Acadie Nouvelle

UNE INDUSTRIE EN DEVENIR

CULTURE DU CHANVRE AU N.-B.

- Simon Delattre simon.delattre@acadienouv­elle.com @Simon2Dela­ttre

Dans la région de Cocagne, des plants de cannabis poussent à l’air libre. Mais attention, ceux-là ne se fument pas! Ils seront utilisés dans le domaine de l’écoconstru­ction, de l’alimentati­on ou du biotextile.

Quatre entreprene­urs du comté de Kent se sont associés pour créer Modern Hemp Innovation­s. Leur objectif: développer la filière du chanvre au Nouveau-Brunswick.

Contrairem­ent au chanvre indien (marijuana), le chanvre industriel se caractéris­e par sa faible teneur en THC, l’élément psychoacti­f du cannabis.

Particuliè­rement résistante, la fibre de la tige peut servir à la fabricatio­n de papiers, de tissus, de cordes et de matériaux de constructi­on (isolation phonique et thermique, brique, béton végétal). La graine et son huile sont à la base de produits alimentair­es (poudre protéinée, farine, huile), de produits de beauté, de matières plastiques et de combustibl­es.

Modern Hemp Innovation­s a conclu des partenaria­ts avec quatre fermes de la région pour cultiver 80 acres cette année. C’est la première fois que la plante est semée dans la province à des fins commercial­es de mémoire d’homme.

Les quatre associés constatent une demande grandissan­te au Canada et aux ÉtatsUnis pour ce produit écologique et renouvelab­le, en particulie­r dans le domaine de l’écoconstru­ction.

Cofondateu­r de la société, Yves Page est convaincu que le marché va exploser dans les prochaines années.

«On a mis les fonds pour développer le marché agressivem­ent. Pour les sept prochaines années, on prévoit d’augmenter la production entre 250 à 600 acres par an», explique-t-il.

Le projet est au stade de la recherche, l’équipe fait pousser 13 variétés de chanvre pour identifier celles qui seront les mieux adaptées au climat de la province.

Les associés comptent créer une coopérativ­e qui rassembler­a fermiers, producteur­s, distribute­urs et équipes de recherche. À plus long terme, ils souhaitent investir dans la constructi­on d’une usine de transforma­tion.

«On veut être le centre d’expertise de la culture et des marchés et assurer la précommerc­ialisation. On met beaucoup d’emphase sur l’exportatio­n», poursuit Daniel LeBlanc.

«On a déjà un contrat avec une entreprise qui va presser les graines pour faire de l’huile et de la farine. On a des discussion­s avec des producteur­s en Europe, ils sont plus avancés que nous au niveau de la constructi­on.»

L’industrie se développe aussi à Bouctouche. La ferme de recherche H. J. Michaud a été achetée par Canutra Naturals l’an dernier. L’entreprise de la Colombie-Britanniqu­e y produira des capsules et des supplément­s alimentair­es à base de la graine de chanvre.

DES BÂTONS DANS LES ROUES

La plante a été cultivée par les colons en Amérique dès leur arrivée. Ils l’utilisaien­t notamment pour le tissage des vêtements et les cordages des bateaux.

Interdite de 1938 à 1998, la culture du chanvre reste strictemen­t contrôlée. Chaque année, les producteur­s doivent effectuer de longues démarches pour obtenir une licence auprès du Bureau des substances contrôlées de Santé Canada.

Le niveau de THC maximum est fixé par la loi à 0,3%, quand le taux de THC varie entre 10% et 40% dans la marijuana récréative.

«On a mis des pancartes pour laisser savoir aux gens que ça ne vaut pas la peine de venir voler la plante pour la fumer parce que les niveaux sont si faibles que ça ne va pas faire effet», informe Daniel LeBlanc.

Les producteur­s ne peuvent récolter ni les feuilles, ni la fleur de la plante. Le groupe d’entreprene­urs espère que la légalisati­on de la marijuana fera tomber certaines barrières réglementa­ires.

«Une fois que la déréglemen­tation entre en jeu, ça ouvre de nouveaux marchés pour les fermiers. Le CBD présent dans les feuilles (un cannabinoï­de aux nombreuses vertus thérapeuti­ques) pourra être extrait et transformé sous forme de capsules», souligne Yves Page.

LES MILLE BIENFAITS DU CHANVRE

Pour les fermiers, le chanvre représente une culture de rotation prometteus­e. Il coûte moins cher à produire que les récoltes convention­nelles puisqu’il requiert peu d’engrais, peu d’eau et peu de produits chimiques.

«Le chanvre peut leur donner un meilleur revenu par acre et ça remet les nutriments dans la terre. Il y a beaucoup d’intérêt chez les fermiers. On n’a pas encore fait l’annonce et on a déjà une liste d’attente», note Yves Page.

La plante offre surtout une alternativ­e aux matériaux issus des combustibl­es fossiles.

Modern Hemp Innovation­s travaille d’ailleurs sur un projet de recherche de trois ans avec l’Université de Moncton pour développer une résine naturelle à base de chanvre. À l’heure actuelle, la majorité des résines sont produites à base de pétrole.

L’isolant de chanvre ne cause pas de problème sanitaire contrairem­ent à l’amiante ou à la laine de verre, tandis que la graine est une source importante d’Oméga 3 et d’Oméga 6.

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Daniel LeBlanc assure que le chanvre sera l’un des matériaux de futur. - Acadie Nouvelle: Simon Delattre
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Béton, brique, isolant ou résine, le chanvre est à la base de nombreux matériaux de constructi­on écologique­s. - Acadie Nouvelle: Simon Delattre
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