Le pape François: un discours qu’on aurait intérêt à entendre
J’écrivais récemment un texte (Le pape François est-il seul contre tous?) qui tentait de démontrer jusqu’à quel point un pape peut se sentir isolé quand son discours – encycliques, déclarations, homélies – se concentre sur des thèmes tels que l’éradication de la pauvreté, le désarmement, un meilleur partage des biens, le chômage, la traite des humains: des propos que tient l’actuel pape François et qui dérangent. Pas étonnant que la Central Intelligence Agency (CIA), la très puissante agence de renseignements et d’espionnage américaine, s’intéresse autant à la papauté et à ceux qui sont les plus susceptibles d’occuper le trône de Pierre.
Que nous soyons croyants ou non, pratiquants ou non, nous ne pouvons pas ne pas nous intéresser au discours que tiennent les papes pas plus que nous ne pouvons négliger de considérer les propos des grands de ce monde, dont les hommes et les femmes politiques. Pourquoi? Parce que les idées marquent et influencent. Elles changent nos vies pour le meilleur ou pour le pire.
Avant son élection à la papauté, le pape François, alors archevêque de Buenos Aires, était habité par les grandes questions sociales de l’heure, soit la paix, la justice, la liberté, la démocratie, la pauvreté, le partage des biens, le désarmement, le trafic des drogues illicites. De tels propos ne manquaient pas de créer des ennuis aux dirigeants politiques corrompus de son pays (Argentine) qui n’avaient aucune envie de voir les choses du même oeil. Toutes ces préoccupations, il les amènera avec lui dans les hautes sphères de l’Église, y cherchant les causes et dénonçant les injustices pour que, collectivement, nous arrivions à déraciner les sources du mal. C’est ce genre de pontife qu’a hérité l’Église.
Déjà, le cardinal Bergoglio voulait une Église où le message évangélique ne se limitait pas à la seule sphère du culte et de la pratique religieuse. Sa mission allait être aussi d’éclairer les consciences. En somme une Église plus politique. Parce que la politique, c’est elle qui régit chacune de nos actions. Voudra-t-on, peut-être, faire un lien entre cette vision et l’école de pensée du pasteur et politicien canadien Tommy Douglas qui prêchait et pratiquait ce qu’on appelle le «social gospel», mouvement religieux préconisant entre autres l’éradication de la pauvreté, des taudis, de l’alcoolisme, du crime, et le droit au bien-être par une assurance-maladie régie par le secteur public.
Alors qu’il était prélat d’Argentine, Jorge Mario Bergoglio était préoccupé, comme plusieurs évêques d’Amérique latine, du traitement injuste que les États-Unis faisaient subir aux citoyens de cette petite île «marxiste» qu’est le Cuba. Pas étonnant qu’il s’intéressera particulièrement aux pourparlers qui auront pour but de refaire des liens avec les États-Unis en mettant à la disposition des négociateurs la diplomatie vaticane voulant assurer ainsi la possibilité d’un dialogue vrai. Le Vatican y jouera un rôle prépondérant. Barack Obama s’en prévaudra en créant les conditions pour une ouverture alors que Donald Trump, avec son populisme malsain et son manque d’envergure flagrant, s’engagera à détruire l’accord qu’il jugera «déséquilibré». Son seul but : plaire à sa base anticastriste.
Bergoglio s’intéresse particulièrement au problème très actuel qu’est la migration des populations, leur déracinement et les conditions de vie dans ces environnements où ils sont appelés à s’acclimater et à vivre. Certains pays les accueillent généreusement, ce qui crée parfois un splash journalistique, mais s’occupe-t-on assez de leur inclusion sociale et de la possibilité de dénicher un emploi?
Quand le discours d’un pape est de cet ordre, il est impossible de ne pas le considérer sérieusement. Si nous voulons une paix véritable, une société juste, il importe que nous nous intéressions grandement à la condition humaine. Toutes les grandes institutions – l’Église, l’école, la famille, les gouvernements, les grands mouvements sociaux, les organismes d’entraide internationaux – doivent se solidariser davantage et conscientiser les masses afin de trouver des solutions pour que la condition humaine soit davantage empreinte de dignité.
On peut admirer le pape François pour son courage et ses prises de position. Il en faudrait des centaines à proclamer le même discours pour qu’ensemble nous ayons envie de contribuer chacun sa part, si minime soit-elle, et collaborer à créer un monde meilleur.