Acadie Nouvelle

FRANÇOIS GRAVEL: COMME DEUX ENFANTS QUI SE QUERELLENT

Il est un peu tôt pour courir se cacher dans l’abri antinucléa­ire le plus près. Les menaces que s’échangent le président des États-Unis Donald Trump et le numéro 1 de la Corée du Nord Kim Jong-un ne sont, pour l’instant, que ça: des menaces.

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Néanmoins, l’escalade des tensions entre ces deux pays méritent notre attention, ne serait-ce que parce que toutes les règles traditionn­elles de la diplomatie semblent avoir été brisées.

Donald Trump et Kim Jong-un ne ressemblen­t pas à deux chefs d’État qui ont l’avenir de leur nation et de la planète à coeur, mais plutôt à deux enfants qui se querellent.

Deux enfants qui disposent de l’arme nucléaire.

Les histoires rocamboles­ques à propos de Kim Jong-un, qui se vante dans son autobiogra­phie d’avoir réussi onze trous d’un coup dans l’unique partie de golf auquel il aurait participé, nous font normalemen­t rigoler et font le bonheur d’émissions à caractère humoristiq­ue comme Infoman.

Les récentes informatio­ns sont plus inquiétant­es. La Corée du Nord aurait réussi des progrès en matière d’armement nucléaire, au point où elle se dit désormais capable de frapper des pays situés à grande distance. L’île de Guam, dans le Pacifique, abrite une base militaire américaine. Elle serait dans la mire du «Cher Leader».

Le président Trump a réagi comme il le fait chaque fois: avec un tweet. Il a menacé de faire subir à la Corée du Nord «le feu et la colère» comme jamais personne ne l’a subi dans toute l’histoire de l’humanité.

Le genre de propos incendiair­es qui, dans un autre contexte, auraient pu être proférés par Kim Jong-un lui-même!

Espérons que ces messieurs un brin impulsifs retrouvero­nt la raison. D’ici là, interrogeo­ns-nous à propos de quelque chose qui nous a longtemps été inimaginab­le: les conséquenc­es d’une guerre nucléaire.

Ne serait-ce que pour des raisons géographiq­ues, le Nouveau-Brunswick ne serait pas sur la ligne de front. Nous sommes situés bien loin de l’océan Pacifique. Nos élus, tant Brian Gallant que Justin Trudeau, n’auraient aucune influence sur la suite des événements. Nous ne serions que des spectateur­s impuissant­s.

Il est clair aussi que la Corée du Nord, qui est un nain à l’échelle mondiale, n’aurait aucune chance contre la superpuiss­ance mondiale que sont les États-Unis d’Amérique. Toute guerre se terminerai­t par la destructio­n annoncée par Donald Trump. Une rare promesse qu’il serait en mesure de tenir…

Cette bataille aurait toutefois des conséquenc­es. Le voisin immédiat de la Corée du Nord est la Chine. Celle-ci a signé un accord de défense mutuelle avec son belliqueux voisin. Une agression américaine contre Pyongyang pourrait pousser l’Empire du Milieu à entrer en guerre.

Par ailleurs, il est important de rappeler que le Canada et les États-Unis font tous les deux partie de l’OTAN (Organisati­on du traité de l’Atlantique Nord), en vertu de laquelle une attaque contre un des membres est considérée comme étant une attaque contre tous ses alliés.

Si le dictateur nord-coréen met sa menace à exécution et balance des missiles contre le territoire de Guam, le Canada pourrait alors se retrouver en guerre plus vite qu’on le pense en sa qualité de membre de l’OTAN. Vous avez bien lu. Des soldats acadiens pourraient se retrouver à l’autre bout du monde afin de livrer bataille aux militaires nord-coréens… et même chinois.

De la politique fiction? Parlez-en aux anciens combattant­s qui ont participé à la Guerre de Corée (1950-1953). Parlez-en aussi aux Irakiens, aux Syriens et aux Afghans qui ont vu tomber chez eux les bombes américaine­s dans un passé récent.

Outre toutes les vies militaires et civiles qui seraient emportées, le conflit aurait aussi un impact sur les économies néo-brunswicko­ise et canadienne. La Chine est un important partenaire financier et commercial…

Nous n’en sommes heureuseme­nt pas encore là. Tant Donald Trump que Kim Jong-un ont l’habitude de faire des déclaratio­ns intempesti­ves qui ne se transforme­nt pas nécessaire­ment en actions.

Le monde n’en serait pas non plus à un premier point de bascule. Plusieurs ont cru que la Crise des missiles de Cuba (1962) provoquera­it la Troisième Guerre mondiale. Les dirigeants ont finalement réussi à s’entendre.

Il faut dire que John F. Kennedy et Nikita Khrouchtch­ev étaient des hommes pragmatiqu­es. Les États-Unis voulaient aussi protéger leurs alliés européens, qui se seraient retrouvés sur la ligne de front d’un conflit armé. Quant à l’URSS, elle se souvenait encore du lourd tribut payé pendant la Seconde Guerre mondiale (plus de 20 millions de morts dans ce pays) et avait un empire à protéger.

Nous parlons donc de deux États dirigés par des hommes qui avaient tout à gagner à agir de façon raisonnabl­e. Peut-on dire la même chose aujourd’hui avec les protagonis­tes du jour?

Nous ne pouvons que nous croiser les doigts.

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