Smurfit-Stone: le troisième silo résiste à sa démolition
L’ancienne compagnie propriétaire du site de la Smurfit-Stone, de Bathurst, n’a pas payé son amende de 150 000$, un an après sa condamnation. Pendant ce temps, son successeur se débat avec le troisième silo qui résiste à sa démolition depuis deux semaines. Béatrice Seymour
En 2010, Bathurst Redevelopment, une filiale de la compagnie américaine Green Investment, a racheté les propriétés de l’usine de pâtes et papier cinq ans après sa fermeture.
Elle a démoli la plupart des installations pour récupérer les métaux qui avaient de la valeur, mais a laissé les lieux dans un état désastreux.
«C’est une horreur. Mon garçon a vu beaucoup de ruines comme ça quand il était en Afghanistan. C’est comme s’il y avait eu une guerre ici. Ce sont les Américains qui ont causé tout ça. Quand ils ont défait les installations, ils auraient dû nettoyer», déplore James Luce, un citoyen du secteur est de Bathurst.
Malgré les demandes répétées de la Ville de Bathurst et du gouvernement provincial, Green Investment ne s’est jamais conformée et n’a jamais nettoyé les terrains. Traînée en cour, elle a écopé d’une amende de 150 000$, en juillet 2016. La direction n’a même pas daigné se présenter.
Ne s’étant pas acquittée de sa peine, la compagnie a reçu une mise en demeure le 13 mars, lui donnant un délai supplémentaire de 30 jours.
Les dirigeants faisant la sourde oreille, une ordonnance de saisie et de vente a été signée par la cour le 10 mai. Cependant, dans une lettre deux semaines plus tard, le bureau du shérif de Bathurst a indiqué ne pas pouvoir l’exécuter puisque la compagnie mère est située aux États-Unis.
Raymond Robichaud a racheté la propriété au début 2016. Depuis décembre, il rase les silos qui trônent en arrière des bureaux administratifs. Deux sur six ont été détruits. La troisième tour ne veut pas céder. Même penchée, elle est encore bien accrochée aux barres d’acier.
Une autre méthode a été fomentée cette semaine. La surélever avec des crics hydrauliques pour qu’elle bascule.
«Elle a monté de huit pouces d’un côté, ce qui nous a donné un pied et demi sur le toit. Nous sommes dans la bonne direction, sauf que le centre de gravité est encore en faveur de la tour. Nous devons la monter d’un autre huit pouces et éventuellement, nous allons la gagner», se convainquait mardi M. Robichaud.
Il faut dire que contrairement aux deux précédentes structures rasées, celle-ci est la plus imposante.
«Elle a un diamètre de 32 pieds à l’intérieur. C’est un monstre. Elle est entêtée, mais nous aussi. On va la jeter en bas, mais ça prend plus de temps qu’on anticipait», reconnaît M. Robichaud.
Après le béluga de la rivière Népisiguit, les efforts pour mettre à terre cette tour attirent bien des curieux. Certains s’installent carrément dans l’ancien stationnement de l’usine pour suivre le déroulement de la situation, comme M. Luce.
«Le propriétaire va le (silo) dompter, mais ça lui coûte cher. S’il dépense tout son argent là-dessus, d’après moi, aucun projet ne va être développé cette année. J’ai bien hâte que tout soit nettoyé. Qu’on voit enfin de l’herbe verte, de beaux arbres», commente le badaud.
Pour ceux qui se demandent si un dynamitage n’aurait pas été plus approprié, Raymond Robichaud souligne la proximité du pont Bridge.
«Nous avons peur que ça cause des fissures dans le ciment du pont. À 12 millions $ pour un pont, je ne veux pas prendre de chance.»