Projets pétroliers: l’Office national de l’énergie doit consulter les Autochtones
L'Office national de l'énergie (ONÉ) a l'obligation de consulter adéquatement les communautés autochtones avant de prendre une décision sur un projet énergétique, car ultimement, il agit pour le compte de la Couronne lorsqu'il tranche, a statué mercredi l
Puisque les efforts de consultations ont été «inadéquats et lacunaires à plusieurs égards» et que l'impact sur les droits issus des traités des Inuits du hameau de Clyde River n'ont pas été pris en considération par l'ONÉ, l'autorisation délivrée à des promoteurs pour effectuer des relevés sismiques dans les eaux côtières du Nunavut a été annulée par le plus haut tribunal au pays.
Dans leur décision unanime de 33 pages, les neuf juges soulignent que «le processus de l'ONÉ n'a pas permis de satisfaire à l'obligation de la Couronne de mener la consultation approfondie qui était requise dans la présente affaire» et que, par conséquent, la Couronne ellemême «a manqué à son obligation de consulter en ce qui concerne les essais proposés».
Il s'agit d'une victoire sans appel pour la communauté de Clyde River, dont la plupart des résidants sont des Inuits qui redoutaient les conséquences des essais sismiques sur les mammifères marins sur qui ils comptent toujours pour se nourrir et «assurer leur bien-être économique, culturel et spirituel», écrivent les magistrats Russell Brown et Andromache Karakatsanis.
«Quelle journée excitante pour nous», a lâché en conférence de presse à Ottawa l'ancien maire de Clyde River, Jerry Natanine.
À ses côtés, l'avocat qui a plaidé la cause de la communauté inuite, Nader Hasan, a formulé le souhait que cet arrêt soit un signal d'alarme qui sera entendu par tous les paliers de gouvernement, dont le fédéral.
«Il aura fallu une décision du plus haut tribunal de ce pays pour rappeler au gouvernement du Canada encore une fois que le devoir de consulter les peuples autochtones doit être pris au sérieux», a-t-il insisté.
Les principes juridiques entourant l'obligation de consulter les peuples autochtones sont les mêmes que dans l'autre décision rendue mercredi par la Cour suprême, qui portait sur la canalisation 9B de l'oléoduc d'Enbridge assurant la liaison entre Sarnia, en Ontario, et Montréal.
LES CHIPPEWAS DÉBOUTÉS
En revanche, dans ce cas, la consultation menée par l'ONÉ a été plus robuste, et les magistrats ont donc refusé d'annuler l'autorisation délivrée au promoteur, comme le réclamait la Première Nation Chippewas de la Thames, en Ontario. «À notre avis, le processus mené par l'ONÉ en l'espèce était suffisant pour satisfaire à l'obligation de consulter qui incombait à la Couronne», lit-on dans l'arrêt.
Les juges Brown et Karakatsanis écrivent dans la décision de 35 pages que la Cour suprême ne peut ainsi «souscrire à la thèse des Chippewas de la Thames voulant qu'ils n'aient pas eu la possibilité d'obtenir des mesures d'accommodement adéquates dans le cadre du processus de l'ONÉ».
Car «après avoir fait état des droits invoqués par les Chippewas de la Thames et d'autres groupes autochtones (...) ainsi que des risques que posaient la construction et l'exploitation de la canalisation 9, l'ONÉ a imposé plusieurs mesures d'accommodement visant à réduire les risques au minimum et à répondre directement aux préoccupations des groupes autochtones touchés par le projet», tranchent-ils.
Le chef de la Première Nation, Myeengun Henry, s'est dit «très, très déçu» du verdict. Après l'annonce de la décision, la communauté s'est réunie sur le bord de l'eau pour une cérémonie du calumet, a-til relaté en entrevue téléphonique.
Là, à court d'options juridiques, on a imploré Enbridge de fermer le robinet d'ici un mois – à tout le moins celui du pétrole issu des sables bitumineux. «La balle est dans leur camp. (...) On ne perd rien à leur demander d'arrêter», a laissé tomber le chef Henry.
De son côté, l'Office national de l'énergie souhaite prendre le temps d'«examiner en profondeur» les arrêts du plus haut tribunal au pays «ainsi que ses implications possibles», a écrit le porte-parole de l'organisme, Marc Drolet.
L'Office «est tenu d'agir conformément aux décisions des tribunaux», a-t-il souligné dans cette même déclaration écrite, plaidant que l'ONÉ comptait mettre «l'accent sur la façon (de) faire avancer (ses) processus afin de continuer d'aller de l'avant».
«On se bat pour notre vie, on se bat pour notre mode de vie, notre culture, notre culture de chasseurs-cueilleurs. La chasse à la baleine et la chasse au phoque, c'est notre mode de vie, et c'est cela que nous voulons protéger», a-t-il exposé.