Acadie Nouvelle

«Une torture entre guillemets», suggère le député conservate­ur Pierre Paul-Hus

- Mélanie Marquis La Presse canadienne

Ce n'est «pas pour rien» qu'Omar Khadr s'est retrouvé à Guantanamo, où il a subi «une torture entre guillemets», a suggéré le conservate­ur Pierre PaulHus, promettant de réclamer des comptes dès la rentrée parlementa­ire sur le règlement intervenu la semaine passée.

L'élu ne saisit pas pourquoi les libéraux se sont «mis à genoux» et versé «en cachette» des millions de dollars à celui qui a eu droit, alors qu'il était incarcéré dans la geôle américaine, au «programme grand voyageur», une privation de sommeil représenta­nt une forme de torture.

Le gouverneme­nt canadien devait admettre qu'il avait une part de responsabi­lité, certes, mais il n'avait pas à aller jusqu'à signer un tel chèque à Omar Khadr, a-t-il soutenu avant de se questionne­r à voix haute sur la gravité des sévices qui ont été infligés à l'adolescent.

«Encore là, on parle de torture, mais c'est quoi, la torture... je ne pense pas qu'il y a eu de la torture comme on l'imagine. Les gens s'imaginent une torture, genre rentrer une aiguille en dessous d'un ongle, je ne pense pas que personne a fait ce genre de chose-là», a-t-il plaidé.

«Il n'en demeure pas moins que selon le code, là, ils ont fait une torture entre guillemets, bon, on l'admet, et on est prêts à reconnaîtr­e que ça n'aurait pas dû se faire. Mais de là à dire que ça prend 10 millions $...», a argué le député Paul-Hus.

L'élu de la région de Québec s'est défendu de chercher à «banaliser ce qui s'est fait» dans la prison américaine de Guantanamo Bay, affirmant qu'«empêcher quelqu'un de dormir, c'est de la torture, c'est une forme de torture mentale».

«Ils n'ont pas le droit de le faire et ça n'aurait pas dû être fait, on s'entend. Mais le problème, c'est que lui non plus (Omar Khadr) n'avait pas à le faire (le geste qu'il a été accusé d'avoir posé sur le champ de bataille afghan)», a tranché M. Paul-Hus.

Le Canadien avait 15 ans lorsqu'il a été capturé par les troupes américaine­s lors de la guerre en Afghanista­n. Accusé d'avoir lancé une grenade ayant tué le soldat américain Christophe­r Speer, il a fini par conclure une entente avec un tribunal militaire pour rentrer au Canada.

«Nous, on prend pour acquis qu'il l'a fait, parce que un, il ne s'est pas ramassé à Guantanamo pour rien, et deux, il l'a avoué», a offert le député conservate­ur, disant que l'ancien détenu aurait bien pu se contenter, en guise de compensati­on, de son rapatrieme­nt au Canada.

«On trouve que c'est déjà très bien comme ça pour lui. Qu'il fasse sa vie. Il n'a pas d'affaire à avoir 10 millions $», a tranché en entrevue avec La Presse canadienne le porte-parole associé conservate­ur en matière de défense.

Le député Paul-Hus a ainsi ajouté lundi son grain de sel au débat qui fait rage depuis des jours et que les conservate­urs ne comptent visiblemen­t pas laisser s'étioler dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Le chef de la formation, Andrew Scheer, a annoncé samedi dernier à Calgary que ses troupes déposeraie­nt à la première occasion une motion sur l'entente conclue entre le gouverneme­nt et Omar Khadr afin de forcer l'ensemble de la députation libérale à prendre position.

«On voit très bien qu'il y a plusieurs députés libéraux qui sont mal à l'aise avec le dossier», a avancé Pierre Paul-Hus, soutenant que l'objectif de la démarche conservatr­ice n'est «pas nécessaire­ment pour faire des gains politiques».

Le gouverneme­nt libéral a présenté vendredi dernier des excuses officielle­s et confirmé le versement d'une compensati­on financière au citoyen canadien dont les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ont été bafoués.

En marge du sommet du G20 à Hambourg, samedi, le premier ministre Justin Trudeau a plaidé que l'entente n'avait «rien à voir avec ce que Khadr a fait, ou non» sur le champ de bataille en Afghanista­n il y a une quinzaine d'années.

«La Charte protège tous les Canadiens, chacun d'entre nous, même quand c'est inconforta­ble», et «lorsque le gouverneme­nt viole les droits d'un Canadien, nous finissons tous par payer», a-t-il fait valoir en conférence de presse à l'issue de la rencontre internatio­nale.

La plateforme électorale du Parti libéral stipule que tous les membres du caucus peuvent voter librement en Chambre, sauf lorsqu'il s'agit, notamment, de «questions touchant nos valeurs communes et les protection­s garanties par la Charte canadienne des droits et libertés».

Le bureau du premier ministre n'a pas confirmé si la ligne de parti sera imposée dans le cas d'un éventuel vote en Chambre sur le règlement Khadr, lundi.

Le chef Scheer a qualifié l'entente de «gifle en pleine figure pour les hommes et les femmes en uniforme». Son prédécesse­ur, Stephen Harper, a reproché au gouverneme­nt de «passer le blâme concernant sa décision de conclure une entente secrète avec Omar Khadr».

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a peu auparavant reproché au précédent gouverneme­nt conservate­ur de Stephen Harper d'avoir «ignoré la Cour suprême du Canada», qui l'a débouté en concluant que les droits du citoyen canadien ont été violés.

Ainsi, Ottawa n'avait aucune chance de remporter la poursuite de 20 millions $ intentée par l'ex-prisonnier de Guantanamo, a soutenu le ministre. Les détails de l'entente n'ont pas été divulgués, mais plusieurs médias, dont La Presse canadienne, ont appris qu'Omar Khadr a reçu 10,5 millions $.

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− La Presse canadienne: Colin Perkel Omar Khadr, jeudi, à Mississaug­a.

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