GWYNNE DYER: LE VENEZUELA EST UNE VÉRITABLE POUDRIÈRE
On entend deux histoires différentes quant à l’attaque du 6 août contre le fort Paramacay, une base militaire dans l’État de Carabobo. D’un côté, le gouvernement du Venezuela maintient qu’il a tué ou capturé la moitié des vingt assaillants et qu’il traque
«Des quatre bataillons, un seul a résisté à l’attaque», a-t-il expliqué, affirmant qu’il a un contact direct avec celui qui a mené l’attentat, le capitaine Juan Caguaripano. Les rebelles se sont emparés d’«une grande quantité d’armes», majoritairement des fusils d’assaut, et en sont apparemment sortis indemnes.
Peu importe l’histoire que l’on croit, tous les témoins s’entendent pour dire que de nombreux citoyens demeurant près de la base à Valencia, la capitale de Carabobo, se sont déversés dans les rues pour encourager les rebelles. Une guerre civile n’a pas encore éclaté au Venezuela, mais la marmite est prête à éclater.
Cette attaque n’a eu lieu qu’une semaine après que les partisans du gouvernement assiégé du président Nicolas Maduro ont élu une «assemblée constituante». Ce n’est pas étonnant que l’opposition ait boycotté le vote, car l’objectif de cette nouvelle assemblée est de réécrire la constitution et d’assurer la victoire de Maduro dans la prochaine élection.
L’assemblée constituante, que Maduro a créée par décret, se compose exclusivement de 545 partisans du président. On n’a pas fixé de durée pour le mandat de l’assemblée ni imposé de limitations quant à son pouvoir. Elle peut, par exemple, remettre indéfiniment les élections présidentielles de l’année prochaine. C’est important, car Maduro perdrait certainement dans une élection juste: des évaluations récentes indiquent qu’il n’a qu’environ 20% de l’appui populaire.
L’assemblée constituante pourrait également bientôt dissoudre l’Assemblée nationale légitime, dans laquelle les partis de l’opposition bénéficient d’une majorité depuis l’élection de décembre 2015 qu’ils ont remporté avec deux tiers des votes.
L’assemblée constituante a déjà congédié la procureure générale, Luisa Ortega, membre du Parti socialiste et ancienne alliée de Maduro, avec qui elle a rompu ses liens en raison de son comportement de plus en plus arbitraire.
L’action la plus menaçante de Mme Ortega a été d’ouvrir une enquête sur le vote du 30 juillet qui a institué l’assemblée constituante. Étant donné que seuls les partisans de Maduro y ont participé, elle ne semblait pas nécessaire. Mais, à la mi-juillet, l’opposition a tenu un référendum informel lors duquel sept millions de personnes ont voté contre l’assemblée.
Maduro a alors cru nécessaire d’affirmer que plus de huit millions de Vénézuéliens avaient voté pour cette nouvelle assemblée. Déjà, cela n’aurait pas été une participation impressionnante dans un pays d’une population de trente millions – sauf que, l’entreprise qui a fourni la machine à voter, SmartMatic, a annoncé que les résultats avaient été falsifiés. On y avait ajouté au moins un million de votes.
Antonio Mugica, l’administrateur général de SmartMatic, a assuré le public de la validité des résultats de toutes les élections précédentes au Venezuela menées avec leurs machines. «C’est alors avec un profond regret que nous devons vous annoncer que les chiffres représentant le taux de participation au vote du 30 juillet pour l’assemblée constituante du Venezuela ont été altérés», a-t-il annoncé.
«C’est une dictature», a commenté Luisa Ortega il y a une semaine. C’est vrai. Maduro a conclu que lui et le Parti socialiste ne peuvent demeurer au pouvoir qu’en réprimant toute opposition. Et il a probablement raison. Le régime dont il a hérité en 2013 après la mort de son fondateur, Hugo Chavez, a connu une véritable popularité à un moment donné et a remporté des élections libres. Mais après quatre ans, la chute du prix du pétrole, une mauvaise gestion économique et de plus en plus de corruption ont mis fin à son succès.
Les manifestations dans les rues contre Maduro durent maintenant depuis quatre mois et au moins 120 personnes sont mortes. L’inflation atteint les 1600%. Il y a une grave pénurie de nourriture et de médicaments et le taux de meurtre est parmi les plus élevés au monde. Les généraux sont bien rétribués pour leur service au régime, mais les soldats de rang ne gagnent que quelques dizaines de dollars par mois.
Le Venezuela est une poudrière. Il y a des centaines de milliers de partisans dévoués au régime chavista et le gouvernement leur a distribué des armes. Si c’est vrai que la majorité des soldats n’ont pas résisté à l’attaque des rebelles contre la base militaire à Valencia, l’armée est peut-être sur le point de se diviser. Maintenant, non seulement de plus en plus de manifestants meurent-ils quotidiennement, mais le nombre de meurtres de policiers augmente aussi.