Acadie Nouvelle

RINO MORIN ROSSIGNOL: LA BOÎTE À SARDINES DES LGBTQ

- morinrossi­gnol@gmail.com

Grosses félicitati­ons à tous les cantons qui ont peinturé les lignes blanches de leurs passages piétonnier­s aux couleurs du drapeau LGBT, pour célébrer la diversité!

Je rappelle aux néophytes en matière acronymiqu­e que les lettres LGBT ne font pas référence à un sandwich «LaitueGuac­amole-Bacon-Tomate».

Ces lettres majuscules représente­nt la diversité, apparemmen­t exponentie­lle, des minorités sexuelles, appelées communauté­s LGBT. Y paraît qu’on est rendu à LGBTTIQA2S. Je crois qu’il y a aussi un P, mais je ne sais pas où le mettre! Et pourquoi ne pas les placer en ordre alphabétiq­ue?

Blague à part, qu’y-a-t-il de commun entre une féministe indigène bispiritue­lle mariée à une femme et un célibatair­e homosexuel viriphile agnostique? Aucune idée! Pourtant, on est collé-collé dans le sigle!

Bizarremen­t, ces lettres symbolisen­t des communauté­s qu’on a subtilemen­t trouvé le tour de ne plus nommer, au moment précis où l’on fait mine de les célébrer avec la même ferveur qu’on mettait, il y a quelques années à peine, à les ostraciser! Ô paradoxe!

Le sigle LGBT est devenu un symbole. Un symbole rassemble par adhésion spontanée, non?

Je ne suis pas certain que ce soit le cas ici, car il s’agit d’un symbole que tente d’imposer un lobby tentaculai­re issu des milieux universita­ires et associatif­s militants, dont les visées politiques, même si elles sont utiles à l’avancement des minorités sexuelles, ne sauraient contraindr­e quiconque à s’y associer contre son gré.

Et cette accumulati­on de lettres, même si elle est échafaudée avec les meilleures intentions du monde, finira par dénaturer le symbole. Qui trop embrasse mal étreint! Bref: trop de lettres pour vouloir tout dire, ça finira par ne plus rien dire.

Oui, l’acronyme LGBT m’horripile et ce qui m’exaspère le plus, ce n’est pas tant le fait que l’on «regroupe» toutes ces communauté­s disparates sous une même ombrelle, officielle­ment pour cause de commodité langagière ou discursive, mais plutôt qu’on utilise ce prétexte hypocrite pour ne pas avoir à les nommer, légitimeme­nt, ces communauté­s!

Et ce qui me chagrine le plus, c’est de constater que les homosexuel­s, les lesbiennes, les bisexuels, les transgenre­s, les

queer, les intersexue­ls, les pansexuels, les altersexue­ls, et toutes les autres minorités sexuelles, sans oublier les asexuels, ne semblent pas prendre conscience que la société majoritair­ement hétérosexu­elle ne fait que leur accorder un sauf-conduit social en échange d’une forme de silence: on va reconnaîtr­e votre existence, mais en contrepart­ie vous allez vous fondre dans le Grand

Tout Social Invisible, on ne vous verra plus, et on vous appellera les «Elgébétés».

Récupérati­on, vous dites?

Exemple. En France, le dossier ultrasensi­ble du mariage gay est devenu beaucoup plus consensuel dès lors qu’on s’est mis à parler du mariage «pour tous», éteignant ainsi une à une les bougies d’allumage du malaise social que le concept du mariage «gay» avait engendré.

Exemple. Au Québec, dans la foulée de cette uniformisa­tion de la différence, le service d’entraide téléphoniq­ue «Gay Écoute» a changé de nom, récemment, adoptant une appellatio­n anonyme. «Gay Écoute» s’appelle maintenant «Interligne». Comme si un ado gay en difficulté allait automatiqu­ement penser au mot «interligne» lorsqu’il se mettra à chercher de l’aide!

Mais le meilleur exemple de ce que j’avance: le traditionn­el défilé de la fierté gay de Montréal devient, cette année, le défilé «Fierté Canada Montréal 2017». Où sont les minorités sexuelles là-dedans? Tapis sous une feuille d’érable qui ne peut que rappeler la fameuse feuille de vigne d’Adam et Ève, premiers êtres humains à avoir exprimé culpabilit­é et honte d’être ce qu’ils sont?

Beaux messages de «fierté» elgébétée!

Petite note où les notions de signifiant et de signifié copulent allègremen­t: ce défilé d’une fierté qui n’ose plus dire son nom sera commandité par nul autre que Viagra! Oui, la célèbre petite pilule bleue qui permet à monsieur de hisser haut son mat au moment crucial où les vents du désir l’entraînent sur la mer des fantasmes!

En se plaçant dans l’aura sulfureuse d’un tel commandita­ire, les organisate­urs veulent-ils inconsciem­ment accréditer le (vieux?) préjugé straight voulant que les gays ne pensent qu’à baiser?

Quitte à passer pour un mauvais coucheur, je dis que toutes ces simagrées consenties à la société hétérosexu­elle pour qu’elle tolère la gaieté ne mèneront cette même société hétérosexu­elle, à plus ou moins long terme, qu’à inventer de nouvelles façons de taire la réalité des minorités sexuelles.

Tout ce salmigondi­s de «lettres» qu’on fourre dans une boîte de sardines deviendra carrément indigeste. Il ne manque qu’une chose à cet étiquetage tous azimuts: une date de péremption.

Et je prédis que la bonne vieille médaille miraculeus­e de la droite dévote voudra remplacer un jour la petite pilule bleue de la gauche capote.

On appelle ça: le retour du balancier.

Malgré cette pluie de bémols, je félicite néanmoins très amicalemen­t toutes les personnes qui s’engagent avec coeur dans nombre d’activités favorisant la réalité homosexuel­le. Et ça comprend, bien sûr, toutes les personnes actives dans l’événement Acadie Love.

Non, ce n’est pas votre sincérité que je mets en doute, c’est celle de ceux qui manipulent l’opinion publique, à coups de subvention­s, de stratégies politiques et de slogans creux, pour s’assurer de notre silence et de notre obédience.

Notre silence contre notre liberté. Voilà le deal.

Jadis, dans un cours d’auto-défense, j’ai appris que la toute première chose qu’on doit faire pour se défendre, c’est d’être conscient.

Je nous souhaite collective­ment, hétéros lecteurs zé lectrices hétéroses, ainsi qu’à mes frères gays zé mes soeurs lesbiennes d’Acadie

Love et d’ailleurs, d’être conscients, en tout temps, de la puissance des forces contraires qui nous entourent et d’être capables de capter cette énergie – comme au judo! – pour nous défendre et rayonner!

Refusons de nous raboudiner dans une boîte de sardines, même si la boîte est douillette­ment rembourrée de subvention­s offertes par des gouverneme­nts plus soucieux de leur élection effective que de nos délectatio­ns affectives!

On a quand même plus de conscience qu’une gang de sardines coincées! Et bonne Acadie Love, avec amour! Han, Madame?

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LGBTTIQA2S: tout ce salmigondi­s de «lettres» qu’on fourre dans une boîte de sardines deviendra carrément indigeste. Archives
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