Acadie Nouvelle

Se droguer à quel âge et à quel prix?

- François Gravel francois.gravel@acadienouv­elle.com

Il reste un peu moins d’une année avant que la vente et la consommati­on de cannabis à des fins récréative­s soient légalisées au Canada. Il n’y a pas de temps à perdre.

Les derniers mois nous ont appris que c’est une chose de légaliser la marijuana, mais que c’en est une autre de déterminer comment le faire. Plusieurs questions - dont certaines se retrouvent dans le titre de cet éditorial doivent encore trouver réponse.

Vendre où? La marijuana sera bientôt légalisée, soit. L’un des objectifs étant de sortir le crime organisé de ce lucratif marché, il faudra que ce produit soit disponible ailleurs que sur le marché illicite.

Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick devra bientôt décider à quel point cette drogue sera accessible. Par exemple, le produit sera-t-il disponible dans des cafés spécialisé­s et détenteurs d’une licence?

À moins que Fredericto­n choisisse de se réserver le monopole de la vente, comme il le fait déjà avec les boissons alcoolisée­s.

Cela signifie qu’il ne serait possible d’acheter son joint que dans les succursale­s d’Alcool NB, à moins de mettre en place un réseau parallèle.

Une autre voie à l’étude est d’accorder aux pharmacies le droit de vendre de la marijuana à des fins médicinale­s. Cela aurait l’avantage de faciliter la vie aux clients (il y a des pharmacies à peu près partout) tout en donnant à ceux-ci un accès direct aux conseils d’un profession­nel.

Comment les policiers s’adapteront-ils? Afin de mieux faire avaler la pilule de la légalisati­on, le gouverneme­nt Trudeau a promis qu’elle s’accompagne­ra de lois plus sévères. Celles-ci viseront en particulie­r les automobili­stes qui conduiront avec les facultés affaiblies ainsi que les revendeurs qui visent les endroits où on retrouve les jeunes (notamment les cours d’école). Les corps policiers testent déjà de l’équipement dernier cri en matière de dépistage des drogues.

Surtout, des études scientifiq­ues démontrent que des traces résident dans le sang des fumeurs réguliers pendant de longues périodes. Conséquenc­e du plan des libéraux dans sa forme actuelle, une personne qui fume quotidienn­ement son joint à des fins thérapeuti­ques n’aurait techniquem­ent plus le droit de conduire son automobile, même plusieurs jours après avoir inhalé.

À quel âge? C’est la question qui soulève le plus les passions. Ottawa a décrété que 18 ans sera l’âge minimum, mais laisse aux provinces la permission d’imposer un âge plus élevé, comme certaines le font déjà pour l’alcool.

Fredericto­n semble pencher pour imposer 19 ans comme âge limite. La Société canadienne du cancer et la Société médicale du N.-B. croient plutôt que ce devrait être 25 ans, soit l’âge à partir duquel la consommati­on aurait un moins grand impact sur le développem­ent du cerveau. Les médecins reconnaiss­ent toutefois qu’il n’y a aucune chance que les gouverneme­nts se rangent à cette propositio­n, et proposent un compromis (21 ans).

Au-delà de ces considérat­ions, la réglementa­tion doit aussi s’arrimer à la réalité. Environ 25% des personnes arrêtées pour un crime en lien avec la marijuana sont âgés de 15 à 19 ans, a fait remarquer dans nos pages Norman Bossé, défenseur des enfants, de la jeunesse et des aînés. Une situation qui est toutefois appelée à évoluer, puisque la possession simple sera décriminal­isée pour les jeunes âgés de moins de 18 ans.

Néanmoins, l’imposition d’un âge limite trop élevé qui serait accompagné de mesures de répression plus sévères pourrait avoir pour conséquenc­e de voir un nombre disproport­ionné de fumeurs âgés de 18, de 19 ou de 20 ans arpenter les couloirs des palais de justice. Est-ce bien ce que nous voulons? Coûts financiers et sociaux. Nous avons à peine entrepris la discussion sur les coûts financiers et sociaux qui accompagne­ront la légalisati­on. Si les cigarettes rapportent des millions de dollars en revenus de taxation, nous savons qu’elles coûtent aussi très cher en soins de santé. Qu’en sera-t-il pour la marijuana?

D’autres coûts, notamment en matière de sécurité publique, seront plutôt partagés par les municipali­tés. Comment seront-elles dédommagée­s?

Le dossier se complexifi­e davantage quand on sait que le gouverneme­nt du NouveauBru­nswick a établi la culture de la marijuana comme ayant un fort potentiel de création d’emplois et de croissance économique.

La légalisati­on de la marijuana est une vision progressis­te et séduisante. Elle vient cependant avec de lourdes responsabi­lités. Les enjeux de santé et de sécurité publique sont trop importants pour laisser un excès d’enthousias­me nous laisser commettre des erreurs qui auront encore un impact des décennies plus tard.

Le gouverneme­nt provincial a choisi la bonne voie en organisant des consultati­ons publiques afin d’obtenir autant l’avis de la population que celui des profession­nels de la santé.

Le plus dur reste toutefois à faire.

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