FRANCE DAIGLE: LES AFFAIRES SONT LES AFFAIRES, AMEN!
Qu’ils soient Acadiens, Manitobains ou Ontariens, certains Canadiens francophones s’estiment jugés sur la qualité de leur français ou sur leur accent. Mercredi matin, des participants aux Jeux de la francophonie canadienne ont échangé sur la question de l’insécurité linguistique.
Pour de nombreux jeunes, ce séjour à Moncton est une occasion rare de participer à un événement en français en dehors du milieu scolaire.
Grace Hayek est inscrite dans une école francophone de Vancouver. Elle affirme qu’il est difficile pour elle de vivre en français une fois les cours terminés.
«Il y a des événements jeunesse deux ou trois fois par année, mais ce n’est pas souvent qu’on peut communiquer en français en dehors de ça», explique la jeune BritannoColombienne.
«L’été, on est un peu déconnecté de la communauté francophone, on perd notre accent. Là-bas, le français est vraiment lié à l’école. En sortant, beaucoup oublient la langue, se découragent et perdent leur identité.»
Entre l’influence culturelle de l’anglais et les particularités régionales, le français parlé dans les communautés francophones en milieu minoritaire se démarque du français «de référence». Ces normes du langage pèsent lourd dans certaines situations, note Annette Boudreau, sociolinguistique à l’Université de Moncton.
«Les francophones canadiens ont tendance à dévaloriser leur manière de parler. Ils ont une forme de malaise, une impression de ne pas parler comme il faut.»
En grandissant à Rogersville dans le comté de Kent, Renée Gaudet a eu parfois le sentiment que sa façon de s’exprimer était stigmatisée.
«Dès notre très jeune âge, à l’école, on nous dit de ‘’sortir notre bon français’’ quand on reçoit un invité. On sent comme si notre français est inférieur au modèle français ou québécois», exprime l’élève de l’école secondaire l’Assomption.
Judith Bourque, finissante de l’école Mathieu-Martin à Dieppe, observe au quotidien ce problème. Actuellement coordinatrice du budget participatif de Dieppe, elle est chargée de recueillir des idées de projets communautaires auprès des résidants. Plusieurs n’osent pas s’exprimer, par peur de déroger au français «standard». «Le monde me dit: ‘’Je ne parle assez
fancy, je ne sais pas communiquer quoi ce que je veux’’. Je trouve ça triste. Souvent, ils ne connaissent que le mot en anglais et ça devient une barrière sociale, ça les empêche d’exprimer leurs besoins», témoigne l’Acadienne âgée de 18 ans. AFFIRMER SA DIFFÉRENCE
En février, le Conseil jeunesse provincial de la Nouvelle-Écosse a lancé une campagne pour encourager la jeunesse à s’exprimer sans honte et à célébrer la diversité des expressions et des régionalismes.
L’organisme a imprimé des centaines de t-shirts avec le message «J’aime right ton accent». Il s’agissait surtout d’une réponse au slogan «J’aime pas ton accent», inscrit sur un chandail commercialisé par le détaillant québécois Ardène.
«On voulait rassembler du monde autour d’un message plus positif», précise Ana Pranjic, la directrice générale du CPJ.
«On s’est réapproprié le mot right dans un autre sens qu’en anglais. C’est un indicateur de l’évolution de la langue dans nos communautés et du dynamisme de la culture locale.»
Même si l’équipe s’est attiré les critiques en recourant au chiac, près de 1200 t-shirts ont été distribués.
«Cette réponse est une façon d’assumer sa différence et de ne pas se laisser écraser. Il faut prendre conscience que ces différentes façons de parler sont une richesse», commente Annette Boudreau.
«Ça ne veut pas dire qu’on peut parler n’importe comment, partout, tout le temps. Il faut pouvoir varier nos manières de parler selon les situations et essayer d’élargir son vocabulaire.»
«C’est toujours à nous autres de changer la façon dont on parle pour que les autres nous comprennent. Une fois, on m’a dit: ‘’Laisse-toi jamais dire que c’est toi qui a un drôle d’accent quand tu es dans ta propre communauté.’’»