LA TOUR SOMBRE : RÉSERVÉ AUX INITIÉS
La Tour sombre est une brique de plus de 4000 pages que son auteur, le prolifique Stephen King, considère comme son oeuvre la plus importante. Ce n’est pas banal venant d’un écrivain qui a donné au monde les classiques Ça, Le fléau, Shining, Carrie et Cu
Il faut dire que le pari était pratiquement perdu d’avance. Transformer une oeuvre littéraire d’une telle envergure en un film de 95 minutes tenait de la folie.
Au cours des dernières années, de nombreux studios et tout autant de cinéastes renommés (dont J.J. Abrams et Ron Howard, rien de moins) ont caressé le projet de transposer au grand écran les aventures de Roland Deschain, le dernier pistolero.
L’idée d’adapter l’oeuvre - qui se divise en huit volumes - à la télévision a aussi été évoquée à maintes reprises, mais n’a jamais vu le jour.
Mais pourquoi une telle obsession à donner vie aux personnages de Stephen King? Parce que dans certains milieux littéraires, Le Tour sombre est considéré comme Le Seigneur des Anneaux du 21e siècle. Et dois-je vous rappeler que l’adaptation des romans de J.R.R. Tokien en une trilogie par Peter Jackson a généré des recettes planétaires de près de 3 milliards $?
Au bout du compte, Sony n’aura pas réussi à transformer La Tour sombre en poule aux oeufs d’or. Après une semaine en salle, le film de Nikolaj Arcel n’a engrangé que 33 millions $ - et il pourrait même ne pas parvenir à rembourser ses frais de production de 100 millions $...
LA BALADE DE ROLAND
Jake Chambers (Tom Taylor) et un adolescent de New York comme tous les autres. Sauf que depuis la mort de son père, il y a un an, il multiplie les cauchemars apocalyptiques.
Ses rêves sont peuplés de personnages étranges, comme Roland le pistolero (Idris Elba) et l’Homme en noir (Matthew McConaughey), qu’il dessine au point d’en devenir obsessif.
Inquiète, la mère de Jake décide de le faire examiner par des spécialistes. Jake réalise toutefois que les spécialistes en question ne sont pas humains et qu’ils font partie des créatures qui hantent ses cauchemars.
Le jeune homme deviendra alors l’enjeu d’une vaste guerre, l’Homme en noir voulant s’accaparer les pouvoirs psychiques de Jake afin de détruire le Tour sombre, un talisman qui protège de nombreux mondes - dont la Terre - des forces du Mal.
Roland, le dernier membre d’un groupe de guerriers ayant pour mission de protéger la tour, ne l’entendra toutefois pas ainsi...
UN FILM COMPLEXE
Il faut prendre une très longue respiration avant de plonger dans un univers composé de plusieurs mondes et de centaines de personnages comme celui que King a créé dans La Tour sombre.
En toute honnêteté, je croyais que l’immersion serait beaucoup plus déconcertante.
Les scénaristes ont cependant eu l’idée de génie de nous faire découvrir l’univers de la Tour sombre par les yeux de Jake, de sorte que les réponses qu’il obtient à ses questions nous permettent de mieux assimiler tout ce qui se déroule sous nos yeux.
Malheureusement, l’univers créé par King est tellement vaste et il est régi par tellement de règles complexes que le non initié (dont je suis) finit par s’y perdre.
À un moment donné, le spectateur doit accepter qu’il ne peut pas tout comprendre s’il veut tout de même un tant soit peu apprécier l’intrigue et le film. Stephen King au cinéma
INTÉRESSANT, MAIS INÉGAL
Malgré sa complexité, le récit de La Tour
sombre est bâti de façon à nous faire constamment désirer d’en savoir plus et à nous soucier du sort de Jake et de Roland.
Malheureusement, l’oeuvre ne peut éviter l’écueil des clichés (le héros qui doute, le héros qui s’ignore, le héros qui retrouve le feu sacré, le méchant aux motivations mal définies), mais constitue tout de même une belle allégorie sur l’espoir et les relations parentales.
Ces inégalités dans la qualité du scénario sont aussi présentes au niveau des images.
Les décors et les costumes sont absolument magnifiques, mais certains effets spéciaux semblent tirés tout droit d’un film de série B tourné dans les années 1980.
Donc, d’un côté, nous avons une scène terriblement mal rendue où Jake est attaqué (sans qu’on sache pourquoi...) par les planchers d’une maison, et, de l’autre, de brillants moments où la dégaine du pistolero est filmée à la fois à pleine vitesse et au ralenti.
Une telle disparité dans un film au budget de 100 millions $ n’est pas acceptable. Parions toutefois qu’une bonne partie de cette somme a servi à payer le salaire de McConaughey qui, je dois le dire, est brillant. Sa nonchalance machiavélique est absolument irrésistible.
Bilan: en tant qu’adaptation cinématographique d’un classique de la littérature, La Tour
sombre n’est pas vraiment une réussite; en tant que simple film, c’est un divertissement estival potable.
À condition d’avoir l’esprit ouvert. Et d’accepter de ne pas tout comprendre.