vol est également un coup dur pour l’organisme à but non lucratif alors qu’un montant d’environ 5000$ se trouvait dans l’un des coffres.
«C’est vraiment dommage, car on ne roule pas du tout sur l’or. On est constamment en campagne de financement, à la recherche de dons, et voilà qu’on nous cambriole le peu que l’on a. On doit maintenant remplacer l’argent, mais aussi les deux coffres et la fenêtre qui a été brisée lors de l’entrée par effraction. Ce sont des dépenses énormes pour nous», relate Mme Mutch.
Celle-ci se console en sachant que tous les animaux se portent bien à la suite de ce vol.
La GRC mène une enquête et sollicite l’aide de la population.
«Certainement, au cours de ma carrière, je me suis rendu compte à quel point les gens aiment leurs animaux. Évidemment, il y a des cas de maltraitance d’animaux, mais c’est une très faible partie de la population. Je ne crois pas que les gens que j’ai vus au cours des années auraient intentionnellement fait mal à leur animal», a avancé à l’Acadie Nouvelle le Dr Whittle.