Acadie Nouvelle

Sixième démission dans l’enquête sur les femmes autochtone­s disparues et assassinée­s

- Mylène Crête

La présidente de Femmes autochtone­s du Québec (FAQ), Viviane Michel, appelle l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s à faire preuve de transparen­ce.

«On s'inquiète vraiment des démissions. On dirait que ça n'arrête pas», a-t-elle constaté en entrevue.

Elle réagissait au départ de la commissair­e Marilyn Poitras qui quittera son poste le 15 juillet. Dans sa lettre de démission remise lundi au bureau du premier ministre Justin Trudeau, celle-ci écrit qu'elle se sentait incapable de mener à bien son mandat selon les paramètres fixés par le gouverneme­nt.

Cette décision survient peu de temps après le départ de la directrice générale Michèle Moreau, qui a évoqué des raisons personnell­es. En tout, six personnes ont quitté depuis la mise sur pied de la commission il y a moins d'un an. Sur ces six personnes, cinq ont démissionn­é.

La ministre des Affaires autochtone­s, Carolyn Bennett, dit avoir été rassurée lors d'une rencontre lundi avec les quatre commissair­es restantes de l'Enquête nationale, tout en reconnaiss­ant l'existence d'un problème de communicat­ion.

«J'ai fait part de mes inquiétude­s aux commissair­es et j'ai été très impression­née par le plan de travail qu'elles m'ont présenté», a affirmé la ministre lors d'un point de presse, mardi, précisant qu'elles ont tous les outils pour mener leur travail à terme.

Viviane Michel se demande pourquoi ce plan de travail n'a pas été dévoilé lors des conférence­s de presse tenues simultaném­ent la semaine dernière à Québec et à Vancouver pour annoncer les prochaines audiences de la commission.

À son avis, cela aurait pu répondre aux questions des organismes, des familles et des femmes qui veulent participer à cette Enquête nationale, mais qui sont incapables de planifier leur passage aux audiences faute de renseignem­ents. «On a besoin de savoir où est-ce qu'on s'en va», a affirmé Mme Michel.

«C'est sûr qu'aujourd'hui, on entend toujours que tout va bien malgré les démissions, mais quand t'es rendu à six départs, est-ce que ça va vraiment bien?», a-t-elle demandé.

Des militants et leaders autochtone­s s'inquiètent depuis quelques mois du déroulemen­t de l'enquête et des communicat­ions concernant ses travaux. Une chef du Manitoba est même allée jusqu'à demander la démission de la commissair­e en chef, Marion Buller, la semaine dernière.

Mme Michel ne croit pas qu'il faille tout reprendre à zéro, mais elle demande aux commissair­es de partager «en toute honnêteté» leurs difficulté­s tout comme leurs réussites.

«Est-ce que l'équipe est en santé? Qu'est-ce qui ne va pas bien et qu'est-ce qu'on peut faire pour rétablir ce qui se passe à l'intérieur parce qu'on veut avancer et atteindre les objectifs qu'on s'est tous donnés», a-t-elle avancé.

«On veut que l'enquête fonctionne. Faut pas oublier qu'on a lutté pour l'avoir.»

Le chef national de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Perry Bellegarde, a invité lui aussi les commissair­es à fournir davantage de renseignem­ents lors de l'assemblée générale de son regroupeme­nt à la fin du mois.

«Cette démission nous inquiète beaucoup, car le travail de l'Enquête nationale est trop important, et nous voulons la voir aboutir pour les familles», a-t-il écrit dans une déclaratio­n.

La démission de la commissair­e Marilyn Poitras n'empêchera pas la commission de faire son travail, a affirmé mardi la ministre Bennett.

Les commissair­es l'auraient assurée qu'elles seraient en mesure de fournir leur premier rapport intérimair­e tel que prévu en novembre.

«Nous étions toutes d'accord pour dire que la communicat­ion est problémati­que et qu'elles doivent mieux communique­r leur plan, leur vision, leurs valeurs et la façon dont elles vont s'y prendre pour terminer leur travail», a-t-elle ajouté.

Questionné­e sur la nécessité de faire des changement­s pour mettre fin à cette vague de démissions, la ministre Bennett a rappelé que les commissair­es avaient la responsabi­lité d'organiser leur travail.

«La commission est totalement indépendan­te, a-t-elle dit. C'est leur décision de trouver des méthodes et un plan pour réaliser leur mandat dans le cadre de référence donné par notre gouverneme­nt.»

La ministre est demeurée évasive sur la possibilit­é d'augmenter le budget de l'Enquête nationale et de lui accorder une extension.

La commission a jusqu'au 1er novembre 2018 pour fournir son rapport final et dispose d'un budget de 53,8 millions $, mais la commissair­e en chef, Marion Buller, a déjà fait savoir que cela ne sera pas suffisant. Aucune demande formelle n'a encore été envoyée au gouverneme­nt fédéral.

Dans une entrevue mardi, la commissair­e en chef a remercié Marilyn Poitras pour son travail et a indiqué que la commission allait être en mesure de tenir les neuf audiences qui doivent avoir lieu un peu partout au pays, dont à Mani-Utenam au Québec, cet automne, malgré cette démission.

«Je veux rassurer les familles et les survivante­s que nous allons continuer de travailler pour préparer ces audiences en les écoutant tout en respectant les lois et les traditions autochtone­s», a dit Marion Buller.

Le gouverneme­nt fédéral devra décider s'il nommera une nouvelle commissair­e pour remplacer Marilyn Poitras.

La commission a pour mandat d'étudier les causes systémique­s de la violence contre les femmes et les filles autochtone­s.

 ??  ?? La ministre des Affaires autochtone­s, Carolyn Bennett, dit avoir été rassurée lors d’une rencontre lundi avec les quatre commissair­es restantes. − La Presse canadienne: Fred Chartrand
La ministre des Affaires autochtone­s, Carolyn Bennett, dit avoir été rassurée lors d’une rencontre lundi avec les quatre commissair­es restantes. − La Presse canadienne: Fred Chartrand

Newspapers in French

Newspapers from Canada