GWYNNE DYER: DEUX PRÉSIDENTS, DEUX DESTINS OPPOSÉS
Même quand il n’y a pas grand-chose qui se passe dans l’actualité, il faut mettre du texte dans les journaux pour séparer les publicités les unes des autres. J’ai donc été heureux de remarquer que Muhammadu Buhari et Robert Mugabe, présidents du Nigéria e
En Afrique, le Nigéria est le pays le plus peuplé et son économie est la plus importante. Le Zimbabwe, quant à lui, est dans la misère et est complètement à sec. Pourtant, personne n’a dirigé un pays africain plus longtemps que son président, Mugabe. Alors, on écrit comme titre «Deux présidents absents, deux histoires différentes», on discute des thèmes de l’irresponsabilité et du pouvoir absolu et on rentre chez soi avant 17h.
Malheureusement, ces deux histoires nourrissent le stéréotype de présidents africains incompétents qui monopolisent le pouvoir pendant trop longtemps et qui mènent leur pays à la ruine. En fait, ni Buhari ni Mugabe n’est voleur, et la maladie de Buhari représente un grand malheur pour son pays. Par opposition, le Zimbabwe attend avec impatience le décès de son président.
Robert Mugabe a mené la lutte pour l’indépendance du Zimbabwe et, au début de son règne, on l’a même comparé à Nelson Mandela. Bien que Mugabe ait toujours été astucieux, il n’a jamais été sage.
Le Zimbabwe a prospéré durant les premières années du règne de Mugabe avec des niveaux de scolarité et de vie élevés. Mais ce président détient le pouvoir depuis 37 ans et ses actions de plus en plus arbitraires ont ruiné l’économie. Peu de citoyens occupent un vrai emploi, l’hyperinflation a fait chuter la valeur de la monnaie nationale et environ le quart de la population a émigré pour trouver du travail, majoritairement en Afrique du Sud.
Mugabe a maintenant 93 ans, mais il affirme qu’il a l’intention de vivre et de régner jusqu’à l’âge de 100 ans. Il se présentera certainement à l’élection l’année prochaine aussi, qui sera truquée comme d’habitude. Alors, le fait qu’il se trouve présentement dans un hôpital à Singapour, pour la troisième fois cette année, n’est aucunement cause de désarroi au Zimbabwe.
Les chefs d’opposition se plaignent du fait qu’il «est aux commandes à partir de son lit d’hôpital». Sa mort ne les dérangerait pas du tout: ils sont d’avis qu’il n’y aurait rien de pire que la longévité de Mugabe. Mais ils ont peut-être tort, car, après sa mort, la lutte pour le pouvoir pourrait s’avérer très violente. Il s’est premièrement fait connaître du grand public comme un des dictateurs militaires «porte tournante» du Nigéria; il a pris le pouvoir lors d’un coup en 1983 et l’a perdu lors d’un autre en 1985. Ce qui le distinguait de tous les autres? Il a lutté contre la corruption qui maintenait la grande majorité des 180 millions de Nigérians dans la pauvreté.
Buhari, qui se considère comme un «démocrate converti», a été élu à la présidence en 2015. On avait de grands espoirs qu’il serait celui qui réussirait finalement à enrayer la corruption. Et il aurait peut-être pu - mais aucun progrès n’a eu lieu.
Mais on ne peut pas oublier que Buhari est probablement tombé malade peu après son entrée en fonction. Depuis le début de l’année, il passe la majorité de son temps à Londres pour se faire traiter et personne ne l’a vu en public depuis le début de mai. C’est peu probable qu’il dirige de nouveau le pays.
Ce n’est pas nécessairement désastreux pour le Nigéria - partout, les cimetières débordent d’hommes indispensables. Mais il s’agit peut-être d’une occasion en or perdue, car Buhari semblait sincèrement vouloir contrer la corruption. Tant pis, peut-être la prochaine fois.
Et voilà, après tout, j’ai pu en tirer un article.
Si Robert Mugabe est un exemple classique d’un bon homme qui a mal tourné, Muhammadu Buhari est essentiellement le contraire.