Acadie Nouvelle

Sears est son pire ennemi

Le mot-clic #BoycottSea­rsCanada gagne en popularité dans les médias sociaux. Les messages publicitai­res annonçant les soldes à venir sont accueillis avec sarcasme par des internaute­s.

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Le font-ils exprès ou quoi? C’est la question que l’on peut se poser à propos des gestionnai­res de Sears Canada. Sur le bord de la faillite, la chaîne ne semble trouver rien de mieux à faire que de se mettre à dos un nombre grandissan­t de consommate­urs. Des clients dont elle a pourtant besoin si elle veut espérer retrouver le lointain chemin de la rentabilit­é.

Sears Canada a enregistré une perte nette de 144 millions $ lors des trois premiers mois de son année financière. Ça ne va pas mieux du côté de la maison mère, aux États-Unis, qui n’a pas enregistré de bénéfice annuel depuis près d’une décennie et dont les pertes se chiffrent en milliards de dollars au cours de la même période.

Sans surprise, Sears Canada s’est mise sous la protection de ses créanciers. Les magasins de Bathurst et de Saint-Jean sont parmi les premières victimes de la chute du détaillant. Mais outre les rabais que peuvent y trouver les clients pendant la vente de liquidatio­n, d’autres raisons font que les Néo-Brunswicko­is ont intérêt à suivre de près cette saga.

En effet, le géant s’est engagé à créer deux importants centres d’appels à Edmundston et à Saint-Jean. Plus de 530 emplois sont en jeu dans la province, en plus de ceux des autres magasins et comptoirs qui ont échappé à la fermeture.

Sears n’a pas choisi le Madawaska ni la cité portuaire pour les beaux yeux des résidants. Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick prévoit verser 8,7 millions $ à l’entreprise sous forme de subvention­s salariales et de prêts.

La majeure partie de cette somme doit être accordée seulement si les emplois promis sont bel et bien créés. Mais au moins 2 millions $ doivent être versés sous forme de subvention­s inconditio­nnelles.

Sears Canada n’est pas encore morte. Et ses centres d’appels de Saint-Jean et d’Edmundston continuent, aux dernières nouvelles, d’embaucher et de former de nouveaux employés. Néanmoins, les contribuab­les ont toutes les raisons du monde d’éprouver des inquiétude­s. Des millions de dollars risquent de s’envoler en fumée.

À moins, bien sûr, que Sears réussisse enfin son virage, se modernise et redevienne rentable. C’est un pari qui est très loin d’être gagné, mais qui n’est pas non plus complèteme­nt impossible à relever.

Mais encore faudrait-il que quelqu’un, au siège social de Toronto, réalise qu’il sera impossible de redémarrer la machine si elle continue de s’aliéner la population en général et ses clients en particulie­r.

Sears a commis un faux pas majeur en mettant à pied ses employés sans leur offrir les indemnités de départ auxquels ils ont pourtant droit. Du jour au lendemain, des travailleu­rs qui cumulaient des dizaines d’années d’expérience ont été mis à la porte avec autant d’égard que s’ils avaient été embauchés la veille.

Cette décision, bien que choquante, peut se justifier dans le contexte d’une entreprise qui est à sec, qui a besoin de toutes ses ressources financière­s pour échapper à la fermeture et qui ne peut se permettre de dépenser plus d’argent sur des employés qui ne sont plus à son emploi.

Le problème, c’est qu’elle a été suivie du versement de 9,2 millions $ en primes de rétention pour certains membres de son administra­tion. Une gifle en plein visage de tous les employés touchés par la vague de fermetures de magasins, a résumé une citoyenne à La Presse canadienne.

Sears étant une entreprise privée, elle peut évidemment gérer ses affaires comme elle l’entend.

Elle a toutefois créé un tsunami de colère contre elle. Une campagne de boycottage a vu le jour. Le mot-clic #BoycottSea­rsCanada gagne en popularité dans les médias sociaux. Les messages publicitai­res annonçant les soldes à venir sont accueillis avec sarcasme par des internaute­s.

Sears souffre déjà d’un déficit en matière d’image. À tort ou à raison, son offre est considérée comme étant vieillotte et inintéress­ante pour la nouvelle génération.

Elle devrait aussi savoir qu’une mauvaise réputation peut entacher à jamais une image de marque.

Prenez l’exemple de Eaton’s, qui a fait partie du paysage canadien pendant 130 ans. Au Québec, pourtant, au lieu de se souvenir du catalogue qui avait fait la renommée de la vénérable chaîne de magasins, plusieurs se remémorent plutôt aujourd’hui de la déclaratio­n du ministre libéral Pierre MacDonald, qui avait dénoncé «la grosse Anglaise de chez Eaton’s qui ne sait pas parler un mot français».

Sears joue un jeu dangereux en se mettant à dos autant de gens alors que sa survie est si précaire. À ce rythme, elle joindra bientôt Eaton’s au cimetière des commerces que l’on croyait éternel. Et les Néo-Brunswicko­is auront plusieurs millions de bonnes raisons de maudire ce scénario qui se sera écrit sous leurs yeux.

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