RINO MORIN ROSSIGNOL: LA BOÎTE À SARDINES DES LGBTQ
Grosses félicitations à tous les cantons qui ont peinturé les lignes blanches de leurs passages piétonniers aux couleurs du drapeau LGBT, pour célébrer la diversité!
Je rappelle aux néophytes en matière acronymique que les lettres LGBT ne font pas référence à un sandwich «LaitueGuacamole-Bacon-Tomate».
Ces lettres majuscules représentent la diversité, apparemment exponentielle, des minorités sexuelles, appelées communautés LGBT. Y paraît qu’on est rendu à LGBTTIQA2S. Je crois qu’il y a aussi un P, mais je ne sais pas où le mettre! Et pourquoi ne pas les placer en ordre alphabétique?
Blague à part, qu’y-a-t-il de commun entre une féministe indigène bispirituelle mariée à une femme et un célibataire homosexuel viriphile agnostique? Aucune idée! Pourtant, on est collé-collé dans le sigle!
Bizarrement, ces lettres symbolisent des communautés qu’on a subtilement trouvé le tour de ne plus nommer, au moment précis où l’on fait mine de les célébrer avec la même ferveur qu’on mettait, il y a quelques années à peine, à les ostraciser! Ô paradoxe!
Le sigle LGBT est devenu un symbole. Un symbole rassemble par adhésion spontanée, non?
Je ne suis pas certain que ce soit le cas ici, car il s’agit d’un symbole que tente d’imposer un lobby tentaculaire issu des milieux universitaires et associatifs militants, dont les visées politiques, même si elles sont utiles à l’avancement des minorités sexuelles, ne sauraient contraindre quiconque à s’y associer contre son gré.
Et cette accumulation de lettres, même si elle est échafaudée avec les meilleures intentions du monde, finira par dénaturer le symbole. Qui trop embrasse mal étreint! Bref: trop de lettres pour vouloir tout dire, ça finira par ne plus rien dire.
Oui, l’acronyme LGBT m’horripile et ce qui m’exaspère le plus, ce n’est pas tant le fait que l’on «regroupe» toutes ces communautés disparates sous une même ombrelle, officiellement pour cause de commodité langagière ou discursive, mais plutôt qu’on utilise ce prétexte hypocrite pour ne pas avoir à les nommer, légitimement, ces communautés!
Et ce qui me chagrine le plus, c’est de constater que les homosexuels, les lesbiennes, les bisexuels, les transgenres, les
queer, les intersexuels, les pansexuels, les altersexuels, et toutes les autres minorités sexuelles, sans oublier les asexuels, ne semblent pas prendre conscience que la société majoritairement hétérosexuelle ne fait que leur accorder un sauf-conduit social en échange d’une forme de silence: on va reconnaître votre existence, mais en contrepartie vous allez vous fondre dans le Grand
Tout Social Invisible, on ne vous verra plus, et on vous appellera les «Elgébétés».
Récupération, vous dites?
Exemple. En France, le dossier ultrasensible du mariage gay est devenu beaucoup plus consensuel dès lors qu’on s’est mis à parler du mariage «pour tous», éteignant ainsi une à une les bougies d’allumage du malaise social que le concept du mariage «gay» avait engendré.
Exemple. Au Québec, dans la foulée de cette uniformisation de la différence, le service d’entraide téléphonique «Gay Écoute» a changé de nom, récemment, adoptant une appellation anonyme. «Gay Écoute» s’appelle maintenant «Interligne». Comme si un ado gay en difficulté allait automatiquement penser au mot «interligne» lorsqu’il se mettra à chercher de l’aide!
Mais le meilleur exemple de ce que j’avance: le traditionnel défilé de la fierté gay de Montréal devient, cette année, le défilé «Fierté Canada Montréal 2017». Où sont les minorités sexuelles là-dedans? Tapis sous une feuille d’érable qui ne peut que rappeler la fameuse feuille de vigne d’Adam et Ève, premiers êtres humains à avoir exprimé culpabilité et honte d’être ce qu’ils sont?
Beaux messages de «fierté» elgébétée!
Petite note où les notions de signifiant et de signifié copulent allègrement: ce défilé d’une fierté qui n’ose plus dire son nom sera commandité par nul autre que Viagra! Oui, la célèbre petite pilule bleue qui permet à monsieur de hisser haut son mat au moment crucial où les vents du désir l’entraînent sur la mer des fantasmes!
En se plaçant dans l’aura sulfureuse d’un tel commanditaire, les organisateurs veulent-ils inconsciemment accréditer le (vieux?) préjugé straight voulant que les gays ne pensent qu’à baiser?
Quitte à passer pour un mauvais coucheur, je dis que toutes ces simagrées consenties à la société hétérosexuelle pour qu’elle tolère la gaieté ne mèneront cette même société hétérosexuelle, à plus ou moins long terme, qu’à inventer de nouvelles façons de taire la réalité des minorités sexuelles.
Tout ce salmigondis de «lettres» qu’on fourre dans une boîte de sardines deviendra carrément indigeste. Il ne manque qu’une chose à cet étiquetage tous azimuts: une date de péremption.
Et je prédis que la bonne vieille médaille miraculeuse de la droite dévote voudra remplacer un jour la petite pilule bleue de la gauche capote.
On appelle ça: le retour du balancier.
Malgré cette pluie de bémols, je félicite néanmoins très amicalement toutes les personnes qui s’engagent avec coeur dans nombre d’activités favorisant la réalité homosexuelle. Et ça comprend, bien sûr, toutes les personnes actives dans l’événement Acadie Love.
Non, ce n’est pas votre sincérité que je mets en doute, c’est celle de ceux qui manipulent l’opinion publique, à coups de subventions, de stratégies politiques et de slogans creux, pour s’assurer de notre silence et de notre obédience.
Notre silence contre notre liberté. Voilà le deal.
Jadis, dans un cours d’auto-défense, j’ai appris que la toute première chose qu’on doit faire pour se défendre, c’est d’être conscient.
Je nous souhaite collectivement, hétéros lecteurs zé lectrices hétéroses, ainsi qu’à mes frères gays zé mes soeurs lesbiennes d’Acadie
Love et d’ailleurs, d’être conscients, en tout temps, de la puissance des forces contraires qui nous entourent et d’être capables de capter cette énergie – comme au judo! – pour nous défendre et rayonner!
Refusons de nous raboudiner dans une boîte de sardines, même si la boîte est douillettement rembourrée de subventions offertes par des gouvernements plus soucieux de leur élection effective que de nos délectations affectives!
On a quand même plus de conscience qu’une gang de sardines coincées! Et bonne Acadie Love, avec amour! Han, Madame?